dimanche 30 janvier 2011

Histoires de chiens

Quand les souvenirs ressurgissent, vagabondent mes pensées désordonnées... samedi en écoutant : Répliques

Niki, l'histoire d'un chien de Tibo Déry aux éditions Circé, 2010.
 


"L'histoire de Niki, une chienne ordinaire, et des Ancsa, un couple non moins ordinaire, est une parabole extraordinairement émouvante, - sans jamais donner dans la sensiblerie -, sur l'attention, la gentillesse et la résistance de l'amour. "- 4° de couverture

Les textes lus par Alain Finkielkraut m’auraient presque donné envie d’avoir un chien !
Il a - entre autres beaux extraits - lu la fin de l’histoire; je trouve tout de même cela dommage.

Il s’agit d’un fox-terrier et le souvenir de Diabolo, le chien de ma sœur que j’ai souvent gardé, m’est revenu. Il me donnait à chaque fois ce même sentiment dont on parlait dans l'émission : le silence du chien, qui était pour moi parfois insoutenable tant j’avais envie qu’il me parle. Tout le monde me disait "prends un chien tu te sentiras moins seule" mais à chaque fois que je gardais Diabolo, cette solitude se faisait encore plus invasive, plus vive, puisque nous ne pouvions lui et moi que nous regarder en silence et ce que j’avais envie de partager c’était bien autre chose; le langage de ses yeux ne me suffisaient pas. Le poids de ce silence et de ma solitude était à son summum lorsque je me mettais à table et qu'il me regardait. Pourtant je l’aimais, je jouais avec lui à la "ba-balle" et il s’accrochait si fermement à celle-ci quand il l'avait dans la gueule que je pouvais le soulever d’une main sans qu’il ne la lâchât. Je sentais avec acuité sa dépendance à l’homme et cela, au lieu de m'emplir de joie, me faisait penser à un fol amour que je ne pourrais lui rendre d’une façon égale, ou plutôt, je craignais terriblement de le lui rendre et de devenir si aimante avec lui qu’une séparation serait un drame.

Je me souvins aussi de la passion de Madeleine Chapsal pour son fox-terrier, elle la conta souvent dans ses romans :
"Avant de nous coucher, le rite était de promener une dernière fois Bonhomme. Il nous le rappelait, si nous avions envie de l’oublier – les jours d’averse, par exemple ! -, en s’allongeant queue contre la porte d’entrée, tête entre ses pattes tendues, surveillant nos gestes de l’œil rond et mobile qu’il tient de sa race. "Allez, on y va !" Bonhomme se dressait d’un bond, "secouait" sa peau, et se retournait, nez, cette fois, contre la porte…
J’avais pris l’habitude de laisser une serviette-éponge dans notre petite entrée carrelée pour lui essuyer soigneusement les quatre pattes au retour. Au début, surpris par ce rite, Bonhomme finit par s’y plier, comme à tout ce qui venait de nous."


Je faisais de même avec Diabolo lorsqu’il m’était confié, je vivais alors à la campagne et le soir, pour la dernière promenade, en hiver il faisait nuit, j’étais obligée de prendre une lampe avec moi ; pas un éclairage dans le hameau, ni même une lumière aux fenêtres des maison, les volets étaient déjà clos. Mon jardin, vaste, n'était pas clôturé et je ne prenais pas le risque de l'y laisser, ses instincts de chasseur auraient vite fait de l'éloigner de la maison. Je le tenais en laisse craignant qu’il ne s’échappe. Près de la chapelle l’herbe était humide et les chemins légèrement boueux. En rentrant, je faisais comme pour "Bonhomme", Diabolo se laissait essuyer et sécher les pattes sans plaisir mais sans rechigner, puis trottinait rapidement vers le salon où il s’ébrouait, s’allongeait sur le dos sur mon beau tapis et se frottait vigoureusement le dos, les pattes en l’air, avec une jouissance telle que je lui pardonnais. Il perdait ses poils et j’étais bonne pour passer une fois de plus l’aspirateur ! Puis, il grimpait sur le vieux canapé recouvert d’un plaid près de la cheminée. Il fermait les yeux et je regardais le feu ; j’attendais que les braises s’éteignent, pour aller me coucher.

"En bateau j’ai peur […] Je garde les yeux fixés sur Bernard qui tient le gouvernail de notre bateau. […]
[…]
Je tiens fermement le chien par le collier, j’ai peur qu’il décanille… Mais, habitué par son maître à la navigation, il est aux anges ! Il aboie à chaque cormoran, chaque mouette. Cherche à se jeter à l’eau, où il nage comme un phoque. Bernard accoste sur un îlot rocheux. Bonhomme aussitôt à terre, bondit faire le tour du tas de pierres. Soudain, un essaim d’oiseaux tournoie et se rapproche de nous comme un essaim de guêpes. Leur cri est un cri de guerre. Bonhomme, à notre insu […] est en train de croquer des oisillons au nid ! Nous rembarquons en catastrophe, sous l’œil noir des grands voltigeurs qui nous giflent de leurs ailes. Ils ont raison. Bonhomme est morigéné. Il s’en fiche. Quand la mer est calme, il guette les longs poissons, des bars, qui nagent à la surface, prêt à plonger à leur poursuite.


Madeleine Chapsal, in La Maison de jade, éditions Grasset, 1986.




Photos de Diabolo 1995.

Diabolo venait de la SPA, il était doux et craintif, il n'aboyait jamais. Sans doute avait-il été traumatisé par les maîtres qui l'avaient abandonné. Diabolo était le nom qui lui avait été attribué quand ma soeur l'a adopté, elle ne l'a pas changé. C'était un adorable petit chien, pas diabolique du tout. Il est mort en juin 2005. C'était la première fois que je pleurais, pour un chien.


Un autre livre que j’ai dans mes projets de lecture, Flush de Virginia Woolf, réédité en mars 2010, éditions Le bruit du temps.



"Dans son récit, l'auteur expérimente avec perspicacité la verbalisation d’émotion et de considération philosophiques par le cocker Flush. Il s'établit entre la poétesse et l'animal un lien émotionnel et spirituel qui leur permet de se comprendre mutuellement malgré la barrière linguistique qui les sépare. Pour Flush la pensée poétique se résume au sens de l’odorat, tandis que pour Elizabeth, la poésie ne peut se passer des mots. Ainsi, dans Flush V. Woolf s'intéresse aux barrières que le langage crée entre l'homme et l'animal mais qui peuvent être dépassées par des actes symboliques."
Wikipédia.

Je n’ai jamais eu d’animal, je serais devenue gaga avec un chien ou un chat et si j’avais dû en adopter un c’eût été certainement un chat (quoique c'est le chat qui adopte son maître), dont j’aime l’indépendance et la grâce.