lundi 31 mai 2010

Il suffit d'y croire

Elle me l'a dit : arrêtez de penser au futur, vivez au présent!
- Oui, mais tout de même, la maladie d'Alzheimer?
- Tout le monde ne vieillit pas avec cette maladie!
- Oui, c'est vrai, mais tout de même... y en a qui l'ont hein! Je suis pour l'euthanasie.
Et là elle commence à rire...
- Ici, en France ce n'est pas légal me dit-elle.
- Je sais, j'irai en Suisse.
- En Suisse oui, ça l'est; ce n'est pas de l'euthanasie mais du suicide assisté.
- Formidable, je signe tout de suite.
- Maintenant ils demandent de plus en plus cher.
- OK, j'arrête de faire des implants dentaires et je fais des économies pour le suicide assisté.
Je ris mais elle ne sait pas que je suis sérieuse; enfin si, elle a l'air de me prendre enfin au sérieux, je le vois bien et ça me fait plaisir.
Elle rit, je la fais rire. Bon, tout va bien donc, je suis en pleine forme, c'est elle qui me l'a dit, et bien trop jeune pour penser à cela, c'est encore elle qui l'a dit.
Elle prend ma tension : 11/7. Excellent.
- Mais ce n'est pas beaucoup çà?
- C'est très bien, un peu faible peut-être, vous n'êtes pas fatiguée?
- Euh... je me suis couchée à 2 heures et réveillée à 5 h 30! Pas vraiment rendormie!
- Je vous prescris un somnifère léger?
- Non mais ho ça va pas? (je n'ai pas dis ça), en revanche, je n'ai peut-être plus besoin d'anti-hypertenseur?
- Si si, justement votre tension est bien comme ça.
Pfff!
Je sors de la consultation plus fatiguée du tout du tout malgré mes trois heures trente de sommeil. La petite place des Halles et les terrasses remplies me tentent. Si je m'arrête pour prendre un thé blanc dans mon petit café je ne vais pas avoir le temps de donner la dernière couche de peinture sur ma marche et, j'en ai marre de voir tout le fouillis des pinceaux, pot de peinture traîner dans la pièce. Hop hop, je regarde l'heure, je rentre.
Mais c'est fou ce que je me sens en forme. Le dire c'est aussi s'en convaincre.
Dans un tiroir de ma mémoire j'enferme ce projet...Suisse.
Another day, another thinks in my mind!

dimanche 30 mai 2010

Rien ne sera jamais irrémédiable

Ce dimanche m'a libéré d'un poids si lourd, j'avais si peur de le revoir, j'aurai dû savoir pourtant qu'"entre nous deux rien ne sera jamais irrémédiable". Il me l'avait dit un jour après un échange vif qui avait dégénéré; nous nous étions quittés - c'était encore au téléphone cette fois-là - fâchés et c'est lui qui m'avait rappelé pour me dire cela, cette phrase que j'avais trouvé belle : entre nous deux rien ne sera jamais irrémédiable. C'était une phrase comme un mot doux, de ces mots doux qu'entre frère et soeur on est incapable de prononcer. On s'est quittés ce soir en s'embrassant comme d'habitude sur les deux joues mais il m'a pris l'épaule et j'ai tapé sur la sienne en le regardant dans les yeux en souriant. On s'est compris. Ah mon frangin ce qu'on peut être cons tous les deux! Courage pour ta nouvelle chimio (bordel chié de merde) (Pardon maman pour les gros mots).

10 h 30. Sur la route j'écoute Dennis Hopper une rediffusion sur France Inter d'un entretien avec l'artiste. Un beau moment quand il parle de Rainer Maria Rilke et de Lettres à un jeune poète, "un livre qui a changé ma vie" dit-il.

Rentrez en vous-même
Cherchez la raison qui au fond vous commande d'écrire
Examinez s'il déploie ses racines jusqu'au lieu le plus profond de votre coeur
Reconnaissez-le face à vous-même
Vous faudrait-il mourir s'il était interdit d'écrire?
Ceci surtout,
Demandez-vous à l'heure la plus silencieuse de votre nuit,
Dois-je écrire?
Creusez en vous-même une réponse profonde
Et si cette réponse devait être affirmative,
S'il vous est permis d'aller à la rencontre de cette question sérieuse avec un fort et simple : je dois!
Alors construisez votre vie selon cette nécessité,
Votre vie jusqu'à son heure la plus indifférente, la plus infime, doit se faire signe et témoignage pour cette poussée.


Et Dennis Hopper commente :
Ça j'y crois! On est un artiste que si, au point le plus bas de sa vie, à la question : si on t'empêche de créer, en mourras-tu? on répond oui.

J'écoutais cela dans ma voiture. Puis comme dans chaque émission, l'invité reste seul une minute avec le micro et doit parler ou pas, de ce qui lui passe par la tête, pendant cette minute. Dennis Hopper a dit en anglais le beau poème de Kipling : Tu seras un homme mon fils...

19 h 30. Au retour je n'ai pas écouté la radio. Mes pensées se bousculaient, je me disais que je ne devais pas avoir le droit d'avoir envie de mourir parce que je suis bien vivante alors que d'autres sont malades et se battent pour ne pas mourir, et pour vivre, longtemps.

Mais s'il suffisait de se dire les choses pour que nos pensées profondes disparaissent ou de sombres deviennent lumineuses... je suis si lasse... et je me fais tant d'illusions.

23 h 45. J'écoute Miles Davis, So What...

samedi 29 mai 2010

L'artiste dans son atelier

Lucian Freud dans son atelier londonien

David Hockney dans l'atelier de Lucian Freud

Photos de David Dawson, assistant et modèle de Lucian Freud

Je trouve ces photos magnifiques. Je lis aujourd'hui beaucoup d'articles sur ce peintre et je regrette de n'avoir pas eu le courage de faire la queue au Centre Pompidou pour aller voir ses oeuvres lors de mon dernier séjour à Paris. Bien sûr, j'ai longuement feuilleté le catalogue de l'exposition, mais cela ne remplace jamais de voir les toiles et de pénétrer dans leur "chair". C'est une peinture qui secoue, dérange et je n'en serais sans doute pas ressortie indemne.

Cache-cache

Aux infos, qu'entends-je? J'éclate de rire en me remémorant la seule fois où je suis allée chez AEKI, complètement paumée dans les différents étages et mon agacement en ne retrouvant pas la sortie, les flèches m'entraînant dans un labyrinthe kafkaïen, regrettant de n'avoir pas de rollers pour parcourir ce magasin éprouvant!

Info donc ce matin :
Pour remplacer un apéro géant interdit à Montpellier des jeunes organisent une partie de cache-cache chez AEKI.
Quelques règles sont prévues par les organisateurs :
- rendez-vous à une heure précise
- respecter les clients, le personnel et le matériel!

Epatante cette usine - où le kit est roi - pour un jeu de piste! Prévoir des sifflets!
Moi je dis : bravo les jeunes!

vendredi 28 mai 2010

Vive les manifs!

Hier...
13 h 10. Je déjeune à la terrasse du Café branché, snob, BCBG où l'on vient se faire voir plus que voir. Quoi que, regarder, oui, mais seulement les autres snobs (tiens ce type qui avait réservé sa table, le patron lui offre une coupe de champagne, ce doit être un élu ou plutôt un chef d'entreprise? il a l'air hilare et son sourire est... effrayant - ses dents, mon dieu, ses dents, des chicots, comment est-ce possible? - Voilà qu'un jeune homme le rejoint : casquette! on dirait qu'il revient du golf ou de Roland Garros! polo blanc avec une broderie de marque sur la manche, très moulant, il est gras pour son âge, lunettes noires de marque, bronzé, l'ensemble vulgaire, j'imagine pourtant qu'il doit se trouver très classe, le genre infatué insupportable). Je ris parce que j'ai plein de trucs de marque aussi. Maman, c'est de ta faute!
Mais ne boudons pas notre plaisir, je suis là et j'observe ce petit monde un peu puant et, merveille, la solitaire est privilégiée! Une table pour elle toute seule - de plus au bon endroit, sans réservation - qui, franchement est déjà minuscule et qui est la même pour deux et même trois personnes. D'ailleurs trois touristes viennent de s'installer; ils demandent au garçon s'ils peuvent rapprocher deux tables? Que nenni! Ils devront serrer des coudes et surtout, surtout savoir manger proprement sur leur minuscule espace : un couple et un homme seul apparemment, pas mal du tout, assis du bon côté pour... me lorgner (rires). (Je me sens prédatrice!!! un mot qu'un jour un homme a utilisé en me disant : je ne suis pas un prédateur!). Il a des cheveux blancs épais, un visage poupin, bronzé, l'oeil vif et expressif. Pfff! en voilà un qui va disparaître de mon horizon rapidement, ainsi va la vie. Un de ces regards qui parle et ne dure qu'un instant, le temps d'une station comme dans le métro.
Mais pourquoi je ne viens pas plus souvent me mêler à la foule des pékins!
Cette place de la cathédrale est une mine pour le contemplatif, la cathédrale m'offre sa beauté majestueuse, je ne m'en lasse pas; à gauche le musée des Beaux Arts. Une classe de jeunes enfants vient d'arriver avec leur enseignant, ils s'asseyent tous sagement par terre au pied de l'édifice et écoutent ce que leur raconte le maître. Ils sont mignons.
Il fait beau : le soleil, la vie, avec ses cons, ses snobs mais aussi ses habitants, - ces enfants -, ses travailleurs (c'est l'heure du déjeuner avec les tickets restau.) et par-ci par-là quelques êtres qui ne manquent pas d'intérêt, de piquant et sûrement d'intelligence.
La vie quoi! Et là, en ce moment précis, très précis, je suis heureuse d'être là à manger mon omelette-salade, et de faire partie de ce monde fluctuant et riche de vie.

Et qu'est-ce qui m'a mené ici aujourd'hui? Pfff!



Ben voilà, j'ai quitté mon home à 11 h 30 pour me diriger en voiture chez le coiffeur. Au premier feu rouge, blocage des accès, moto de CRS barrant la route, impossible d'aller en ville, manifs pour la retraite et, apparemment il y a foule pour ce rassemblement. Je fais demi tour, reviens garer ma voiture sur mon parking et je repars, à pieds. Arrivée chez le coiffeur qui, d'habitude me prend sans rendez-vous, pas possible... avant 15 heures. Fait ch...! Les manifestants sont partout dans le centre ville, très nombreux, des vieux, des jeunes...
Bon, je reviendrai la semaine prochaine. Je ne voulais pas avoir fait toute cette marche pour des prunes, d'ailleurs j'étais un peu trop fatiguée pour rentrer tout de suite, j'étais à deux pas de cette place et la terrasse était accueillante.

14 h 30. Je rentre tranquillement, le long des quais; je songe aux manifestants, je me souviens d'être venue à un rassemblement - pour la première fois de ma vie - en 1995 je crois, pour être aux côté des chômeurs (dont je faisais partie). Le lendemain j'avais ma photo à la Une du Télégramme. Je vivais à la campagne et j'ai eu le droit à ce genre de réflexion d'un paysan d'une ferme à quelques mètres de ma maison : alors, t'es allée manifester avec les bons à rien? Le silence est d'or dans ces cas-là.

jeudi 27 mai 2010

400ème!

Ben voilà, moi aussi je me replonge dans ma boîte remplie de cahiers. Au hasard, je sors mon Journal de 1995, mois de mai, j'étais alors au chômage.

Samedi 13 mai 95.
Contrat rompu d'un commun accord. Cela aura duré deux semaines, deux semaines de boulot et j'ai bousillé ma voiture; je n'aurai jamais dû accepter d'aller avec ma propre voiture (150 000 au compteur!) en mission deux jours pour cette boîte et à 350 kms. Je me sens complètement vidée, anéantie, au bout du rouleau. Oui et sérieusement déprimée. Toujours pas récupéré ma voiture; la note va être salée, je vais peut-être? non c'est sûr! être de ma poche et ce que je vais toucher pour deux semaines dans cette boîte ne paiera même pas les réparations. Pour l'instant je suis atone, incapable de penser à l'avenir ni à me défendre ni à quoi que ce soit. Ce monde de la pub m'emmerde au plus haut point.
Après la canicule il y a une semaine, températures hivernales, vent glacial. J'ai dû attraper cette crève en dormant fenêtre grande ouverte.

Mardi 16 mai 95.
20 h 45.
Dimanche et lundi j'ai relu mon Journal intime depuis 1977. Etonnement, de bonnes choses, d'autres puériles. A la relecture ce Journal est déprimant; c'est vrai que souvent je n'éprouve le besoin d'écrire que dans la tristesse. C'est dommage que je n'écrive pas mes moments de bien-être; c'est vrai aussi qu'il y en eût peu pendant les trois ou quatre années qui ont suivi ta mort. Mais j'ai trouvé quand même intéressant d'avoir noté des tas de sentiments que j'avais éprouvés. C'est la mémoire de ma vie.
...
Ce matin suis retournée chez ** pour récupérer mon chèque. ** était là, le nez plongé dans son journal. Mon Dieu il y a trop de cons dans ce monde...

Mercredi 17 mai 95.
Aujourd'hui passation de pouvoir. Mitterrand passe le relais de la Présidence de la République à Chirac.10 mai 81. Que de souvenirs forts avec toi.

Jeudi 18 mai 95.
Suis dans mon jardin, mon havre de paix. Suis déprimée depuis lundi. Envie de rien. Envie de rien faire. Grande fatigue. Je lis en ce moment Second Journal Parisien de Ernest Jünger. Ce livre faisait partie de ta bibliothèque, je ne l'avais jamais lu. Passionnant. La littérature m'aide à vivre. Va falloir que je retourne à la vie active, fréquenter le monde des cons. Pour l'instant envie de rien. Si, envie de rencontrer des êtres sensibles, humains, intelligents. Dans une semaine, 25 mai 95; 9 ans déjà que tu es mort.


Dimanche 28 mai 95.
14 h.
"Elle respirait la solitude; et pourtant personne n'avait essayé d'analyser cela; elle était comme ça, c'est tout". Un acteur américain parlant de Marilyn Monroe. J'ai le sentiment que moi aussi je dois "respirer la solitude".
Bonne fête maman chérie. Je t'aime. Aujourd'hui c'est la fête des mères.
Suis allée à Brest vendredi; déposé une plante et nettoyé un peu la tombe. Puis je suis allée chez J. mon amie d'enfance; elle m'a invitée à déjeuner; quelle maison magnifique et quelle vue incroyable sur le Fort de Bertheaume.
Suis arrivée avec la migraine; je me sentais très mal. J'avais pris le temps d'aller prendre un café serré avec deux cachets d'optalidon mais c'était trop tard, la crise était enclenchée.
Ai fait un effort mais elle a vu que j'étais mal; j'ai avalé son escalope à la crème avec écoeurement.
Suis repartie à 14 h 30. Nausée, mal de tête atroce. Me suis arrêtée sur une aire de repos vers Pont-de-Buis. Ai vomi. Ai tenu le coup jusqu'à la maison, la ventilation à fond dans ma voiture, des lancements des coups de marteau dans la tête. Que de moments gâchés dans ma vie par ces maux de tête.
Arrivée à la maison, ai été très malade, vomissements, migraine terrible. Me suis couchée à 17 h bourrée de médicaments - qui ne servaient plus à rien. Menthol et gant mouillé sur le front.
Essayé de me lever vers 20 h. Ne pouvais pas tenir debout.
Recouchée et dormi jusqu'à 9 h le lendemain.
Depuis vendredi j'ai la tête qui tourne. Pourtant je mange. J'ai des vertiges.

Lundi 29 mai 95.
16 h.
Je suis bien, délicieusement bien. Je lis Flaubert, son Journal : "Je me révolte et je ne me sens pas fait pour toute cette vie matérielle et triviale. Chaque jour au contraire, j'admire de plus en plus les poètes". Moi aussi, je n'ai envie de ne fréquenter que des poètes, des artistes.


Et bien voilà. Pas très gai tout ça, mais les années se ressemblent... (soupir). Bon, j'ai aussi dans mes cahiers intimes quelques épisodes plus guillerets et... amoureux, mais qui resteront dans le carton! 24 ans que tu es mort, c'est dingue comme les années défilent. Aujourd'hui quand je vais sur ta tombe, je n'ai plus la migraine et je ne vomis plus.

Donc, ceci est mon 400ème post! Encore 100 et j'arrête. Enfin, je pense; je m'étais dit 500 c'est un bon chiffre.

Poussière


10 h. J'écoute les NCC, semaine sur Freud (rediffusion). Ce matin : Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci.

Je relève ces phrases :
"Traîner le sublime dans la poussière"
"Le sublime s'enracine de la poussière".
"Le sculpteur est barbouillé de poussière".
Freud veut faire comprendre le lien important qu'il y a entre le sublime et la poussière.
L'analyste travaille en enlevant cette poussière.

Ici Freud parle de Léonard de Vinci.
Bien sûr, je pense à cet artiste qui "écrit" ses poussières...

mercredi 26 mai 2010

***

Il déteste les livres de Ponge, Nabokov, Deleuze, Borges, Beckett et, je rougis un peu en l’écrivant, il déteste aussi les miens.
Eric Chevillard, L'autofictif.

Euh... un peu prétentieux là ce cher Eric Chevillard.

Le pouvoir des images

Richard Avedon, Dorian Leigh with bicycle racer Dress by Dior, Champs-Elysees, Paris,
August 1949

Je découvre ce photographe ce matin ici et, cette photo qui certainement a été très travaillée me semble si belle que je rêve qu'elle ait été prise... par hasard! Petite merveille, ces deux sourires.

mardi 25 mai 2010

Le pouvoir des mots

J'envie ceux qui savent exprimer ce qu'ils ont dans le ventre, tenir un vrai Journal, qui n'intéresse que soi, n'écrire que pour soi, pour seulement, un jour peut-être, éclairer une âme perdue qui se retrouverait dans ces mots. C'est pourtant ce que je crois faire mais je sais que ce n'est pas vrai. Si c'était cela, je ne laisserais pas lire mon blog. Un inconnu m'a écrit récemment, me disant être tombé par hasard sur mon blog et là je le crois. Je me demande comment peut-on tomber par hasard sur mon blog? Mais bien sûr! on ne peut tomber ici que par hasard, à part la poignée de lecteurs à qui j'ai donné le lien. D'ailleurs, pourquoi leur ai-je donné le lien? N'est-ce pas la preuve que, malgré tout, j'ai envie d'être lue? et cette envie n'est-elle pas plutôt, envie de briser un peu cette solitude?

Je crois dans le pouvoir des mots qu'a cessé de gouverner la raison. Je crois dans le pouvoir des mots qui, d'un coup de rein, jettent bas la pensée guindée et corsetée. [...] Je crois au pouvoir des mots qui sont braves au combat pour sauver l'écriture de la mort.[...] Je crois au pouvoir des mots qui, n'ayant plus personne à aimer, ont encore à dire des choses vertigineuses sur l'absence d'amour. Je crois au pouvoir des mots qui t'évitent d'être immoral par médiocrité et moral par faiblesse craintive de Dieu ou des lois. Je crois au pouvoir des mots qui te rappellent que tu n'es pas un saint, pas un pur, pas une créature qu'une grâce miraculeuse dispenserait à tout jamais de la tentation du crime et de l'injustice. Je crois au pouvoir des mots qui ôtent à tes imperfections la tentation d'être vulgaires, stériles, insignifiants. Enfin, je crois au pouvoir des mots qui surmontent ton "misérable tas de petits secrets" (Malraux) par de foudroyantes tailles de diamant dans les yeux de l'être aimé. Car je crois aussi au pouvoir des mots de rendre l'homme meilleur, de meilleure qualité en toutes choses humaines. Au fil du temps se sont déposés dans nos profondeurs des mots que l'on dit insensés. Ce sont ceux de notre exubérance injustement mutilée. Ces mots ne sont pas vieux, ils ne peuvent pas vieillir. Il suffirait d'un vent dévergondant pour que soudain ils rajeunissent merveilleusement. Ils descendent des anciennes civilisations du désir. Ils se refusent d'être des rêves, se souvenant avoir été des assauts. [...] C'est sur ce qu'ils savent de ta folie que tu devras compter si tu veux être toi-même.
[...]
Les mots que tu tires du fond de toi sont les seuls authentiques. Là où tu vas les chercher, là d'où tu les arraches, ils sont le "marqueur" convulsif de ton identité.

Marcel Moreau, La libération de la parole.

lundi 24 mai 2010

Lundi de Pentecôte

Chômé? Pas chômé!
Il s'est décidé à me la fabriquer cette marche mon bricoleur de beau-frère! Quel boulot, çà n'a l'air de rien comme çà mais fallait voir la sueur perler sur son front. Il avait tout calculé, pris des mesures précises pour que çà tombe pile-poil et hop, raté. Le mur était en biais et pas à angle droit; çà lui avait échappé ce petit détail. Le pauvre, obligé de retourner chez lui à 15 kms tout de même pour chercher sa scie, car bien sûr je n'ai pas de scie! Dieu sait pourtant que j'en avais une sacrée collection quand je vivais à la campagne.
Pendant qu'il devait rouler clim à fond, j'ai préparé le déjeuner, enfin j'avais préparé mes salades hier, tout fait maison : taboulé, salade de pâtes avec tomates concombre jambon comté, parce qu'en plus faut les nourrir les bricoleurs sinon ils ne vous font pas du bon boulot.
Hein? Déjà de retour? Le voilà qui arrive avec sa scie.
- Tu as roulé comme une bombe?
- Non à 120!
- Bon, il est 13 h 30, on déjeune et tu feras les rectifs après, ok?
- Ok!
- Quelle chaleur, même sous le parasol c'est presque intenable. Tiens, t'as vu? la mer monte. Oh, un bateau à moteur qui passe!
- Quand même qu'est-ce que t'es bien ici, t'as eu du pot de trouver cet appart.
- Ben oui... mon ange gardien... a dû donner un coup de pouce.
- Pas mauvaise ta salade de pâtes, c'est quoi les herbes que t'as mis dedans?
- Du persil, du basilic, de l'estragon.
- Vachement bon. T'as de la chance d'avoir les halles tout près.
Hum, je ne lui ai pas dit que Crosdu faisait des bonnes herbes aussi.
- Allez, une petite glace aux fruits rouges et au boulot!

Le pauvre, il s'est fait ch... à scier l'agglo. Bon, je lui installe le ventilateur, il dégouline, je regarde le tennis pendant qu'il bosse mais je l'encourage hein! Elle est très moche cette marche, va falloir que la peigne! C'est sûr (je touche du bois, enfin de l'agglo) je ne vais plus me casser la binette.
Il a eu droit après à une bonne Leffe bien fraîche et bien mousseuse (ptit clin d'oeil à...).

Ce soir dîner avec mon amie (c'est son anniversaire) sur cette terrasse où le paysage est si beau. Au fil des heures, je pourrai dire au fil des minutes, la couleur du ciel se faisait de plus en plus pastel dans les bleus-blancs et les bleus-roses, se confondant avec la mer d'huile, silence apaisant.





Je suis rentrée régénérée, les yeux remplis d'images si belles que j'hésite à les reproduire ici comme un mauvais plagiat.

dimanche 23 mai 2010

Stress 2

Il m'a appelé hier soir, sur un ton qui m'a fait battre le coeur, de peur; il m'a dit :
- J'attendais ton coup de fil. Tu m'avais dit que tu me rappellerais!
Je n'ai pas tenté de lui répondre :
- Oui, mais j'attendais encore un peu, le temps que tu te calmes.
Et puis, il ne savait pas qu'entretemps j'avais appelé sa femme pour prendre de ses nouvelles. Alors je lui ai dit d'une voix étranglée :
- Je n'osais pas.
Il marmonnait des mots que je ne comprenais pas, en ricanant, il n'avait pas l'air calme. Je ne savais que lui dire, je sentais qu'il aurait fallu peu de choses, un seul mot malheureux, mal choisi, qui ne lui aurait pas plu, pour que cela dégénère, comme la dernière fois. J'étais tétanisée.
J'ai poursuivi calmement mais j'avais peur qu'il se mette à crier.
- Arrêtons d'en parler, on ne va pas ressasser notre dernier coup de fil lui ai-je dit en tremblant.
Je n'allais pas lui dire que je n'en avais pas dormi de son "Oh toi ON te connaît".

(Crois-tu que je ne t'aime plus? Même si tu me fais peur car oui tu me fais peur mais je ne suis pas ta mère ni ta femme pour me laisser anéantir par ton foutu caractère qui n'a pas changé d'un iota malgré ton cancer. Est-ce un bien? Je ne le pense pas, la maladie, la fragilité du temps (et pas seulement pour toi) qu'il nous reste à vivre, devraient nous rendre meilleur, pour les autres. A quoi bon leur mener la vie dure alors qu'il nous faut essayer - contre vents et marées - de la finir le plus sereinement possible?)

Parenthèse, je reprends donc, au téléphone hier soir... J'étais bloquée, les mots ne venaient pas. Je ne pouvais pas te demander comment tu allais bien sûr.
Alors j'ai dit :
- Je vais venir te voir, pas ce dimanche mais l'autre. Je viendrai passer l'après-midi avec vous, pas déjeuner...
Il m'a coupé :
- Mais si, tu viens déjeuner! C'était tout de même une injonction qui interdisait toute réplique. Cependant, j'ai senti qu'il était moins nerveux, peut-être même était-il content?
Je ne sais pas, je ne sais plus. Je sais que j'ai peur de l'affronter quand il est comme çà. Je sais que je vais y aller la peur au ventre, qu'il va falloir que je trouve les mots. Surtout ne pas laisser le silence s'installer, c'est horrible en famille les silences, c'est souvent terriblement pesant. Je prendrai un calmant avant de partir. Je n'ai pas envie de redevenir sourde, comme après ce stress énorme il y a quatre ans quand j'appris sa maladie. J'ai des acouphènes depuis, cela suffit.

C'est à cela que je pensais en lisant le divin Marcel Proust cet après-midi.
"A cause de la violence de mes battements de coeur on me fit diminuer la caféine, ils cessèrent. Alors je me demandai si ce n'était pas un peu à elle qu'était due cette angoisse que j'avais éprouvée quand je m'étais à peu près brouillé avec Gilberte, et que j'avais attribuée, chaque fois qu'elle se renouvelait, à la souffrance de ne plus voir mon amie, ou de risquer de ne la voir qu'en proie à la même mauvaise humeur."
Puis j'ai mis de la musique, du blues, et j'étais bien, délicieusement bien, dans ma solitude.

samedi 22 mai 2010

Festival de Cannes 2010

Je n'ai pas allumé la télévision une seule fois sur une émission qui parlait ou montrait des images du Festival de Cannes et j'ai bien fait. Ce soir j'ai regardé Canal+ et j'ai eu droit aux best of, d'un seul coup tous les peoples!
Regarder çà tous les jours, mon Dieu que ce doit être ennuyeux.
Je m'interroge depuis un moment : pourquoi de plus en plus de jeunes femmes, people ou pas, parlent du nez? Mauvais chirurgien? Hum! Un nouveau genre? Je préfère encore la voix saccadée (et de fumeuse) de Nicole Garcia (une de mes stars). Je la regarde évidemment avec mes yeux de femme puisque nous avons le même âge (ben voilà c'est dit, je me sape là). Je ne sais pas si les hommes sont comme nous; nous avons un besoin ventral (merci Marcel Moreau) de mesurer notre physique à celui des femmes de notre âge, cherchant toujours à l'autre, plus ceci, moins cela, bref, le détail qui va nous rassurer ou... nous désespérer.
La miss Météo de Canal est vraiment une belle nana, surtout quand elle n'est pas trop maquillée. Je la trouve très agréable à regarder. Agréable à regarder! Cela n'est tout de même pas suffisant pour séduire un homme, du moins je l'espère, mais ça aide...
Tiens Noah chante, il a une barbe naissante, grise. J'aime voir les gens vieillir, je trouve çà doux.
Combien de fois m'avais-tu dit : "je veux voir tes cheveux gris". Tu voulais dire : je veux que nous vieillissons ensemble. Tu ne les auras pas vu mes cheveux gris!
Delon les a blancs maintenant. Je déteste les hommes qui se teignent les cheveux, c'est d'un goût! Pour les femmes je ne dis pas non, c'est assez dur d'assumer ses cheveux gris ou blancs, il faut s'en ficher ou avoir une forte personnalité. Hum hum! Je me souviens de Françoise Giroud - que j'admirais - elle est restée avec ses cheveux gris quelques années, je lui trouvais une classe folle, puis elles les a teints, n'assumant plus les outrages de l'âge. Quelle déception la première fois que je l'ai vue en brune; elle avait perdu en douceur, ce dont elle avait pourtant besoin pour alléger son caractère de femme forte et autoritaire.

C'est donc le week-end de Pentecôte. Températures incroyables : 27°!!! C'est bizarre mais j'aime la ville quand il fait chaud : les bras, les épaules, les jambes qui se dénudent, dans la lourde chaleur il y a une légèreté de l'être, une certaine lascivité, lenteur, sensualité que j'aime et bien plus prégnante que sur une plage. Et puis, sur les quais de l'Odet il y a de la fraîcheur, rien qu'à regarder les canoës. Oui, je suis vraiment heureuse de re-vivre en ville (même si hier j'avais juste un peu envie de mourir, mais c'était hier).

Il est 22 heures, il fait encore bien jour, j'entends les mouettes.

vendredi 21 mai 2010

Plus ou moins l'infini


Théâtre hier soir.
Plus ou moins l'infini.

Aurélien Bory / Phil Soltanoff

Tout commence par un ballet suspendu de bâtons tout blancs. Comme dans un jeu de mikado géant, ils s’agitent, mus par une force invisible. Ils se fuient, se cherchent et se tutoient en une danse ondulatoire magique et sensuelle.
D’emblée, on est immergé dans un univers étrange et fascinant fait de verticalités, de lignes, de bâtons et de tiges. Lumineuses, mobiles et sonores, les lignes construisent et déconstruisent l’espace, créant des perspectives nouvelles. Dans ce monde d’illusions d’optique, les comédiens jouent avec la pesanteur et l’équilibre. Puissants et fragiles, toujours imprévisibles, ils glissent sur le plateau et nous emportent vers un ailleurs fantastique.
"Ouverte à tous les vents de la création artistique, la Compagnie 111 creuse le sillon de ce qui a fait sa renommée internationale : « Nous aimons, non pas être au cœur des disciplines, mais tout au bord, sur la tranche. Créer un vocabulaire qui ne soit pas perçu comme du jonglage, de la danse, du théâtre d’objets, mais comme un événement visuel. »"

J'avais été séduite par Press du même directeur artistique Aurélien Bory et j'ai retrouvé cette magie visuelle, dans certaines compositions proches de l'abstraction géométrique, je pensais à Vasarely. J'ai beaucoup aimé le son qui accompagnait ces chorégraphies et ces personnages dont on ne voyait que la tête, c'était étrange et absurde comme Oh! les beaux jours de Beckett et en ce moment j'ai besoin de Beckett, de son absurdité, pour me rattacher à la vie.
« il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer ».
(C'était une parenthèse).

En sortant du théâtre je rencontre un partenaire de golf avec sa femme. Ils étaient invités par la BNP (sic) à venir voir ce spectacle qui était pour eux suivi d'un buffet. Je me disais aussi : fallait bien qu'ils soient invités pour venir voir cette création artistique qui demandait une certaine capacité d'imagination pour sa compréhension.

Je leur demande si çà leur a plu :
- un peu longuet me dit sa femme (pourtant çà n'a duré que 1 h 15)
et toi tu as aimé demandé-je au golfeur?
- J'ai pas aimé la musique me dit-il en faisant la moue. (Ils ne devaient penser qu'au buffet qui les attendait avec du mousseux, beurk).
- Ah? je trouvais au contraire que le son était fantastique. J'ai beaucoup aimé dis-je en insistant un peu lourdement, nonobstant le vrai plaisir que j'ai éprouvé à cette musique qui me faisait parfois penser à des polyphonies de Bach.
- Nous sommes venus parce que nous avions une invitation, d'ailleurs il faut qu'on y aille. On se voit demain au départ?
- Oui, ok. Bonne fin de soirée alors. Pfff! Mais pourquoi je joue avec des nuls?

***

Toujours ce masque que je m'étais pourtant promis de laisser tomber.
Ton enjoué, humour, sourire et rire quand tout est pourtant si... différent.
Continuer de faire croire que tout va bien.
Par politesse.
Je me réfugie dans les livres comme je me réfugirais dans des bras.
Allez, rions, chantons, buvons à ce ciel qui m'ouvre les siens.
Comblons ce vide immense dans cet abîme.

Se suivent les matins et se ressemblent.

jeudi 20 mai 2010

Féminaire suite

Ce livre me chavire, comme chaque livre lu de Marcel Moreau me chavire crescendo. Pourtant dans celui-ci c'est un écrivain plus poétique que je découvre, moins cru dans son verbe que dans Sacre de la femme ou Discours contre les entraves ou L'ivre livre. Il le dit lui-même dans un chapitre : "Comme j'ai changé..." : "Cela s'est fait en douce, au rythme, me semble-t-il, que m'imposait l'infrivolité croissante de mes rendez-vous avec l'amour.[...] Je ne pouvais avoir une perception nette de ce glissement du langage obscène au langage poétisé".
Mais le verbe est toujours aussi dansant, aussi passionné, aussi désirant. Ce nouveau chapitre extrait de Féminaire.

Lettre à une excisée

Les gens qui vous ont fait cela méritent-ils de vivre?
Des consciences disent que ce sont des barbares, mais est-ce assez ce mot, et est-ce assez de le dire?
Je pense à toi, petite fille dont l'adolescence commence à te faire corps dansant, les hanches habitées, et cette poitrine des fières qu'une cadence qui boude semble unir à un rythme qui ose.
Je pense à toi, belle jeunesse, à ce noir de ta main qui, lorsque tu passes, sème la bonne lumière. A ce noir de tes bras, de tes jambes qui, lorsque tu marches ou joues, se colore de fleurs imprévisibles.
Je pense à ta douce chair profanée, un jour de basse chirurgie. Je pense au jour où ton désir de femme pleurera sur ta blessure d'enfant la demi-mort de son plaisir. Je redoute qu'un jour un amant complet mais mufle ne promène sa luxure sur ton infirmité.
Et je me révolte. Je ne comprends pas cette horreur traditionnelle, et je la hais. Je hais ce crime de lèse-innocence, né dans l'esprit d'une idole ancienne et dévoyée, phallique et égoïste, répandant la croyance qu'une femme ne vaut que par la jouissance qu'elle dispense et par la fécondité qu'elle perpétue.
La nature avait pourtant bien fait les choses. elle avait dressé à l'entrée de ton ventre la preuve visible de ses promesses : cette merveille bourgeonnante qui ne s'ouvre qu'aux caresses, et éclôt à l'extase. Elle avait jugé que point ne serait trop pour toute la féminité du monde que d'ajouter à ses émois des ténèbres, et des entrailles, cette force source de vertige, palpable, sacrée et immédiatement adorable, elle.
On t'a volé cette source, on te l'a tarie. Et jamais chant, en te berçant, n'aura le génie qu'il faut pour que s'endorme avec toi le mal que l'on t'a fait.
Et voilà, mon inconnue jolie, que je ne sais plus où j'en suis du nom que je t'invente, pour m'entêter de lui, du visage que je te dessine, à ne pouvoir m'en détourner. Aujourd'hui, ma voix est un soupir qui se traîne en mon Afrique rêvée, restée primordiale. Mon soupir est à la recherche d'une grâce aux pieds nus et son secret de gloire interrompue. Et c'est toi. Aujourd'hui, ma tristesse est comme une encre qui n'aurait plus d'emploi. Et je file des mots qui ne remplaceront jamais l'amour que tu mérites de vivre. Un amour si grand, venant d'un homme si vaste et si nouveau qu'il saurait te causer des joies plus exquises qu'une folie, plus longue qu'un serment, plus hautes qu'une cicatrisation.
Lorsque moi, l'incrédule, je me mets à l'espérance, il faut me croire si je dis que cette espérance est vraie et qu'elle a un sens. Cette vérité, ce sens, c'est en ton droit au bonheur et à l'amour que je les dépose, en ce moment même et pour longtemps. Te savoir heureuse, à l'ombre d'une plénitude, c'est ma passion cachée et frémissante. personne, jusqu'ici, n'aurait pu s'en douter. Je pense à toi. Et à toutes tes soeurs en mutilation.


Je ne peux m'empêcher de penser à cette blessure...

mercredi 19 mai 2010

De l'utilité du futile

Mardi 18 mai.
9 h. Je lis mes mails. Je réponds à certains. Je me retiens. J'essaie de rester neutre dans le ton. Ne pas tout dire. Garder son jardin secret, son intime.
10 h. De blog en blog... je vogue, je souris...
11 h. Je retranscris ces extraits de Féminaire... On va penser que je suis obsédée par la vieillesse mais non, ce n'est pas cela. C'est que je pense qu'il vaut mieux bien connaître son sujet pour mieux l'appréhender... le moment venu.
"La vieillesse ne me semble pas du tout le morne vestibule de la mort, mais comme les vraies grandes vacances, après le surmenage des sens, du coeur et de l'esprit que fut la vie".
Marcel Jouhandeau.
Je ne suis donc pas encore prête à prendre de grandes vacances!
"Quand je cesserai de m'indigner, j'aurai commencé ma vieillesse."
Youpi! Voilà qui me convient.

12 h. Je me sens vidée, lessivée ce matin. Il faut que je me pousse. Je réserve un départ au golf pour cet après-midi, je me force à y aller, c'est souvent comme cela, je pars fatiguée et sur le parcours j'oublie tout : la fatigue, les pensées mélancoliques, je me régénère. Il faut que je continue... à me régénérer. Après se sentir utile, devenir futile!

13 h 30. Dans ma voiture, sur une radio j'entends Olivia Ruiz et je chante à tue-tête avec elle : Mon ptit coeur tout mou, écorché mon visage, écorché mes genoux... j'aime aussi la voir bouger, elle a une vraie énergie. Je pense à Glenn Gould l'autre soir sur Arte qui disait adorer écouter dans sa voiture Petula Clark. Ca me rassure!
18 h. J'ai mal joué et attrapé un coup de soleil sur le nez. Etonnement, un de mes deux partenaires regardait le paysage, trouvait le petit vent très agréable sur son visage (un peu transpirant faut le dire)!!! Mais tout de même, un golfeur qui voit et sent autre chose que sa balle, ce n'est pas banal.
19 h. Ce soir je me repose, enfin, je n'en sais rien à vrai dire.
21 h. Petite revue de presse : Cannes Cannes Cannes Godard Godard Godard!
Lecture d'un article qui me fait piaffer de rire : Les "non-parents" à la fête. Importé de Belgique, le mouvement des childfree, ceux qui refusent les enfants, est en quête de reconnaissance. "Ce samedi soir, le tapis rouge sera déroulé à Paris pour la cérémonie des "non-pères" et des "non-mères". Ceux-ci se verront remettre la médaille du mérite écologique, au nom de leur contribution à la lutte contre la surpopulation de la planète".
Je vais finir par aller m'installer en Belgique tiens! Les "non-mères" enfin reconnues d'utilité publique;o) et l'euthanasie y est légale. Bravo les belges.

Mercredi 19 mai.
Einh??? Pas de mails ce matin?!?
10 h. j'écoute les NCC, semaine Molière (rediffusion), Sganarelle dans Le cocu imaginaire : "Mieux vaut être cocu que trépassé". Ah ah ah!
11 h. Je passe un coup de fil à la maison de retraite de Brest pour savoir si la petite mamie de 90 ans s'est bien remise de son tragique bain de vase! On me passe le directeur qui me rassure, la famille a été prévenue (une nièce), la mamie va bien, le directeur ennuyé par cet incident m'a indiqué qu'ils allaient être plus vigilants afin que cela ne puisse plus se reproduire et m'a gentiment remercié.

14 h 45. Je vais faire un saut dans une trocante pour voir si je trouve un truc qui pourrait me servir de petite marche puisque mon beau-frère se défile pour la fabriquer! Une amie a failli se casser la binette chez moi en allant sur ma terrasse. Donc avant que ce soit mon tour de me casser la margoulette, ne tardons point.
17 h. De retour. J'ai bien vu un casier à bouteilles ancien en joli bois dur, lequel posé sur un côté aurait pu servir de marche! Suis montée dessus, je faisais des petits sauts à pieds joints, c'était solide - y avait un client qui me regardait bizarrement, l'air de dire, elles est cinglée (et il n'avait pas tort) - mais bon, esthétiquement c'était pas terrible.
Je crois que je vais relancer mon beauf!

mardi 18 mai 2010

Féminaire

Les printemporelles

Question spectacle, il n’y a, il ne peut y avoir de beauté dans l’amour que se fait un couple où l’homme est beaucoup plus âgé que la femme. La beauté de la femme est alors solitaire et elle est univoque. Elle fait don de sa grâce à la disgrâce de l’homme, si « bien conservé » soit-il. L’homme, lui, est seul avec sa virilité, s’il lui en reste, et avec la conscience, quand il l’a, que ce n’est pas nécessairement pour cette virilité qu’on l’aime, s’il est aimé. Ce n’est pas un malheur, ce que je dis là, c’est une vérité, ayant l’inconvénient d’être lucide. Si c’était un malheur, cela signifierait que l’homme vieillissant doit désespérer, une fois pour toutes. Ce pouvoir de séduire ne lui est pas toujours refusé, simplement il ne peut rien, à son final, contre la discordance charnelle, le « raté » esthétique. Mais il peut encore quelque chose pour que cette discordance se fasse oublier, ou soit dépassée. Et c’est ici que les attraits de son intelligence, s’il en a, interviennent, comme pour réduire ce que les âges mettent de distance entre les corps. Ce n’est cependant pas une fatalité que le corps défavorisé abandonne à l’esprit, par compensation, le privilège de plaire. Il arrive qu’il lui reste une chance de décider de la beauté de la séduction, à défaut de la beauté de l’acte qui suit la séduction. Il est alors presque obligé qu’un tel corps ait une histoire, et que cette histoire soit visible. Un corps chargé d’histoire, il lui suffit parfois d’être là pour que l’on lise dans son visage, son regard, ses gestes, et même son « immobilité » le « vécu » de ses passions, émois, désirs, souffrances, labeurs, violence, excès, ramassé dans une sorte d’âme où coulerait le sang, où frémirait la chair, jusqu’en ses érosions. Et pour peu qu’il parle, c’est son histoire, son aventure, de préférence profonde et indescriptible, qui parle pour lui, se faisant vieux. Son livre s’ouvre. Son livre peut se permettre d’être abîmé, déchiré, raturé, maculé, puisqu’il est lisible et qu’il s’ouvre. Et c’est ainsi qu’il n’est pas du tout incongru d’imaginer que quelques créatures, de beaucoup de fraîcheur mais de peu de sagesse, se surprennent à serrer contre le leur, avec amour, ce corps d’un autre temps, d’une vacillante actualité, dans lequel elles lisent. Sans doute l’aiment-elles mieux pour son passé que pour son présent, quitte à espérer qu’avec un peu d’intuition elles l’aiment aussi en tant qu’il est la vérité de ce qu’il fut. Je veux bien l’admettre : il s’agit là d’un amour exceptionnel. En tout cas, il est sans avenir, ce qui, si étrange que cela puisse paraître, et toujours aussi exceptionnellement, en allonge la vertu.
L’homme âgé n’a aucun mérite ni ne prend aucun risque à dire à la femme bien plus jeune que lui : « Je t’aimerai toute la vie ». Les paris sur la durée lui sont épargnés. Il sait que ses jours sont plus comptés que ceux de son aimée. Il peut seulement penser :
« Pendant le temps qu’il me reste à vivre, je voudrais lui donner un amour aussi beau, ou une idée de l’amour si belle, qu’elle puisse, quand je serai mort, s’en souvenir comme d’un amour dont sa jeunesse se serait embellie, sans le soupçon de croire qu’elle aurait pu s’embellir davantage ailleurs et autrement, en conformité avec l’ordre de choses ». Mais qu’en serait-il de l’amour s’il n’était qu’un
ordre des choses ?

Marcel Moreau avait 67 quand ce livre, Féminaire a été publié en 2000 et déjà il devait sentir en lui cet homme vieillissant, pourtant encore jeune! Je pensais en lisant cela que cette réflexion pouvait s’appliquer à la femme vieillissante et, justement, je découvris quelques chapitres plus loin celui-ci que, bien évidemment, je trouvais plus réjouissant – bien que peu d’hommes doivent avoir ce regard-là sur la femme vieillissante – et je reconnaissais bien là son amour « sacré » de la Femme.

Les femmes et leur âge

Les femmes vivent plus longtemps que les hommes. Mais l’idée s’est accréditée qu’elles séduisent moins longtemps qu’eux. Pour beaucoup de celles qui s’en persuadent, c’est souvent un drame. Elles devraient, ces inquiètes, se dépêcher d’aimer et d’être aimées. C’est facile à dire. Le mieux serait que très tôt elles prennent la mesure du pouvoir qu’elles détiennent de leurs entrailles de se construire un art de vieillir plus fort que la peur de vieillir. Car en plus, à côté ou au-delà de l’attribut, certes merveilleux, mais aussi tellement évident, qu’ont ces entrailles de les rendre mères, elles ont celui de les « accoucher » d’elles-mêmes. La menace que le temps fait peser sur leur paraître, il faudrait que ce soit un moindre mal comparé à l’insolente beauté, sans âge, qu’elles savent si bien déployer lorsqu’elles font leur plein d’être, et mieux encore, leur trop-plein. Bref, lorsque leur est révélée leur véritable puissance.
La séduction, rien, bien sûr, n’interdit d’espérer qu’elle survive à une sale et longue histoire d’interdits, de tabous, de sacrifices, de frustrations. On ne sait jamais, avec les magies intérieures…
Toutefois, le risque est grand que les sots n’y voient qu’un charme pathétique, comme celui que sur les photos ils se plaisent à reconnaître à certains visages dont les rides et le regard composent l’empreinte lasse d’une vie où le devoir fut plus présent que le droit, les regrets plus têtus que les consolations et l’épanouissement plus rare que la servitude. Nous ne pouvons nous contenter de cette image. Ce qui fait penser à la plupart des femmes qu’elles courent plus vite que les hommes à la souffrance de ne plus séduire, c’est souvent, hélas, dans les yeux des hommes qu’elles le lisent. Dans bien des cas, cependant, ce sentiment, chez elles, est provoqué par l’obscure ou confuse intuition de n’avoir pas su tirer tout le parti possibles des extraordinaires prérogatives de leur corps : de son mystère sensoriel de corps. Elles n’ont pas été assez de leur monde, alors qu’elles avaient un ventre capable, avec son secret de genèse, d’être à lui seul ce monde. Dans leur crainte de devoir un jour cesser de séduire, on pourrait trouver, si l’on cherchait un peu, un malaise différent de l’appréhension de ne plus être aimées. Quelque chose comme le pressentiment prématuré d’un « avortement » de soi, de sa propre existence. Il faudrait les adjurer, celles-là, de croire qu’elles ont encore tout pour séduire.


Je finissais de retranscrire ces longs chapitres samedi soir quand soudain une tornade est venue tout dévaster, dans ma tête et dans la mémoire de mon ordinateur. Envolé tout çà, j’étais verte. Bien sûr j’aurai pu laisser tomber, ne pas les réécrire ici mais je trouve ces réflexions sur la vieillesse et la séduction intéressantes. Cette séduction par le corps alors improbable, impossible, devient la séduction par l’esprit – si on en a, comme dit l’auteur. J’ai lu ces pages après avoir vu une exposition de photos l'après-midi (c’est le Mai Photographies) qui, pour le coup, m’avait secouée pour ne pas dire écoeurée. L’artiste Marrie Bot – transgressant le tabou de l’érotique chez les vieillards - n’hésite pas à photographier des vieillards en couple dans des corps à corps intimes, à vous (me) donner envie de rester solitaire, même si l’angoisse de vieillir c’est aussi cela : vieillir dans la solitude. Même pas eu envie de prendre de photos, on peut les trouver sur Internet. A voir après le repas pour ne pas se couper l’appétit !
Je lis sur la brochure de l’expo : Marrie Bot – Timeless Love
Dix couples ordinaires âgés de 50 à 85 ans aux relations harmonieuses dévoilent à l’artiste leur érotisme au quotidien basé sur l’amour et l’affection.

lundi 17 mai 2010

J'ai fait le Tour du Monde aujourd'hui

Sur la route pour aller à Brest ce matin je vois sur mon compteur 22222 kms ! Amusant que mon regard se soit posé sur le compteur juste à ce moment-là.
Je suis passée au cimetière comme je le fais chaque année au mois de mai. Le ciel était clément et il y avait un petit zef breton. La corvée de nettoyage faite, je leur ai dit salut à mes chers disparus et à l’année prochaine ! C’est tout, je ne leur parle pas sur la tombe, je préfère leur parler ailleurs dans des endroits plus accueillants.

Enfin je suis attablée sur cette terrasse du Tour du Monde (propriétaire : Olivier de Kersauson) d’où l’on surplombe toute la rade, le port de plaisance, le pont de Plougastel et le nouveau pont d’Iroise. Magnifique.




Mes moules arrivent avec le petit (vraiment petit euh…) verre de Bandol rosé. Que je suis bien ! J’ai faim. C’est le petit plaisir que je m’offre pour agrémenter ce passage au cimetière et là j’ai vraiment de la chance avec le temps.


Puis je vais prendre un café en m’installant dans les fauteuils relax.


Il fait trop beau pour que je reprenne la route tout de suite, je vais aller prendre quelques photos au Moulin Blanc, pour retrouver quelques souvenirs d’enfance. Soudain j’aperçois une vieille femme au loin qui va vers la mer qui est très basse et qui s’enfonce de plus en plus dans la vase et là j’arrête de la prendre en photo, je me dis qu’elle a besoin d’aide. Au loin sur un bateau un homme lui fait des signes de ne plus avancer ; à côté de moi des touristes imperturbables la regardent, comme à un spectacle.




C’est là que mes pas m’ont mené vers elle. J’étais portée par les circonstances, sans me poser de questions : j’étais là au moment où cette femme allait peut-être être engloutie par la vase. J’ai fait le tour et me suis précipitée pour la rejoindre sur la plage. Personne ne s’en inquiétait, les touristes étaient repartis. Elle avait réussi à sortir de la vase, elle remontait vers moi, les jambes entièrement recouvertes de vase jusqu’en haut des cuisses et les bras jusqu’aux coudes, elle tremblait. Il y avait quelques personnes sur la jetée qui nous regardaient, personne n’a moufté. Belle et odieuse indifférence. Elle portait un gilet dont elle avait remonté les manches avec ses mains pleines de vase.
Je lui ai demandé si elle avait des vêtements, elle avait un maillot de bain sous son gilet et elle m’a montré un caddy avec une parka dessus. Elle était un peu hébétée mais me répondait correctement. Je lui ai dit de m’attendre près de son caddy, elle s’est assise (j’étais assez bouleversée) et je suis allée à la recherche d’un point d’eau et j’ai trouvé des toilettes avec un lavabo. Je suis retournée la chercher, je tirais son caddy, portais ses vêtements et ses bottes en caoutchouc. Nous marchions doucement, je lui demandais si elle n’avait pas trop mal aux pieds, elle ne se plaignait de rien et me regardait avec douceur. Je lui posais quelques questions, pensant qu’elle avait l’Alzheimer mais pas du tout. Elle venait d’avoir 90 ans me dit-elle et le soleil lui avait donné envie d’aller se baigner. 90 ans! j'étais surprise. Je lui ai demandé où elle habitait : « à la maison de retraite de XX ». C’était dans le quartier de mon enfance.
Arrivées au lavabo je l’ai trouvé très vive pour son grand âge ; elle nettoyait toute seule ses mains et ses bras vigoureusement sous le robinet mais la couche était épaisse. Il y avait un gant de toilette blanc et propre dans son caddy. J’ai commencé à lui nettoyer les jambes. Il aurait fallu un jet d’eau pour enlever cette couche épaisse. Je la regardais et je lui dis qu’elle ressemblait à ma mère, il aurait été plus juste de dire qu’elle me faisait penser à ma mère. Maman est morte à 73 ans (Alzheimer) et physiquement elle était moins bien que cette femme de 90 ans. La couche de vase sur les jambes et les pieds avait durcie et au gant ce n’était pas pratique. Je lui demandais si je ne lui faisais pas mal. Elle me dit que non. Elle voulait mettre un pied dans le lavabo mais il était trop haut. Elle insistait, alors je l’ai soutenue en la soulevant par derrière comme je pouvais et elle a réussi à mettre un pied dans le lavabo. Je n’avais pas assez de force pour la porter

J’ai eu pour elle des gestes que j’aurais pu avoir pour ma mère, ou ma tante. En la soutenant, sans pouvoir la soulever malgré son poids léger, je ne savais plus si c’était ma mère que je soulevais, ou moi que l’on soulevait, dans un avenir encore – je l’espère – lointain. Je me demandais si je ne rêvais pas, mais non, et ce n’était pas un cauchemar, c’était beau d’être là, ma vie avait enfin un sens aujourd’hui.
C’est étrange, je ne vais jamais sur la plage du Moulin Blanc les autres années, je reste sur le port de plaisance et fais la balade plutôt dans l’autre sens mais je pensais à quelqu’un qui m’en avait parlé récemment.
Après avoir nettoyé le plus gros pour qu’elle puisse se rhabiller – elle avait des sous-vêtements, un chemisier et un pantalon propre dans son caddy – je l’ai ramenée en voiture dans sa maison de retraite ; elle était venue en bus. Je lui ai dit que ce n’était pas prudent de venir seule à la plage et qu’il ne fallait plus qu’elle vienne se baigner à marée basse et seule. Elle m’a regardé avec une douceur inouïe en me disant : comment j’aurai fait sans vous.
Elle voulait m’offrir un café dans sa chambre mais je n’ai pas voulu y aller ; je l’ai laissé avec un jeune homme employé de la résidence. Elle m’a embrassé et je lui ai caressé les cheveux.

Je suis heureuse d’avoir pu faire cela aujourd’hui, tout le reste est vraiment sans importance.

Sur la route du retour j’étais en dehors du monde. Et le restaurant où j’ai déjeuné s’appelle Le Tour du Monde.



J’ai fait un grand voyage aujourd’hui… et j’ai vu le Yin et le Yang !



Cliquer sur les images pour agrandir.

dimanche 16 mai 2010

Noir c'est noir

J'étais en train de lire ce soir ce Féminaire de Marcel Moreau, un chapitre sur l'homme vieillissant et je le recopiais pour le transcrire ici. Je me suis arrêtée sur la dernière phrase : "Mais qu'en serait-il de l'amour s'il n'était qu'un ordre des choses?". Je venais de recevoir d'un ami cette phrase : "boucler quelque chose...
c'est dans "l'ordre des choses". Il avait mis ces mots entre guillemets et les mots de Marcel Moreau prenaient une autre dimension. Mon ami ne parlait pas d'amour mais d'un voyage...
Et au moment où je recopiais ce texte, j'ai reçu un mail et les conséquences de ce mail m'ont pétrifiée. Tout ce qui était en cours sur mon ordinateur a disparu dans ma panique et notamment cette retranscription, j'ai fait une mauvaise manipulation, dans mon embarras, mais le plus grave n'était pas cela mais ce sentiment de tristesse immense qui m'a submergée. J'aurai voulu crever mon écran pour atteindre ce qui m'avait désespéré.
1 h. Je ferme mon blog aux visiteurs.
1 h 20. Je reçois un mail, cette fois d'un inconnu : "je ne peux plus vous lire, au revoir". Ainsi donc je suis lue! J'en suis toujours étonnée. Il avait l'air triste. Faut dire que lire mon blog si tard dans la nuit, çà ne doit pas être gai!
Puis je rouvre mon blog, parce que moi aussi, j'étais mélancolique de l'avoir fermé.
Il est 1 h 30, (mon voisin vient de rentrer) je ne suis jamais sur mon ordinateur à cette heure-là, mais ce soir je suis aussi éveillée que si j'allais passer une nuit blanche.
1 h 50. Je souris, malgré tout, de ma candeur, de mon intégrité. Je retranscrirai demain ce texte de Féminaire.
4 h 10. Je n'arrive pas à dormir. Je cogite, je me dis que je ne dois pas fermer mon blog aux visiteurs mais que je dois arrêter d'écrire ici.

9 h. Nuit courte, pas blanche, noire, d'un noir destructeur, c'est quoi un noir destructeur? Mon voisin se lève aussi, je souris, je me dis : il a dû m'entendre puisque je l'entends! Il court de son pas lourd. Il est jeune mais il est lourd. J'aimerai qu'il ait "une insoutenable légèreté..." de ses pas.

samedi 15 mai 2010

Yin et yang


Vendredi 14 mai.

Ce fut une étrange matinée, remplie de couleurs : du vert anglais, du vert tilleul, du rose, du fuchsia, du rouge, du violet, du blanc-du noir (comme le yin et le yang), du bleu-marine, du jaune, de l'orange. A l'intérieur de ces couleurs, une chose bizarre, un indéfinissable sourire grimaçant, à force de la regarder, cette chose bizarre, je me suis demandée si ce n'était pas moi ce monstre. En regardant ces "photos", j'écoutais les NCC sur le thème de l'imagination et la mienne vagabondait. Je savais pourtant que je devais ne pas la laisser galoper cette imagination car elle fut bien souvent déçue par la réalité. Mais les leçons c'est bien connu, ne servent à rien. Seul compte l'instant présent; le passé, l'avenir n'existent pas.

J'ai regardé le ciel, il faisait gris et il pleuviotait, mais il me fallait bouger aujourd'hui après cette journée d'hier à ne rien faire. J'avais pourtant décidé de ne plus jouer au golf sous la pluie : tirer le chariot, tenir le parapluie, le fermer pour jouer, le club mouillé qui glisse dans les mains, mais j'y suis allée. Le parcours n'était pas encombré par ce temps. Au cinquième trou, il s'est mis à tomber une pluie drue, j'étais seule et je me suis réfugiée sous un arbre, je dégoulinais, attendant que çà passe. J'aimais entendre le bruit de cette pluie sur mon parapluie; j'imaginais (oui encore) être sous une tente, serrée contre un amoureux (souvenir d'adolescente), sans rien dire, juste écouter la pluie. Puis je suis repartie quand çà s'est calmé. Deux trous plus loin j'ai eu le droit à la parade d'un bel oiseau aux plumes sombres et violettes et à la queue multicolore. C'était incroyable, les ailes déployées il tournoyait autour de moi à ras du sol, je n'avais jamais vu cela, c'était magique. Je n'osais plus taper dans ma balle. Après cinq ou six tours il s'est envolé.
J'avais bien fait de venir au golf! J'aime aussi jouer seule, j'ai remarqué que mes partenaires ne s'attardent jamais sur le paysage, pourtant il arrive que dans ces endroits très superficiels où le paysage n'a plus rien de naturel, il y ait encore un peu de nature préservée, comme ces plans d'eau avec des herbes et des canards sauvages. En montagne aussi, le golf offre de beaux paysages, vu d'un palace!!!

 Emil Cardinaux, affiche


Émil Cardinaux (1877 – 1936) ]est un peintre bernois. Il apprend la lithographie à Munich. De passage à Paris, il participe à l'un des premiers concours suisses d'affiches au début du XXe siècle. Ces affiches faites sur commande des chemins de fer fédéraux destinées à l'étranger vont donner une image caractéristique de la Suisse. Il crée également des affiches pour les chocolats Villars en 1905, puis en 1906, six cartes mono dont une pour le syndicat d'initiative de Zermatt représentant le Cervin[a 3]. Avec cette image, il réalise en 1908 une autre affiche de ce sommet qui sera très populaire et l’une des réalisations les plus symboliques de l'affiche artistique en Suisse. Cette affiche devient une référence, une source d'inspiration jusqu’à nos jours[5]. Il réalise en tout plus de cent affiches, touristiques pour la plupart. Pour l'exposition nationale suisse de 1914 à Berne, son affiche Le Cheval vert fut particulièrement  décriée car ne comportant pas de paysages caractéristiques.



Ce samedi matin. 9 h 15.
Je me connecte, j'attends un mail de mon beau-frère, rien. J'en déduis qu'il ne viendra pas m'installer cette petite marche. Je visite deux blogs et je me dis qu'en ce qui concerne l'amour je ne suis pas "de mon temps". Je suis capable d'attendre des mois pour un premier baiser et je suis aussi capable de faire fi des mots et de me laisser séduire ou de séduire au premier regard chavirant... d'un inconnu.
10 h 30. Mon voisin du dessus se lève, il court toujours : est-il pressé d'aller pisser ou son téléphone a-t-il sonné? Je ris, j'aime bien l'entendre au-dessus de ma tête, quand il rentre dans la nuit, çà ne me dérange pas du tout.
12 h 15. Dans le silence je n'entends que mes acouphènes, vite musique!

vendredi 14 mai 2010

Du rien au tout

Jeudi 13 mai. C'est l'Ascension. Pour moi c'est un de ces jours bâtard, férié sans l'être, les magasins sont ouverts, un de ces jours de ce mois de mai rempli de dates d'anniversaire de... ou de fêtes.

Enveloppée de silence, d'incertitudes : dois-je me taire? Parler? Ecrire?

Ecrire, c'est tenter de savoir ce qu'on écrirait si on écrivait.
Ecrire c'est aussi ne pas parler. C'est se taire. C'est hurler sans bruit.

Marguerite Duras

Levée tard et réveillée par les klaxons d'une voiture "balai" accompagnant les cyclistes. J'ouvre la fenêtre et je vois une flopée de bambins, casqués, maillots bariolés, leurs petites jambes pédalant de toute leur force pour suivre les "grands" devant! Je vois aussi ma belle église sans voitures garées devant, enfin, stationnement interdit, dommage que ce ne soit pas toujours comme çà! J'en profite pour la prendre en photo.


Ptit déj. Encore une journée à occuper.
11 h. Boîte mails, ouf, je m'inquiétais de...
Midi. Vais faire mes vitres tiens.

Après-midi, j'ai fait j'ai fait j'ai fait j'ai fait.................... rien, juste une heure de lecture!
Journée remplie de................................................. vide, de silence!
Ah je pourrai inventer des choses, des occupations, parfois je vais même voir des expos pour me dire : tu as fait quelque chose. Pas envie de tricher. Aujourd'hui, envie de rien m'imposer, rester dans "la langueur d'un jour monotone", assumer ce silence, ne pas parler, me taire, hurler sans bruit.

22 h 30. Regardé film sur Arte, bof.
23 h. J'écoute du Bach, Gould. Je reçois des photos hilarantes, çà tombe bien! Je ris, enfin. Demain sera un autre jour.
23 h 20. Je reçois une photo : une balle de golf assez monstrueuse... euh! peux plus voir le golf en peinture là!
23 h 40. Oh oh oh! encore une photo... et voilà que le rien, le vide, se remplit de... rires, de sourires, de douceur.

jeudi 13 mai 2010

Marcel Moreau


Encore et encore...
Hier donc, à la bibliothèque, je pensais revenir les mains vides puisque j'ai mon Proust mais je n'ai pas pu m'empêcher de fouiner et j'ai trouvé le livre de cet auteur que j'admire et j'aime (pléonasme), Marcel Moreau : Féminaire. Il est beau au toucher et son papier est épais comme ce papier Ingres d'Arches sur lequel on dessine ou on peint, ce qui n'est pas innocent car l'écriture de Marcel Moreau, en dehors d'être un chant, une danse, une chorégraphie est aussi une peinture. Peintre de la Femme dans son adoration. Les pages sont "scellées" (quel privilège, pas un lecteur de la bibliothèque ne l'a pris dans ses mains) et c'est avec délicatesse et fébrilité que je les tranche au coupe-papier.

Féminaire : Un mot qui va, un mot qui vient, dans ma bouche décadente, laquelle eut son âge d'or, et s'en souvient. Un mot qu'on ne ravale, ni ne recrache, qui se grefferait sur la langue jusqu'à la fin de vivre. Un mot que l'on prononcerait avec la force de "bestiaire", alors qu'il a la douceur de "sanctuaire". Un mot qui serait plus séminal que "séminaire", sans les reliques de "reliquaires". Un mot qui chercherait, dans ses profondeurs, ce qu'il lui reste d'inachevé à écrire sur mon amour inachevé de la Femme et des mots.

Mon Féminaire, je pourrais croire l’avoir déjà écrit, de livre en livre. Il y court en haut des passions escarpées, il y coule au fond des passions encaissées. Que ce soit par soubresauts ou par saccades, rien n’y fait : elle n’a jamais cessé, ma louange de la femme. Même quand j’avais dans l’âme plus d’horreurs que d’agréments, elle n’a jamais cessé. Je pourrais croire l’avoir déjà écrit, ce livre, et pourtant je ne l’ai jamais vraiment commencé.
On ne commence pas un mystère, on en est la remorque, essoufflée et brinquebalante. Émerveillée d’abord.

M.M. 4ème de couverture.

Je ne pouvais attendre plus longtemps pour en commencer la lecture qui, je le savais, me transporterait dans cet ailleurs qui nous isole et nous transcende : l'amour. Marcel Moreau vieillissant sait que son "corps charnel" n'est plus qu'une illusion mais que son "corps verbal" lui, est toujours bien vivant, bien vibrant.

"Toi, corps charnel, ta lucidité sait ce qu'il en est de l'illusion de séduire, quand on séduit plus par l'histoire que l'on traîne derrière soi que par celle que l'on pousse devant. Moi, corps verbal, ma déraison sait ce qu'il en est de cette histoire entre la femme et toi, qui ne se terminera qu'avec ta mort. Je suis ton corps verbal, ton corps de possédé du verbe, c'est-à-dire celui en qui, parmi tant de dévorantes passions, s'est fécondée, à jamais, la plus vertigineuse de toutes : l'amour". [...]
Une femme lui écrit. Il écrit à une femme.
[...]
Ainsi commença ton amour de Laba. Quand tu reçus d'elle, étrangère, une lettre recommandée. Ce n'étaient que quelques mots, d'une graphie élégante, sensuelle, qui donnait une peau aux consonnes et un regard aux voyelles, et à la page une respiration calme, de corps entrebâillé. Son langage était tactile et vallonné, un "ailleurs", à la française, dans un pays dont le parler nous est mystère. Tu remarquas que les jambages de ses "M" étaient grands ouverts. Tu en ressentis un vague désir. Elle écrit : "De toute ma chair, je vous lis..." Et ce qui suit, ce ne sont ni compliments ni louanges. C'est, immédiatement, une voix dans ta voix, des yeux dans tes yeux, une façon de dire et, enfin, son corps verbal tourné vers le tien qui se tourne vers lui. Soudain, vous vous rencontrez sans vous être vus, et cela est beau. Cela ne s'explique pas, ce charme d'entre tous les charmes, ce bruissement inaugural de la parole qui fait que soudain deux corps s'orientent l'un vers l'autre, deux âmes, peut-être deux blessures, deux chuchotements confus d'une intuition à nulle autre pareille : "Je vous attendais".

Marcel Moreau, Féminaire suivi de La libération de la parole, Les éditions Lettres Vives, collection Entre 4 yeux. Pages 8 et 10.

A lire ici pour un point de vue plus pro... car je ne fais que commencer ce livre. Je suis une inconditionnelle de Marcel Moreau et je sais que je ne serai pas déçue.

Je remercie encore le jeune ami qui m'a fait découvrir cet écrivain il y a quelques années.

mardi 11 mai 2010

A la recherche d'une autre vie...

Le 1er janvier me fut particulièrement douloureux cette année-là. Tout l'est sans doute, qui fait date et anniversaire, quand on est malheureux. Mais si c'est par exemple d'avoir perdu un être cher, la souffrance consiste seulement dans une comparaison plus vive avec le passé. Il s'y ajoutait dans mon cas l'espoir informulé que Gilberte, ayant voulu me laisser l'initiative des premiers pas et constatant que je ne les avais pas faits, n'avait attendu que le prétexte du 1er janvier pour m'écrire : "Enfin, qu'y a-t-il? je suis folle de vous, venez que nous nous expliquions franchement, je ne peux pas vivre sans vous voir".
[...]
Quand on aime l'amour est trop grand pour pouvoir être contenu tout entier en nous; il irradie vers la personne aimée, rencontre en elle une surface qui l'arrête, le force à revenir vers son point de départ et c'est ce choc, en retour de notre propre tendresse que nous appelons les sentiments de l'autre et qui nous charme plus qu'à l'aller, parce que nous ne reconnaissons pas qu'elle vient de nous.


Marcel Proust, A la recherche du temps perdu II, A l'ombre des jeunes filles en fleurs, Autour de Mme Swann.

Et voilà que j'éprouve un grand plaisir à lire Proust, enfin. Les seuls moments de paix, de plénitude dans ma vie aujourd'hui, je ne les trouve que dans la littérature? C'est pourquoi je me détache de plus en plus du monde qui m'entoure.

lundi 10 mai 2010

Stress

C'est comme s'il m'avait craché à la figure son venin. Il a crié au téléphone, crié son désarroi et c'est sur moi qu'il s'est déchaîné : fais gaffe m'a-t-il dit. Il faut faire attention à son vocabulaire, tu ne peux te mettre à ma place personne ne peut savoir poursuivait-il en gueulant. Le sang m'est monté à la tête, mes 8 mg d'Atacand de ce matin ne faisaient plus d'effet, tension à son maximum! Et il continuait vociférant tout seul, me disant : basta, arrête maintenant alors que je ne disais rien, il avait sûrement envie de rajouter : va te faire foutre. Alors je lui ai dit, sans voix, je te rappellerai quand tu iras mieux, la pire connerie mais je ne savais plus qui j'étais ce que je disais j'étais déboussolée j'avais envie de mourir là au téléphone et il a crié MAIS JE NE PEUX PLUS ALLER MIEUX et sur sa lancée il m'a balancé avec une hargne qui m'a laissé éberluée : Oh toi ON te connaît! et là j'ai cru que j'allais m'évanouir, avoir une crise cardiaque c'eût été trop beau, mais j'ai eu la force de lui dire : oui ON me connaît - sans comprendre ce qu'il voulait dire -, je suis le mouton noir de la famille. Je ne suis pas sûre qu'il l'ait entendu j'ai cru entendre le téléphone raccrocher avant de terminer ma phrase, dans un souffle.
J'ai raccroché et j'ai poussé un cri - de rage de tristesse d'une infinie tristesse - qui aurait dû faire éclater mes ampoules, comme ces cris de désespoirs qui explosaient dans ma voiture quand je revenais de te voir , toi mon aimé, il y a 25 ans.

J'ai décidé ce soir de désormais penser à moi, de me protéger du stress, parce que malgré tout ce que je dis : je n'ai pas envie de mourir tout de suite.

Journal

Dimanche 9 mai.

20 h. Sur Arte je vois cette chaise de Gerrit Rietveld, elle irait très bien dans mon salon avec une toile de Mondrian au mur. Rien que çà!



Pour découvrir d'autres œuvres de Piet Mondrian : Artsy.

Tiens, un gros bourdonnement dans ma tête et mes oreilles sifflent. Un jour je vais mourir comme çà, d'un coup, la tête sur mon clavier.


Ce serait drôlement chouette. Faut pas rêver.
(Et je ne suis pas cette chère Françoise Sagan).