mardi 25 janvier 2011

Jacques Derrida


NCC : semaine consacrée à Jacques Derrida. Je suis capable d’en entendre parler, voire de l’entendre parler, mais le lire est trop pointu pour moi. Heureusement, Raphaël Enthoven parvient à le mettre à notre portée, du moins à la mienne, le temps de l’émission.
En introduction il présente Jackie Derrida (de son vrai nom) comme un "cas"; cela me rassure sur mon hermétisme à son sujet.
"Il ne s'est jamais senti tout-à-fait légitime, tout-à-fait du sérail, même quand il sera devenu un philosophe éminent, il aura toujours le sentiment d'être le petit gamin d'Alger qu'on a un jour rejeté". (Benoît Peeters).
Ici, Rhapaël Enthoven rebondit avec drôlerie :
- Au fond, il y a deux "sérails". Je ne sais pas si on dit deux sérails, d'ailleurs je n'ai jamais entendu dire deux "séraux"? Les auditeurs corrigeront!
(Il est 10 h 15 et j'éclate de rire en l'écoutant dire cela de sa voix si charmeuse. J'adore quand il fait le niais!).
1) Le sérail universitaire (il est normalien, agrégé...)
2) Le sérail médiatique.
Il m’est arrivé de feuilleter quelques pages des ouvrages de Derrida chez mon libraire mais j’ai vite abandonné l’idée d’aller plus loin. On dit de lui que c’est le philosophe de la déconstruction et de la différance (différer).


Au cours de l’émission d’hier j’ai tout de même retenu et apprécié quelques moments, celui où Benoît Peeters (l’invité de l’émission et auteur d'une biographie de Jacques Derrida) relate l’entretien/débat du philosophe avec Bernard-Henri Lévy et celui où il nous parle de ses correspondances (la lettre ci-dessous a été lue au cours de l’émission, on me pardonnera la ponctuation qui est de mon fait ainsi que le nom du restaurant que j’ai retranscrit phonétiquement, mais sans certitude que ce soit ce nom-là). C’est une lettre sur la mémoire qui ramène à la question de la mort et à la question du deuil. Lettre qui ne m'est pas hermétique et d'autant moins qu'elle est lue par le comédien Jean-Louis Jacopin. C'est toujours étonnant de constater que les êtres les plus compliqués peuvent devenir clairs, simples, dans leur correspondance :

Harvard, Le 27 février 1957.

Il m’arrive très souvent d’être abattu comme par une mauvaise fièvre inconnue, quand je me remets pieds et poings liés à la mémoire. C’est une chose terrible, tellement plus grande et plus forte que nous, qui joue avec notre petite vie du moment. Jamais je ne me sens exister que quand je me rappelle et jamais je ne me sens mourir autant. Et toi je t’aime un peu comme le frère de lait, nourri de cette mémoire, et nourri de cette même mort. Nous mourrons ensemble n’est-ce pas, à tout ce que nous avons aimé ensemble, ou ensemble maintenant, à ce qui n’est que le lendemain.

Je ne veux pas commencer à dire ce que je me rappelle car j’aurais l’air d’avoir oublié le reste et je n’oublie rien. Mais il y a quand même des images qui me sautent au cœur, comme un refrain pour enchaîner les autres :

un soir, après le restaurant l’Easy Mac (Lisimac ?), une lumière et des blues, et un plancher sale dans la turne de musique,
une promenade sur le boulevard Saint Michel avec à la main le Van Gogh que je n’avais pas encore ouvert et qui, maintenant, après la méditerranée a traversé l’océan,
le métro Europe et moi t’attendant devant le lycée Chaptal, en bas, dans l’obscurité, avant d’aller voir Le dialogue des carmélites,
les escaliers noirs du lycée, ceux de la rue Lagrange,
les petits mots sur les portes, toute ces déceptions ;
une promenade sous les arcades de la rue de Rivoli près de la Concorde le jour où je rentrais d’Algérie,
les hésitations au carrefour, and so on and so force, et les poètes anglais.

Tout cela comme les petits signes d’une vie qui les presse, toute entière, toute présente ; tout cela comme un filet dans la mer. Quand je me rappelle de tout cela, j’ai mal, mal. D’abord parce que je me le rappelle tout simplement, ensuite en pensant combien nous sommes séparés et combien nous l’appréhendions.

Lettre de Jacques Derrida à Michel Monory.
Je découvre avec étonnement qu’on peut revoir Le dialogue des carmélites ici.

"Je pense qu'il est impossible aujourd'hui d'être un bon philosophe, sans avoir été déniaisé par Derrida".
Denis Kambouchner.

Bon, pour le déniaisement, je m'en "remets pieds et poings liés" à Anthony Hopkins , je l'ai juste sous les yeux dans Rencontre avec Joe Black!
Un oeil sur le film, un oeil ici, les doigts sur le clavier, l'oreille sur une réécoute des NCC : il n'y a pas que les ados qui peuvent faire plusieurs choses à la fois. Non mais!