samedi 22 janvier 2011

Il faut que crève le mur du silence



Il y a trois jours flottait dans l’air une odeur printanière. Les terrasses étaient aménagées, les parasols prêts à s’ouvrir !
Et tous ces pauvres gens qui croient dur comme fer qu’en Bretagne il ne fait jamais beau. Ces photos je les ai prises en fin d’après-midi le 18 janvier 2011.

Je me décidais enfin à aller jeter un coup d’œil sur les téléphones mobiles et autres smartphones. Je n’ai pas fait exprès de leur faire de la pub sur ma photo. C’est pur hasard que cette enseigne fut dans ma ligne de mire, nonobstant mon objectif premier : faire un petit tour d’horizon de leurs produits afin de pouvoir éliminer ceux qui ne me conviendront pas.

Le "conseiller technique" je dois l’avouer fut très charmant ; il a dû penser qu’il avait affaire à une femme bien informée des dernières technologies (un peu de prétention ne nuit pas, oui, il m’arrive parfois de tromper mes interlocuteurs, d’autant plus que le sujet abordé m’est hermétique) ; je lui posais des questions précises – j’avais déjà bien potassé les diverses propositions sur Internet – et il put répondre à toutes mes interrogations. Je n’ai rien décidé sur le champ ; besoin de réfléchir encore un peu. Il était 17 heures, il avait tout de même passé une bonne demi heure avec moi; il me restait trente cinq minutes au parcmètre, je décidais d’aller boire un chocolat au XXI, à l’intérieur (leur terrasse est celle des photos).
En quittant le café je pris celle-ci, sur le parvis de la cathédrale, à la lumière déclinante.


Puis je rentrais en voiture.

Le lendemain, avant-hier donc, soleil aussi généreux mais température beaucoup plus frisquette. J’allais me réchauffer au golf, je vais finir par croire que ce petit golf m’appartient, j’y suis souvent la seule joueuse.

Ce soir lecture, non pas Le temps retrouvé ; j’ai préféré poursuivre le livre en cours, Les Beaux Sentiments, une très belle réflexion sur le mal-être des adolescents, le suicide, roman de Jacques-Etienne Bovard de 1998. Le sujet est d’actualité si l’on s’en tient aux informations de ces derniers jours. Réflexion également sur le "passage à vide" des professeurs. Celui-ci (le narrateur) qui s’interroge, extrait :

"Pas la moindre envie non plus de parler aux amis, qui ne sont à vrai dire que des copains eux aussi parfaits pour les beaux jours. Tous voudront bien l’écouter […] ; mais lequel d’entre eux, passé les "t’as qu’à" et le troisième verre, sera assez subtil pour lui épargner les rituelles facéties sur les privilèges de fonctionnaire, de "planqué" en perpétuelles vacances, avant de retomber à leurs propres soucis, beaucoup plus légitimes que les siens, de surmenés, de séparés, de faillis ?
Le pire dans ce désert, est de retomber sans cesse sur les traces de Flaubert, de Céline, de Ionesco, de tous les grands lucides qui ont laissé leur cendre en lui : farce absurde en effet, grotesque, sinistre que la vie, et à nouveau lui reviennent les élancements d’une migraine, les citations incontestables.
[…]
Lui Aubort, infirme, dérisoire, persiste à dire que le génie qui se borne à constater la défaite n’est pas moins idiot que l’imbécile qui rêve au bonheur, surtout pas moins inconsistant. Et ce n’est pas une citation. Car le sous-con prétend à l’existence, il ose même s’ébrouer dans la revendication de son droit à l’erreur, au recommencement et à la liberté de penser ce qu’il veut !
Et ce qu’il pense, Aubort, en attendant de découvrir la réponse définitive au sens de la vie, c’est que vingt élèves en plein marasme attendent qu’on leur parle, et qu’il a envie de leur parler, quitte à ne rien pouvoir leur dire, quitte à parler seulement pour les écouter… Parce qu’une chose au moins est sûre, c’est qu’on ne protégera personne en se dérobant aux questions que le suicide de Bertrand Fiaugères a posées.
Consignes dictatoriales ou pas, il faut que crève le mur du silence.
Ou de l’hypocrisie… "


Jacques-Etienne Bovard, in Les Beaux Sentiments, pages 92-93.

Une belle découverte que cet auteur. D’autres extraits ici.

J'écris ce que je fais pour me donner l'illusion d'avoir fait quelque chose de mes journées. Mais en fait, il ne se passe rien. Rien qui puisse leur donner un sens.