mercredi 24 mars 2010

The rose

Valise bouclée. Pause de printemps!

Le chef d'orchestre

Le Grand Paris... Expectative!
Qui est donc le chef d'orchestre?


Rien dans les mains tout dans les poches... poitrine? Curieuse déformation de ce gilet de Frédéric Mitterrand! Je n'ai pas l'intention de me moquer hein, surtout que Fred a dit à propos de Stéphane Guillon : "Il a absolument le droit de se moquer, de faire des caricatures, de faire rire, de critiquer tout ce qu'il veut mais attaquer les gens sur leur physique, je le martèle, je le redis encore, je ne suis pas d'accord". Je précise donc, je m'attaque à son gilet!
Est-ce la revue de presse du jour qui est glissée sous son gilet? Ou bien les notes du discours qu'il va prononcer pour l'inauguration du plafond peint de Cy Tombly pour la Salle des Bronzes du Louvre?A moins que ce ne soit une manifestation débordante de l'andropause*? La graisse parfois çà se met un peu partout... Ben oui, les hommes aussi sont des femmes comme les autres. Hi!

J'aimais bien le Frédéric Mitterrand cinéphile passionné, cinéaste, réalisateur aussi pour la télévision et j'ai besoin de me remémorer ce qu'il fut pour continuer d'être en empathie avec lui aujourd'hui.
De la création de L'Olympic-Entrepôt à sa nomination au Ministère de la Culture, le parcours fut passionnant, riche, mais aujourd'hui j'ai parfois l'impression qu'il n'est là que pour "animer" un ministère aussi morose que les autres. D'acteur il est passé à animateur, un nouveau job!

*Bien que de nombreux hommes cherchent à s’en défendre, il existe bien chez eux une ménopause, que l’on appelle effectivement l’andropause. Cette étape de la vie de l’homme se caractérise par une baisse significative de l’hormone masculine, la testostérone, qui entraîne des changements plus ou moins significatifs.

Quels peuvent être les symptômes? Du côté physique, la baisse de la testostérone dans le sang se manifeste par une perte de la masse musculaire au profit d’une augmentation de la masse graisseuse, symbolisée bien souvent par la transformation des abdos si bien entretenus, par une ceinture de graisse, que l’on appelle familièrement une bouée! [...] Il arrive également que certains hommes se trouvent confrontés de manière inexpliquée à une impossibilité à prendre des décisions. " (sic)... et ce ne sont que quelques extraits!

mardi 23 mars 2010

Plaisir de lire, plaisir d'offrir



Lire demande-t-il un effort?

"La lecture à l'inverse d'Internet, où tout est mis à disposition immédiatement, demande de la patience. Lire est un acte solitaire à un moment où tout le monde rêve d'appartenir à une communauté de réseau. C'est un acte égotiste et secret, difficilement partageable. Quand on parle d'un film entre amis, on est souvent d'accord sur les scènes essentielles. C'est moins souvent le cas pour la littérature, où chacun privilégie un ton ou un passage selon un attachement ou un tropisme personnel. Parler d'un livre, beaucoup plus que parler d'un film, met à nu."
Eric Vigne, directeur du secteur essai chez Gallimard, interviewé par Marie-Laure Delorme dans le JDD.

Je suis d'accord : parler d'un livre est un acte très intime, c'est se dévoiler en parlant de ce qui nous touche, tout comme offrir un livre que l'on aime c'est déjà dire à l'autre : ce livre, c'est un peu de moi que je te livre.

... Gallimard! pas besoin de faire de la pub pour cet éditeur. En revanche les petits éditeurs sont de plus en plus menacés et beaucoup ne peuvent être présents au Salon du Livre, les prix ayant pratiquement doublés de 2009 à 2010 pour y exposer. Et c'est bien dommage.

lundi 22 mars 2010

Soudain L'horizon s'est éclairci

Dessin de Jul dans La Grande Librairie, le 11 mars.

Hier soir je regardais Patrick Modiano parler (?) de ses livres, interrogé par François Busnel dans La Grande Librairie pour son dernier livre L'horizon; j'avais enregistré l'émission. Que j'aime écouter cet écrivain tenter parler de lui et de littérature; paroles hachurées, phrases qui restent en supens, regard tourmenté, le type même de l'écrivain qui ne peut qu'écrire ce qu'il ressent mais n'arrive pas à le dire. Pourtant, étrangement, quand je le vois, dans le flou de ses paroles, cherchant ses mots, je sens passer quelque chose d'émouvant, de puissant, et qui est transmis dans ses livres.
Je préfère mille fois écouter parler Modiano qu'un Luc Ferry au débit soûlant. Bon, il n'y a aucun rapport entre eux, mais je me comprends.
Au cours de l'émission Esprit critique sur France Inter, Vincent Josse a fait lire à Patrick Modiano un extrait de son livre. C'était un moment délicieux d'entendre l'écrivain lire ce texte - cette fois sans bafouiller - avec le ton exact de ce qu'il avait voulu exprimer; oui, un moment magique. D'ailleurs Modiano dans cette émission s'est exprimé bien plus clairement que d'habitude. Soudain L'horizon s'est éclairci...

Patrick Modiano, L'horizon, éd. Gallimard.

dimanche 21 mars 2010

Un sourire suffit parfois...

"Il ne faut jamais cacher à une femme l'effet qu'elle provoque". Alfred Jarry
J'écoute des Papous dans la tête et du Alfred Jarry "rewrité" par les Papous.

Ce matin...
Je rentrais avec mon JDD sous le bras en traversant la passerelle du Cap Horn. Il n'y en avait qu'un seul assis sur le muret de pierres, il se roulait une cigarette. D'habitude ils sont bien cinq ou six, parfois plus, debout ou assis, une canette de bière à la main. Jamais je n'évite leur regard et je leur lance un bonjour auquel ils répondent en choeur : bonjour madame. Ils me reconnaissent maintenant.
Ce matin...
Il n'y en avait qu'un, qui roulait sa cigarette. Arrivée à sa hauteur je lui ai dit : bonjour, avec un sourire, je trouvais triste qu'il soit seul; il m'a répondu : bonjour madame en souriant aussi, puis le dépassant j'entends : merci madame; je me retourne et je vois un peu de bonheur dans son sourire et son regard, je lui souris à nouveau, puis je m'éloigne, songeuse.
Plus loin, devant le Prieuré, je croise trois joggeurs, l'un d'eux me sourit, bien sûr je réponds à son sourire.
Je suis de plus en plus songeuse. Quel est donc mon visage ce matin pour que des inconnus me sourient? Joyeux? Généreux? Cela m'a donné envie de siffler en rentrant chez moi. Impossible de siffler si l'on n'est pas joyeux!

samedi 20 mars 2010

Richard Millet suite

Le 18 avril 2008, Eric Chevillard écrivait ceci dans son Journal 2007-2008, L'autofictif (p. 158-159) :

"Richard Millet écrit : Si je dis que l'Afrique (à l'exception de la chrétienne Éthiopie) ne m'intéresse pas, que ses langues, ses habitants, ses paysages, ses religions, ses moeurs, ses formes de civilisation me laissent de marbre, que je m'y sens esthétiquement indifférent, si je dis que je n'ai jamais désiré une Africaine, et que je vois ce continent à peu près comme le narrateur du roman de Conrad Au coeur des ténèbres, cela implique-t-il que je sois "raciste"? devrais-je cesser de me référer à cette très personnelle échelle de valeurs et de goûts qui font de moi un être désirant, ouvert, frémissant?

Certes pas, pour la première question. Certes non pour la seconde. Mais comme l'Afrique va pâtir de cette indifférence! Car c'est justement ce désir qui fait défaut à l'Afrique, le désir de Richard Millet, qui la redresserait, ce fort et ardent désir, toute cette sève d'un coup, vous pensez, comme elle eût fécondé l'Afrique!

Quelle lumière sur la brousse, à faire pâlir le soleil fixe au-dessus, le désir de Richard Millet! Voilà le feu qui manque aux reins du mâle africain. Eau qui irrigue et baptise, encre qui instruit, cette semence épandue à longs traits sur les terres stériles eût changé la donne! L'Afrique pourtant va devoir survivre sans le désir de Richard Millet, sans son frémissement non plus, c'est dire si elle va plutôt dépérir et se lézarder encore, c'est dire aussi si l'ingrate femme africaine continuera longtemps de son geste archaïque, indolent, mais auguste, à piler le millet."

Je pense que ce billet de Eric Chevillard a dû lui être inspiré par le livre de Richard Millet, L'opprobre, qui a fait couler pas mal d'encre à sa sortie. Je ne l'ai pas lu, j'ai découvert Richard Millet cette année et il est vrai qu'en fermant chacun des livres lus je me dis à voix haute : quel talent ce ...! Mais si mais si, on peut avoir du talent et l'être. Car bien sûr, on ne peut passer sous silence cette impression de malaise parfois en le lisant. Mais pour autant, doit-on censurer un auteur, ne pas le lire, parce qu'il écrit parfois des horreurs, car ici, il s'agit bien d'horreurs. Non, je n'ai pas envie de lire L'opprobre qui j'en suis sûre me révulserait. Je ne renie pas pas non plus le plaisir intense (et pas coupable) que j'ai eu jusqu'à présent à lire quelques-uns de ses livre, sa langue est belle, crue, dérangeante, remarquable. Mais peut-être n'ai-je lu que les plus soutenables? Il me reste à lire La confession négative et le dernier, Le sommeil sur les cendres, éd. Gallimard.

J'ai terminé La voix d'alto, magnifique. Dernier extrait, p. 248-249 :

"Je n'aime pas la danse. Je n'ai jamais dansé. J'ai une trop haute idée du rythme pour m'abandonner aux transes collectives par lesquelles mes contemporains pensent exorciser la peur de la mort. Et puis le corps humain ne m'est supportable que dans la semi-obscurité des chambres, ou au-delà de la rampe. Comme beaucoup de musiciens j'écoute peu de musique pour mon propre plaisir et je n'aime guère regarder jouer les autres; il y a quelque chose d'obscène dans le visage d'un interprète sur scène, autant être surpris aux cabinets ou en train de jouir, et je ne suis pas loin de penser que je pourrais haïr la musique à cause du visage qu'elle me donne lorsque je joue et que je n'ose me représenter, particulièrement lorsque mon jeu ne parvient pas à me le faire oublier, ce visage, ni ce qu'il peut avoir de grotesque, de laborieux, d'indécent, surtout si on songe que la plupart des gens vont au concert autant pour voir que pour écouter, car ils ont en vérité peur de la musique; celle-ci possède un si puissant pouvoir d'abstraction qu'elle finit toujours par nous conduire au-delà du plaisir pour nous placer face à notre propre nuit, à notre néant, à l'irrémédiable : ils viennent nous voir mourir à leur place".

Il y a les écrivains que j'aime lire et que j'aurais aimé - que j'aimerais - rencontrer et il y a ceux que j'aime lire sans avoir aucune envie de les rencontrer. Et, bizarrement il y a aussi des écrivains qui sont mes amis, que j'aime rencontrer et que je n'aime pas lire du tout!

vendredi 19 mars 2010

Prémonition

14 janvier 2008

Ayant obtenu le meilleur job, la plus belle fille, la plus grosse montre, l'homme s'assit au sommet de la montagne qu'il avait gravie. Il leva les yeux au ciel. Décrocher la queue de Dieu comme il avait décroché la queue de Mickey? Pour la première fois de sa vie, il chassa une idée présomptueuse. Mais alors que faire désormais? Il se mit debout, embrassa la vallée d'un regard et, relevant le col de son pardessus, commença à dégringoler dans les sondages.

Eric Chevillard, L'autofictif, Journal 2007-2008, p. 89. Edition L'Arbre Vengeur.

J'ai un vrai plaisir chaque matin à lire L'autofictif de Eric Chevillard sur son blog mais ce plaisir n'est en rien comparable à celui que j'éprouve en le lisant sur papier.

jeudi 18 mars 2010

L'audience des blogs

Cette idée qu'un blogueur est à l'affût d'une audience de plus en plus élevée est sans doute compréhensible mais ne laisse de me surprendre. Je suis vraiment une bleue en matière d'Internet. Je me trouve narcissique avec mon blog, mon ego, mon Je, je ne m'en cache pas, mais je m'en fiche complètement d'être lue, je veux dire être lue par des inconnus, de ceux qui parcourent les blogs en une minute et s'en vont ailleurs faire une lecture approximative. Attacher une importance à son audience est il me semble, d'un narcissisme encore plus élevé que le mien, et c'est peu dire (rires). Avec Blogger pas de souci de genre, pas de flux rss, pas de statistiques. Je ne parle pas pour moi ici bien sûr, ne me considérant pas comme une vraie blogueuse puisque je n'ai pas ouvert les commentaires et que seulement quelques relations-amies connaissent mon blog.
Je pense que les blogs les plus lus ne peuvent l'être que par une masse hétéroclite dont il est difficile de connaître le degré de culture, d'intelligence et même d'intérêt de celui (celle) qui les lit. Le critère de la qualité du lecteur est pourtant plus essentiel que celui du nombre de lecteurs. Audience des chaînes de télé et maintenant audience des blogs.



Les statistiques de son blog :
Mais qui est venu me voir aujourd’hui ? depuis ce matin ? ces dernières 30 minutes ?
Le blogueur est très souvent un accroc des statistiques de son blog (ou de ses blogs !). Il lui arrive de les regarder plusieurs fois par jour voire plusieurs fois par heure.


La pulsion à la publication d’article :
"Arg! C’est 23h32 et j’ai toujours pas publié un article aujourd’hui… mais qu’est ce que je pourrais bien publier vite fait ?”
Le blogueur passe également pas mal de temps à penser à ce qu’il pourrait bien publier prochainement*. Un blog étant une série d’articles, plus on publie sur un blog plus on crée de la valeur pour ce dernier. De nombreux blogueurs ont le post compulsif.
Photos et article ici.* Là je dois être honnête, je me reconnais... mais non! pas sur la photo;o))

mercredi 17 mars 2010

Un cadeau intime


Les jours se suivent... et non, ne se ressemblent pas toujours.

J'ai revêtu une carapace aujourd'hui, pour me protéger. Est-ce pour cela que je me sens si triste, si pesante? Je voudrai pouvoir vivre sans masque, sans prendre de coups.
Je me protège pourtant.
Je crois que je suis fatiguée plus que lasse. Une bronchite qui traîne sans doute, mettons cette tristesse sur le compte de ce malin virus.

Je viens d'acheter un livre de poche pour mon voyage en train dans huit jours :
Mrs Dalloway de Virginia Woolf. Depuis le temps que je suis plongée dans son Journal il faut que je lise aussi autre chose d'elle; je n'ai lu que Une chambre à soi et La promenade au phare.
Je ris en lisant ce résumé du livre :
"Présenté sous la forme d'un grand monologue intérieur, ce roman raconte la journée d'une femme, à Londres. Dans ce livre, publié en 1925, Virginia Woolf affirme avoir voulu «exprimer la vie, la mort, la raison, la folie». Tout cela par l'entremise d'une héroïne élégante et sensible."
Oui je ris, en me disant : je vais encore me régaler, je suis maso.


La dernière fois que j'ai acheté Mrs Dalloway pour le lire, je n'ai pas eu le temps, je l'ai finalement mis dans un colis imprévu pour une amie. Quelques mois plus tard cette amie m'a dit : les galettes que tu m'as envoyées étaient délicieuses. Pas un mot sur Mrs. Dalloway. Aucune importance, enfin si, c'est extrêmement important pour moi de savoir, non pas si le livre offert a plu mais s'il a été lu.

Il n'y a pas de cadeau plus intime pour moi que d'offrir un livre.

mardi 16 mars 2010

La voix d'alto

"Faut-il que je me justifie, que je redise qu'en fin de compte je n'aimais pas plus Delphine que je n'aimais Nicole, mais que cette absence d'amour n'était pas de même nature, qu'avec la première il y avait l'obscure volonté de me perdre et, avec l'autre, l'espoir d'accéder à une forme supérieure de la solitude? Je me laissais aimer par elles afin que leur amour me touche comme une grâce, que j'en sois illuminé, rendu meilleur et, pourquoi pas, amoureux à mon tour puisque je n'étais pas loin de penser, comme Delphine, qu'il n'y a pas d'amour sans réciprocité - à ceci près, aurais-je pu ajouter, avec Nicole, cette fois, que ce sont la plupart du temps des réciprocités inégales, d'où naît toute l'injustice du monde, et que, me dirait-elle plus tard, nous étions les seuls, elle et moi, capable de les battre en brèche; des sortes de justes, ajoutait-elle, en donnant à notre amour une dimension qu'il me restait à mériter.
En vérité je me tenais à distance de tout : dans le lointain, sur l'autre rive d'où j'assistais à mes amours sans pouvoir rejoindre celles qui les inspiraient et qui en paraissaient souvent plus les ombres que les personnes de chair à qui j'inspirais un sentiment en fin de compte désespérant. Ni pire ni plus frivole qu'un autre, pourtant, pas plus un libertin comme Tobias Suttermans qu'un vrai indifférent : un type qui avançait avec sur les épaules le poids de neige d'un frère mort et qui n'avait, pour se sentir peu ou prou de ce monde, que la musique et les femmes, l'alto me rapprochant des femmes et celles-ci me renvoyant à lui, sans cesse, en un mouvement que je ne cherchais pas à contrôler - auquel, même, je m'abandonnais avec une légèreté qui était à mes yeux l'unique chance de ne pas sombrer dans ce dans quoi je voyais tomber tant d'autres et où je me suis trouvé à mon tour sur le point de choir, lorsque j'ai été las de Delphine et que j'ai avoué à Nicole combien j'étais effrayé de voir cet amour entrer dans son propre hiver."

Richard Millet, La voix d'Alto, p. 177-178.

Il m'arrive de trouver le bonheur dans la solitude d'une après-midi comme celle d'aujourd'hui, en lisant ce livre dont l'extrait est suivi de quelques pages divines, sensuelles et musicales, en écoutant d'abord en sourdine pour ne pas déranger ma lecture, The Two and Three Part Inventions de Bach par Glenn Gould, puis de fermer le livre pour m'imprégner de ce que je viens de lire, rehaussant alors le son de Bach, fermant les yeux, lovée dans mon canapé, les rouvrant pour observer à travers la fenêtre les oiseaux danser dans le ciel puis se réfugier dans les ouvertures du clocher de l'église que j'aperçois, les refermant pour écouter à nouveau Glenn Gould, pensant alors que ce moment de bonheur-là je ne pouvais le ressentir pleinement que dans la solitude.

lundi 15 mars 2010

Ailleurs

Quand je n'ai rien à dire je vais voir ailleurs ce qui m'inspire, m'interpelle, me plaît.
Aujourd'hui ici :

"Il y a toujours un viol dans une question trop précise. Une effraction de notre intime douceur. La profanation du mystère. Comme si la question donnait à elle seule un droit à la réponse. Et bêtement on se sent obligé de répondre. Parce que ne pas répondre, c'est déjà en soi une réponse".

et :

"Une vie sans voyages, sans expériences nouvelles, sans rencontres serait d’un ennui mortel, dénuée d’émotions, de frissons ; aussi bien ai-je toujours en train plusieurs projets de cet ordre que je pousse assez loin puis annule au dernier moment, offrant ainsi à mes nerfs la plus intense et la plus délicieuse des sensations, le soulagement".

dimanche 14 mars 2010

***

"Il me restait quelques lecteurs, qui ont lu Choir puis qui se sont pendus."
Eric Chevillard, L'autofictif.

samedi 13 mars 2010

Xavier Grall


"L'éditeur René Rougerie, fondateur en 1948 des éditions Rougerie, spécialisé dans la poésie, est décédé dans la nuit à Lorient, a-t-on appris auprès de son entourage.
En plus de 60 ans, René Rougerie a publié les plus grands poètes français, de Boris Vian à Max Jacob, en passant par René-Guy Cadou, Xavier Grall ou Joe Bousquet. René Rougerie était connu pour sillonner la France afin de livrer lui-même les dernières productions de sa maison. Il était ainsi venu à Lorient déposer des exemplaires d'un de ses derniers livres publiés, "Litanies de la mer" de Saint-Pol-Roux, par lequel il achevait la publication des écrits du poète.
Dans son "manifeste de liberté", René Rougerie écrivait: "je publierai donc tout ce que j'aime. Revendiquant même le droit de me tromper. Refusant toutes les étiquettes, ne me laissant enfermer dans aucun système. Capable d'aimer aussi bien une poésie lyrique que celle concise où chaque mot porte son poids". Avec "Litanies de la mer", le dernier ouvrage publié par Rougerie Editions est "Oeuvre poétique" de Xavier Grall."
AFP, le 12 mars 2010.

C'est en lisant cet article que j'apprends que l'éditeur vient de publier dans son intégralité l'oeuvre poétique de Xavier Grall. Il faudrait aussi penser à rééditer ses livres : L'inconnu me dévore, Les vents m'ont dit, Les billets d'Olivier... Xavier Grall est mort le 11 décembre 1981. Il demeure pour moi un écrivain majeur et je regrette qu'on le qualifie d'écrivain breton ce qui le confine dans un régionalisme alors qu'il fut aussi longtemps le journaliste de la Chronique du Logéco (sous le pseudonyme d'Olivier) habitant alors un immeuble à Sarcelles (d'où le nom de "Logéco") et qui paraissait chaque semaine dans La Vie (ce que j'appris en lisant sa biographie). Il collabore aussi au Monde et aux Nouvelles Littéraires. Lorsque je vivais à Paris je n'avais entendu parler de lui qu'avec son Cheval couché écrit en réponse au Cheval d'orgueil de Pierre Jakez Hélias! Autant n'avais-je jamais réussi à lire ce dernier jusqu'au bout, autant Le cheval couché m'avait éblouie. C'était une réponse véhémente mais poétique. Dans sa préface il annonce la couleur :
"Je ne suis pas cet écrivain cantonal, cet Hélias qui n'a jamais ouvert la bouche que pour la Bigoudénie. Je rassemble dans ma vision, des pays divers, un pluralisme végétal et spirituel, une fédération de clans, un réseau de baies.
[...]
Bretagne, multiple dans son unité secrète
."


Puis le livre commence ainsi :
"Ce jour-là, j'ai tout envoyé promené : Sarcelles, les ambitions littéraires, journalistiques, les petits fours du Seuil, les intrigues professionnelles, le bus, le métro, la rame de la gare du Nord. J'avais faim. J'avais faim des arbres, des feuilles, des grèves. je voulais entendre rouler le parler breton dans ma tête, entendre racler rugueusement les tables des tavernes et rencontrer le temps des horloges. Et cette envie de chanter! Cette fureur. A Paris, on ne chante que dans le chrome des juke-boxes.
[...]
J'abandonnais la souveraineté de la méthode et la mesure du classicisme pour m'en venir aux origines, aux signes, aux sens. Il faisait beau sur Paris, ce jour de juillet, quand je quittais la capitale pour toujours, avec ma femme, mes enfants, le chien, les bagages. Adios! Adieu Saint-Denis ou repose la reine Anne, adieu la Seine de jadis et de naguère, les librairies du Quartier Latin (Ah! Nietzsche, acheté chez José Corti, l'éditeur de Gracq) adieu les amours et les camarades. Adieu les années françaises, et la délicieuse effervescence d'un journalisme que j'avais mené activement.
Au fait, j'allais à la poésie corps et âme. Métamorphose! La quarantaine, c'est l'âge. Il était temps.
J'allais à la mer..."


Evidemment lorsqu'à mon tour j'ai quitté Paris je me suis plongée dans tout ce qu'il avait écrit lorsqu'il vivait à Botzulan près de Pont-Aven, me nourrissant de sa fièvre amoureuse de sa Bretagne. Il y a chez ce poète breton la recherche éperdue d'un paradis perdu qui a pour nom la Bretagne et les traits d'une terre promise où couleraient le lait et le miel. Poète à la foi chrétienne mais profondément rebelle et révolté. Je n'avais pas sa foi mais je me sentais proche de son univers qui était celui de l'esprit, de la culture, du beau, du vrai.

Le 22 janvier 1981 (il est mort en décembre de cette année-là) il écrivait :

Flammes.
Seul, je suis seul devant la haute cheminée. La sève bouillonne et coule sur la pierre. Ma chienne Mélenn, allongée devant l'âtre, fixe la flamme, tout près, à s'y brûler. Un copain viendrait-il qu'il s'étonnerait de me voir ainsi, immobile et songeur, au centre du silence, dans la frileuse tranquillité de l'hiver.
Est-ce du silence? Doucement, le feu chante dans les souches incandescentes. Et par saccades brèves, le vent gronde. Il est passé au nord. Il fera plus froid.
Jeter un disque sur l'électrophone? Capter France-Musique? Non... J'écoute le silence religieusement tombé sur toutes les choses. Le silence est aux bruits ce que l'attente est aux êtres. Alors, j'attends. Qui? Quoi? Je ne sais pas.
[...]
Les vanneaux huppés ont dû arriver par la mer et se jeter sur les labours.
Lanza del Vasto est mort. Je l'avais naguère interviewé. C'est loin? Mon autre vie est loin derrière Botzulan, loin derrière moi. Ma fille Isabelle a gagné Paris pour y chercher un emploi. Que fait-elle? Avec qui est-elle? A quoi pense-t-elle? Isa, ne prends pas froid...
J'ai cinquante ans. Je suis devant la cheminée comme un épagneul devant ses nostalgies, un peu lâche, un peu triste. La vie s'en vient, la vie s'en va. La vie est une flamme. Et puis une braise. Et puis il reste des cendres.
Ce soir, il faudra que je dise à ma femme d'acheter du bois. beaucoup de bois. Pour beaucoup de flammes. Isabelle, je t'en prie, ne prends pas froid...


Xavier Grall, Les vents m'ont dit.J'aimais son visage anguleux, son regard fiévreux que j'ai croisé un jour à Port Manech. J'étais en vacances avec mon aimé, ce devait être en 1980; Xavier Grall était déjà très malade.

Et pour le découvrir cette biographie illustrée de très belles photos :
Yves Loisel, Xavier Grall, éditions Jean Picollec, 1989.

vendredi 12 mars 2010

L'Apologie de Socrate

La mort de Socrate, tableau de David


J'ai eu du mal cette semaine à "soutenir" mon attention sur Platon dans les NCC et il n'est que de lire les commentaires de ce jour sur la dernière émisssion pour voir que çà vole tout de même assez haut pour une philosophe de pacotille comme moi!
Mais il me reste toujours quelque chose à tirer de ces émissions, suffisamment pour me nourrir et m'enrichir, ne serait-ce que cette phrase de Socrate :
"Philosopher c'est apprendre à mourir", bien qu'en même temps il dise, qu'il n'est aucune autre façon de passer l'existence que, justement, de vivre mieux et de continuer à philosopher jusqu'à son dernier souffle.

La vie sans examen, c'est-à-dire sans philosophie n'est pas vivable, Socrate est formel là-dessus. Son discours est souvent suicidaire. S'est-il suicidé? Pour un philosophe je pense que le suicide est possible, sur le principe de liberté. Et sur ce point là je suis très philosophe!

"Pour Socrate, le suicide n'a rien d'humiliant. Il préfère mourir plutôt que de faire ce qu'on exige de lui, et qui paraîtrait cent fois meilleur que la mort à la plupart d'entre les mortels d'alors aussi bien que d'aujourd'hui, à savoir: travailler pour gagner sa vie; se taire; s'exiler."
Josette Lanteigne, collaboratrice à l'Encyclopédie de l'Agora.

Vite, j'ai besoin maintenant d'un bon bol d'air sur le chemin de halage le long de la rivière.

Sur le chemin de halage

jeudi 11 mars 2010

Le dernier voyage

Hier, en lisant un billet sur un blog mon coeur s'est serré. L'auteur y insérait un texte où l'on parlait de "vider une maison après la mort de ses parents".

Je n'oublierai jamais cet instant, déchirant, il y a vingt ans.
Nous vidions l'appartement de notre mère et faisions entre frère et soeurs le partage du peu qu'il restait. Dans l'armoire de la chambre, serviettes, draps... et sous une pile de draps une boîte.
Une inscription sur la boîte : Pour le dernier voyage. Nous l'ouvrons. A l'intérieur une délicate chemise de nuit blanche en coton, une petite dentelle au bas des manches ainsi qu'autour d'un petit col "claudine". Elle était de petite taille, comme si elle s'était doutée qu'elle n'aurait plus que ce petit corps décharné en mourant. Maman avait confectionné cette chemise pour son dernier voyage, et nous n'en savions rien. Trop tard, nous venions de l'enterrer.
Nous étions bouleversés, je fus prise d'une crise de larmes incontrôlables. Ma soeur aînée nous dit : qui la prend, je n'en veux pas? Moi ai-je dit précipitamment. Je n'avais pas besoin d'autre chose. C'était si beau et si triste de n'avoir pas pu satisfaire à son souhait. Je l'imaginais cousant ce vêtement; préparer ainsi sa mort, quelle force.
Ce petit carton je l'ai conservé sous une pile de draps, longtemps, vingt ans; il me suivait dans mes déménagements.
Puis quand le dernier voyage de ma tante (sa soeur) fut proche, je l'ai donné au personnel de la maison de retraite. Je l'avais lavée pour qu'elle sente la lessive fraîche, repassée, le coton était doux, de belle qualité, il n'avait pas bougé, ne s'était pas détérioré. Elle a été enterrée avec la jolie chemise de sa soeur il y a un mois et demi.

En écrivant ici cela, je fais le deuil de cette découverte qui m'avait littéralement brisée.

mercredi 10 mars 2010

Eloge de la distance amoureuse

Richard Millet, l'un des écrivains contemporains le plus controversé. De droite aucun doute, dérangeant certes. Mais tellement talentueux. Quelle écriture; à chaque fois que je commence un livre de cet auteur je suis fascinée, je ne respire plus, je ne peux pas m'arrêter de le lire, tout comme ses phrases, dont une seule parfois fait cinq pages. Encore un auteur dont je lis les livres dans le plus grand désordre - et la plus grande excitation - mais c'est le même écrivain dans chaque livre, disons dans ceux que j'ai lus, car justement en parlant de controverse, voir ici.

"Il écrit l'une des proses les plus musicales et les plus exigeantes d'aujourd'hui mais peu de gens le savent. Intransigeant, secret, amoureux de la langue comme de la beauté adolescente, Richard Millet fait du roman une manière de gloire." Le Matricule des Anges.

Je lis donc en ce moment La voix d'alto qui est une sorte de dialogue amoureux relaté plus tard par le narrateur. C’est une histoire d’amants. Elle, Nicole veut mourir, car à quarante-quatre ans, elle craint la dégradation inévitable de son beau corps. Elle est médecin, et rien ne l’effraie plus que la déchéance physique. Entre eux, ce n’est pas de l’"amour" - ni dépendance, ni violence, ni domination, ni ennui. Les sentiments humains sont trop peu de choses, pensent-ils d’un commun accord, et le sexe souvent vulgaire.

"Plus qu'une histoire, La Voix d'alto est une suite de longues étreintes entrecoupées de confidences intimes entre Philippe, un musicien, dernier fils de paysans corréziens, et Nicole, une radiologue irlando-québécoise qui, un jour d'éclipse à Paris, décide à 44 ans qu'elle doit mourir avant de perdre sa beauté. On retrouve là le meilleur de Millet, son obsession pour les corps et le sexe, l'ambiguë cruauté des relations hommes-femmes, cette mise à distance des salissures et de la trivialité du quotidien, ces scènes d'anthologie, comme les séances de dissection à l'hôpital de Montréal. Il y a aussi ces souvenirs et ces secrets d'enfance qui planent au-dessus du plateau de Millevaches ou de la plaine québécoise, ces détours par Beyrouth et Cracovie, l'omniprésence de la musique, «autre versant du silence», l' «obscurité lumineuse» de l'altiste «râcleur de temps». Et puis encore ces vagues de mots, cette houle de phrases immenses, baroquissimes, qui n'en finissent pas de déferler, page après page, chapitre après chapitre."
L'Express, Olivier le Naire, 2001.
"« La Voix d'alto », même si je lis beaucoup et de tout, restera au firmament de mes lectures depuis plus de dix ans". BibliObs par Antigone.
« Il n'y a pas de commencement à une histoire d'amour, elle a toujours commencé et elle finira sans doute comme elle a commencé, sans vraiment prendre fin, même quand nous ne serons plus là, mon amour », m'a-t-elle dit aux premiers temps de ce qu'il faut bien appeler notre liaison, faute de mieux, lorsque je l'écoutais parler dans le calme du lointain, offerte et déjà plus tout à fait présente, elle, la lente, l'étrange, la belle émigrée, qui n'aura jamais été tout à fait là, je le sais maintenant, pas voulu être là, non, pas dans l'évidence du jour ni dans le pauvre mystère de ce qui succède au jour, mais dans la vraie nuit qu'elle appelait aussi la vérité sur soi : « la seule », ajoutait-elle avec une solennité qui m'agaçait, au début, puisqu'il y a eu un début, malgré tout, ces premiers mots, gestes, effleurements rêvés ou réels qui sont un tâtonnement d'aveugle en plein midi, retour sur soi, recherche de la vérité, ce peu de vérité qui a l'éclat d'un ongle dans la nuit…
Elle regardait avec dégoût la fausse monnaie des sentiments, des images, des mots. L'appauvrissement des langues la désolait, comme le peu de secret qu'elles recèlent.
« Les langues souffrent et meurent comme des corps », murmurait-elle en souriant.
Elle se sentait cernée, assiégée, égarée — sans préciser par quoi. Elle attendait des signes. Certains phénomènes météorologiques la terrifiaient, l'indignaient même, m'avait-elle laissé entendre, le jour de la grande éclipse, le 11 août 1999, si je me souviens bien. J'avais chaud. J'ai toujours eu trop chaud, même en hiver, dans les chambres, les rues, les sous-sols des villes, à cause, j'imagine, de mon enfance à Siom, dans le haut Limousin, parmi les grands vents et des hivers où le froid semblait devoir faire surgir de la nuit les loups de l'ancien temps et où j'ai passé mes premières années à lutter contre ça, le froid, l'obscurité, la solitude, les loups, les barbares et tout ce qui n'était pas tout à fait mort et hantait les abords de Siom.
Le jour de l'éclipse, j'avais quitté dans la matinée une jeune Polonaise dont le lit donnait sur les marronniers du bois de Vincennes et avec qui je vivais un de ces amours tranquilles qui sont aux hommes mûrs une musique de l'aube, puis j'étais passé, non loin de là, pour prendre une partition au conservatoire de Fontenay-sous-Bois, où je tiens la classe d'alto durant l'année scolaire et où on me laissait disposer, cet été-là, d'une salle où répéter avec quelques amis des quintettes français de la fin du XIXe siècle.
Dans le RER la chaleur était dégradante, pour moi plus que pour les autres, puisque l'homme de la rue, l'homme des foules, a pris l'habitude de se dévêtir autant que les femmes, de sorte qu'assis sur une banquette du train on a souvent les yeux et le nez sur cela même que des siècles de civilisation avaient eu pour but de dissimuler ou de ne proposer que par éclairs, dans l'échancrure ou le bâillement du vêtement : les poils des jambes, des aisselles, des torses, et ces tatouages qui fleurissent dans les fins de siècle, fleurs, prénoms, oiseaux, dragons, slogans, idéogrammes, cris d'amour et de haine, emblèmes de religions naissantes ou moribondes.
Avilissante chaleur, pour eux comme pour moi, ai-je pensé avec le sentiment d'en être plus affecté que ces gens à demi nus, non pas parce que je leur serais supérieur mais parce que je suis un artiste et que cette condition est à mes yeux bien plus importante que le fait d'être citoyen d'un pays transpirant, désœuvré, morose, oublieux, et si conscient, moi, de ce que je dois à la musique que je n'ai jamais touché mon alto sans être convenablement vêtu, même chez moi, lorsque j'ai trop chaud et que je suis seul, travaillant un morceau et incapable de me représenter Marc-Antoine Charpentier composant en linge de corps ses Leçons et ténèbres, ou Alban Berg en caleçon son Concerto à la mémoire d'un ange. Oui, indigné à l'idée que la musique puisse se jouer en débraillé alors qu'elle est la seule chose qui me fasse supporter l'idée qu'il y ait désormais un temps où Nicole n'est plus et un autre, peut-être peu lointain, où mon corps reposera dans la froide terre de Siom."

(P. 11-12-13)

La voix d'alto, Richard Millet. Éditions Gallimard - Blanche, 2001.

mardi 9 mars 2010

Qui c'est?

Ce n'est pas moi sur la photo mais elle me ressemble vraiment (enfin presque).
Tellement que je me demande s'il n'y avait pas une caméra cachée ce matin!

Je n'avais pas d'homme sous le nez comme sur cette photo - d'ailleurs il ne sert à rien - mais j'avais bien les mains sous le lavabo ce matin. Cà ne s'évacuait plus. Pfff!

Mais, si les cinq premières minutes sont écoeurantes à retirer tout le caca qui s'accumule - même si comme moi on est hyper maniaque pensant qu'un seul cheveu ne rentre jamais dans le lavabo eh bien si il en passe - il y a un côté vraiment jouissif à voir ces petits paquets gluants tomber dans la bassine. Et, le summum de la satisfaction est atteint quand on remet le syphon, qu'on baisse le clapet pour obstruer le lavabo, qu'on le remplit d'eau, puis qu'on soulève le clapet et qu'on entend le doux glou glou de l'eau s'évacuer d'un seul coup, en une seconde, sans aucune fuite sous le lavabo!

'tain, on se sent un homme, que dis-je, on se sent une vraie super femme.
Bon, maintenant il va falloir que j'envisage de déboucher l'évier, d'accès plus difficile, évidemment plus bouché (l'ancien proprio était dégueu quand même), et là c'est pas gagné.

lundi 8 mars 2010

Fièvre

Il y a bien longtemps que je n'avais pas été terrassée par la fièvre.
Hier, j'ai tenté vainement de rester debout mais fébrile, entre suées et frissons, secouée par les quintes de toux, je suis restée couchée.
Dans une somnolence ouateuse j'ai écouté une lecture de Proust sur France Culture , je me suis laissée bercer par ces textes merveilleux et je pouvais dire à 15 heures : (Longtemps) je me suis couchée tôt...
J'apprends à la fin de l'émission qu'il va y avoir une lecture de Proust à l'Odéon le 23 mars*. Malheureusement je ne peux pas avancer mon départ, quel dommage.
"Lire Proust c'est faire un expérience existentielle". Ecouter ces lectures dans un état cotonneux , sous ma couette, c'était aussi doux que le souvenir de ma mère m'apportant des crêpes au lit quand enfant j'étais malade.

Aujourd'hui je suis debout, parce qu'il le faut! Il fallait bien que j'aille à la pharmacie chercher les antibiotiques, la cortisone et tous ces "louzous" comme disait mon grand-père, qui parfois nous font plus de mal que de bien, que le médecin m'a prescrits, en me disant : à la fin de la semaine vous serez d'attaque!

"Elle a.... la fièvre, la migraine, Tout ce qu'on peut avoir.... la mort au fond du coeur..."
(Francois LANOUE, dit Lanoue Bras de Fer, Coquette corr. V, 1)

*Mardi 23 mars à 18h
Lecture d’extraits de Du côté de chez Swann de Marcel Proust et rencontre avec Daniel Mendelsohn.
Animé par Daniel Loayza.
Au Théâtre de l’Odéon – Salon Roger Blin
Réservation : 01 44 85 40 40.

samedi 6 mars 2010

Balade du jour















Le port.

Un port est un séjour charmant pour une âme fatiguée des luttes de la vie. L'ampleur du ciel, l'architecture mobile des nuages, les colorations changeantes de la mer, le scintillement des phares, sont un prisme merveilleusement propre à amuser les yeux sans jamais les lasser. Les formes élancées des navires, au gréement compliqué, auxquels la houle imprime des oscillations harmonieuses, servent à entretenir dans l'âme le goût du rythme et de la beauté. Et puis, surtout, il y a une sorte de plaisir mystérieux et aristocratique pour celui qui n'a plus ni curiosité ni ambition, à contempler, couché dans le belvédère ou accoudé sur le môle, tous ces mouvements de ceux qui partent et de ceux qui reviennent, de ceux qui ont encore la force de vouloir, le désir de voyager ou de s'enrichir.

Charles Baudelaire, poème en prose.

vendredi 5 mars 2010

Salon du livre 2010

Zut, je suis triste. J'avais tant espéré la voir cette femme extraordinaire et elle ne viendra pas. Bon, je me consolerai en rencontrant d'autres écrivains, que j'apprécie. Mais elle, cette femme, je me réjouissais tellement de la voir. Bien sûr, je n'aurai pas pu l'approcher, comme lorsqu'on va au Louvre voir la Joconde, mais elle, elle est vivante. Et je veux qu'elle le reste, qu'elle se préserve, donc je lui pardonne sa défection, ô oui, comme je vous pardonne chère Doris Lessing.

En attendant Godot

Samuel Beckett

Vladimir (Gilles Arbona) et Estragon (Thierry Bosc)
En attendant Godot


Je pense que si l'on fait une recherche sur Google on trouvera des dizaines de billets de blogueurs et d'articles sur cette pièce. Alors je m'en tiendrai à ces quelques mots après l'avoir vue il y a deux jours.

Tout d'abord le théâtre était - comme d'habitude ici - archi plein et merveille j'étais entourée de jeunes gens et jeunes filles, des lycéens, des étudiants; évidemment pensai-je, ils étudient Beckett, on leur a dit : vous devez aller voir En attendant Godot, peut-être viennent-ils à contre coeur? Mais il suffisait de sentir leur intérêt et même parfois d'entendre leur rire discret et même plus appuyé, leur émotion, oui leur émotion je la percevais, en même temps que la mienne, pour savoir qu'ils ne regrettaient pas d'être venus. Et çà participait à mon bonheur de partager ce moment avec cette jeunesse.

""1953 : pièce d'avant-garde. 1956 : pièce bourgeoise. 1961 : spectacle officiel" ainsi résumait-on la carrière d'En attendant Godot, il y a près d'un demi siècle. On l'a qualifiée de nihiliste, de poétique, de choquante, d'insolite, de féroce, de révolutionnaire et même de classique. Des images devenues des clichés : deux vagabonds en chapeau melon, un arbre étrange, un homme qui mène au bout d'une corde son esclave aux cheveux blancs. Un pièce métaphysique jouée par des clowns! La condition de l'homme et son immense difficulté à "être"."
Je pense que chacun prend ce qu'il veut de cette pièce, de ce texte, de la désespérance ou de l'espérance, de ces deux amis qui n'arrivent pas à se quitter, et après ces deux heures dix sans entracte on ne peut qu'applaudir, siffler de bonheur d'avoir été ému grâce à Samuel Beckett, à la mise en scène de Bernard Levy et à Vladimir et Estragon (Gilles Arbona, Thierry Bosc). Ce fut pour moi encore une soirée jubilatoire et enrichissante.

Réussir à faire passer tant d'émotions dans une pièce où il ne se passe rien, c'est magnifique.

Beckett précise en janvier 1952 dans une lettre à Michel Polac :
« Je ne sais pas plus sur cette pièce que celui qui arrive à la lire avec attention. [...] Je ne sais pas qui est Godot. Je ne sais même pas, surtout pas, s'il existe. [...] Quant à vouloir trouver à tout cela un sens plus large et plus élevé, à emporter après le spectacle, avec le programme et les esquimaux, je suis incapable d'en voir l'intérêt. Mais ce doit être possible. »

jeudi 4 mars 2010

"Du livre au lit..."

A lire ici un très joli texte sur la lecture...

***

"Quand vous congelez de la merde vous décongelez de la merde"!
Jean-Pierre Coffe.

mercredi 3 mars 2010

Parle moi d'amour

Ce matin j'avais envie de parler d'amour, je trouvais qu'il y avait longtemps que je n'en avais pas parlé. Je me disais une fois de plus : c'est la seule chose qui aura vraiment compté dans ma vie et tous les mois, années que j'aurai vécus sans amour auront été des mois des années vides de sens. Je n'ai vécu, je ne vis que pour aimer, je crois que je pourrai mourir en me disant que j'ai bien vécu. Combien de mots, de lettres d'amour ai-je pu écrire dans ma vie? Impossible de les compter. Il ne me suffisait pas d'aimer, il fallait que j'écrive ma passion, mon amour. Hier je lisais dans les Chroniques de Philippe Sollers du JDD celle-ci sur les Lettres d'amour :

" Voyons maintenant ce qui se passait dans le sud-ouest de la France, entre 1783 et 1786. On vient de retrouver aux Archives nationales un tas de lettres d'amour adressées à son cousin par une jeune femme de 25 ans, Rose. La plupart sont codées pour échapper à la surveillance locale, et elles dorment là, en vrac, avec une mèche de cheveux blonds tressée à un ruban bleu. Vous lisez bien : "Je t'aime depuis que je respire et pour la vie." Et encore : "Plus l'amour est mystérieux, plus il a de charmes. S'il était su, mon coeur s'affaiblirait." Et encore : "Il suffit que deux coeurs s'entendent, ils ont mille moyens de communiquer sans le secours de la parole." Et encore : "Je n'aime pas les gens mélancoliques, je dois aller te voir demain, prépare-toi dès aujourd'hui à me faire gracieuse mine, je veux te voir un visage riant, je te jugerai en rentrant et si je n'en suis pas contente, je m'en retournerai aussitôt." Casanova dans une lettre à une de ses amies a le même ton décisif : "Sois gaie, la tristesse me tue.""

En lisant cela je me dis que si on trouvait mes lettres d'amour, on me brûlerait vive!

Hier soir, tout à fait par hasard, j'ai cliqué sur un nom et je suis tombé sur un blog que j'ai trouvé absolument terrible. La personne y parle ma foi de choses intéressantes : de ses écrivains favoris, de la musique qui la touche et de bien d'autre chose et puis, je découvre, sa vie, en temps réel, son Amour (malade) qu'elle ne veut pas perdre, lui demandant de ne pas mourir; bref en lisant cela on ne devrait avoir que de la compassion et les commentaires ne s'en privaient pas (et c'était peut-être çà le pire). Et je me suis sentie très mal à l'aise. J'ai trouvé çà gênant, et mon malaise - grandissant en lisant les commentaires - n'avait en fait de raison d'être que parce que je me suis sentie nulle, parce que ici aussi il m'est arrivé, il m'arrive de parler de mon Amour. OK il est mort mais l'autre amour, qui fut si bref, j'en ai parlé aussi. Mais c'est d'un nul. Parce que ici, c'est la toile, ce n'est pas mon Journal intime. Mais le pire, je ne l'ai pas atteint, heureusement, en ouvrant les commentaires. Parce que commenter un Journal intime, non merci. Ce qui est terrible en fait, c'est qu'on ne se rend pas compte quand on écrit qu'on est lu, on se croit seul derrière son écran et on oublie qu'il y a peut-être des tas de gens qui vont vous lire... même si vous n'ouvrez pas les commentaires.

Après avoir parcouru ce blog je me suis dit : il faut que tu arrêtes de parler de toi, de ta vie. Il faudrait donc que j'arrête d'écrire sur la toile, parce que je ne sais pas parler d'autre chose que de moi. Il me reste deux solutions : arrêter d'écrire ici ou fermer l'accès. Mais alors, ma-solitude-mon-amour va passer du virtuel au réel? Pfff!

Bon, En attendant... Godot, je vais y réfléchir! (Ce soir je vais voir la pièce de Samuel Beckett)...

mardi 2 mars 2010

Didier da Silva

La main de Colette et son chat


Je viens de terminer Treize mille jours moins un le second roman de Didier da Silva, un jeune auteur que j'ai découvert grâce à son blog Les idées heureuses puis Halte là. Le premier, Hoffmann à Tôkyô m'avait déjà séduite. Il y a dans ces deux romans une mélancolie, une solitude, un mal de vivre dans lesquels on ne se laisse pas sombrer mais emporter par un style littéraire précieux, précis et talentueux, non dénué d'humour (noir) comme dans l'extrait que j'ai choisi pour Treize mille jours moins un. Je les ai lu avec une grande émotion, sans a priori n'ayant lu aucune critique avant de m'y plonger; parcourir son blog Les idées heureuses avait suffi à me donner l'envie de lire ses romans. Alain Veinstein avait invité l'auteur en 2007 dans son émission Du jour au lendemain pour parler de son livre Hoffmann à Tôkyô, je regrette de ne pas l'avoir découvert plus tôt, malheureusement on ne peut plus "podcaster" l'émission. Mais il n'est pas trop tard pour lire ses deux romans, en attendant le prochain... pour les amoureux de la littérature.

Les désirs ardents
habitant le corps
s'éteindraient-ils
rien qu'à rencontrer
ce vent frais?

La fortune avait mis dans ses mains des poèmes de Saigyô. Il ne désira rien plus ardemment, dès lors, que d'être un moine poète en onze cent et quelques, retiré dans sa hutte de montagne pour y décrire sa solitude et les saisons, touchant la flûte à l'occasion.[...] Si son âme était noire, l'ignorer valait mieux, ou du moins la prendre à la blague. Il se complairait désormais dans le silence et la pureté, la retenue, l'élégie calme et la plus courtoise ironie. Il serait un lyrique japonais.

Par le coeur certes
on peut se rendre
dans la montagne profonde
mais sans y habiter
comment en connaître la solitude?
[...]
Ses humeurs? Une loterie. Son âme? Elle aurait donné aux éponges des leçons d'hospitalité. Sans jamais vraiment savoir pourquoi tout roulait, pourquoi tout clochait, il allait au gré de ces imprévisibles riens qui font un jour, un mois, un an. Le sang-froid n'était pas son fort. Le temps dans lequel il vivait n'était qu'une série de bifurcations, l'avenir qu'une confusion de possibilités.
Il était doué pour l'oubli. Il enviait les gens qui pouvaient se reposer sur un passé, quand le sien lui semblait être une étendue de sables mouvants, dans un désert sans nord ni ouest. Sa seule marge de manoeuvre était un qui-vive-permanent.
Ses vertiges et ses tremblements l'en avaient persuadé très tôt, il n'était qu'un paquet de nerfs. Il est difficile de lutter contre un préjugé inscrit dans la chair, il entendait parler de la volonté mais n'y croyait pas sérieusement. Son âme? Un juke-box en random, une auberge espagnole, ses pulsions bivouaquaient et se tapaient la cloche.
Cet accueil enthousiaste du meilleur et du pire formait en somme un caractère, c'était bien la seule unité qu'il revendiquait. Il ne préférait pas le bonheur au malheur, les deux avaient leur intérêt. Il avait très envie de se suicider? Bah, ce n'était qu'un mauvais moment à passer. Le premier courant d'air venu le délogerait de cet abîme. Valse triste, valse drôle, il ne savait pas danser.

Hoffmann à Tôkyô, pages 38 - 39 - 40.

"Il considéra son âme. Elle avait disparu. D'aise, il soupira".

"Didier da Silva est né en 1973 à Marseille où il vit.
Quand il n'écrit pas, il joue du piano."
4ème de couverture

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[...] Il observa un instant les poissons. Où était passé le nez rouge? Il se cachait sans doute derrière une plante...
Il le vit alors, flottant entre deux eaux. Raide mort, à n'en pas douter. Il avait bien besoin de çà mais ce coup de théâtre, cet audible ricanement du sort ne pouvait faire moins que le démoraliser. Sauf à nier l'idée même de l'augure, abriter sous son toit un cadavre en était un assez mauvais et il plongea une main dans l'aquarium, l'air dégoûté, pour saisir entre majeur et pouce le petit corps inerte, de l'autre il étendit à la hâte sur la table une serviette à portée, en manière de linceul et pour le protéger des miettes du biscuit déchiqueté, douteuse panure. Il le regarda longtemps, çà n'était guère plus gros qu'un ongle et çà prenait pourtant une place épouvantable, tout semblait mort par contamination, la chaise comme la cafetière, le pouf et le pot, il lui appartenait de défendre fièrement les couleurs de la vie (Goya* ronflait ailleurs) mais, pour l'heure, il aurait fait une médiocre pom pom girl. Quelque chose avait foiré. Une eau trop froide? une nourriture mal adaptée? un virus? la neurasthénie? Ce matin encore il pétait le feu, fusant d'une vitre à l'autre dans un émerveillement constamment renouvelé; il irradiait une douce petite lumière dans laquelle sa chair, toute de transparences irisées, se faisait oublier. Qu'il était donc terne, opaque, solide et ridicule ainsi, figé dans sa mort. Sam devait maintenant décider quoi faire du corps. Et s'il lui donnait un nom? Il était certes un peu tard. La poubelle était exclue. Goya ne le défèquerait pas.
L'enterrer au pied du ficus?
Il le glissa pour finir dans un bout de papier de soie, autour duquel il noua un bout de ficelle : transformé en paquet cadeau, il lui parut inoffensif, mignon, presque pimpant. Il ne lui restait plus qu'à le bazarder, plus tard, sans états d'âme. En attendant pour se distraire il alluma la télévision.

* Goya est son chat.

Treize mille jours moins un, pages 44 - 45.

Lire ici aussi le très beau billet de Philippe Annocque et cet autre intitulé Couperin me flanque le blues.

lundi 1 mars 2010

Choir

Je cogitais depuis quelques semaines un texte pour parler de ce livre de Eric Chevillard que je venais de terminer. Mais en lisant les échos de la presse via son blog ce matin ce que je pourrais en dire serait insipide après ces brillantes analyses et excellentes critiques justifiées.
J'ai parfois eu envie de laisser choir ce livre en cours de lecture mais j'ai voulu aller jusqu'au bout et je ne l'ai pas regretté même si j'en suis sortie "lessivée". Il faut avoir lu Choir. Ces deux extraits des échos de la presse :

"Qu’y a-t-il donc qui séduise si fort dans Choir, auquel manque assez singulièrement l’ingrédient de comique décalé et faussement maladroit (à la Harry Langdon) sur lequel reposait en partie le succès de Chevillard, auprès toutefois des seuls lecteurs capables d’apprécier le charme du second degré ? La réponse est aisée : Choir, c’est deux cent cinquante pages de vraie littérature, où le style unique de l’écrivain se déploie avec une virtuosité qui n’a jamais été aussi grande."
Maurice Mourier, La Quinzaine Littéraire.

"Ce roman appartient-il à la folie d'un esthète ? Choir fête-t-il le triomphe du grand n'importe quoi ? On peut être tenté de le penser, car Chevillard est en droit de se moquer de nous. Mais le lecteur, entre les lignes de cette farce noire, réussit à faufiler son rire. Peut-être pour dissiper le spleen de cet endroit maudit. La grande qualité de ce texte est qu'il laisse la liberté de choisir sa propre distance par rapport à lui. Exactement comme un tableau qui autorise le spectateur à se placer où il veut : le nez dessus, ou dix pas en arrière."
Amaury da Cunha, Le Monde.

Je choisis cet extrait car j'ai aussi ri en lisant ce livre noir :

"Nos cordonniers confectionnent des souliers à l'extrémité bombée, évasée en spatule afin que s'y loge confortablement un pied pourvu du Sixième Orteil. Du coup, nous y sommes trop au large et fort mal soutenus. Nous trébuchons à chaque pas, et souvent c'est la chute (de là viendrait le nom de Choir).
Mal chaussés, comme si cela ne suffisait pas, il faut encore que le sol tremble. "