samedi 30 juin 2012

Le bonheur d'être soi

C'est formidable Internet!

Je peux presque me croire encore à Evian, dans ma chambre d'hôtel, contemplant le lac en écoutant Espace2, une radio suisse .


Je n'arrivais à capter aucune radio française sur mon mini transistor (j'avais mon ordinateur mais le wi-fi ne fonctionnait pas), tant mieux, cela m'a permis de découvrir celle-ci, et une semaine culturelle sur l'Art brut.

Ce matin, dans L'humeur vagabonde Charles Sigel parle de Jean-Louis Barrault, de Artaud, du théâtre, du mime; c'est passionnant.

Alors, jetant un coup d'oeil sur mon fond d'écran d'ordinateur...


... je me remémore ces matins où, après le petit déjeuner...



... je remontais dans ma chambre et j'écoutais cette radio, avant de partir faire mes balades, après avoir jeté un coup d'oeil sur la presse régionale proposée à l'hôtel : Le Dauphiné libéré, Le Figaro. J'achetais Le Temps en ville; à Evian j'étais un peu en Suisse, je l'achetais déjà à Chamonix, comme une petite mise en bouche de la semaine à venir...



Le titre à la Une me fit sourire : "Une enquête ausculte les ressorts intimes du bonheur d'être Suisse". J'aspirerais pour ma part au bonheur d'être moi, où que je sois et ce n'est pas gagné. Je crois n'avoir connu ce bonheur-là qu'avec toi. Tu m'avais donné cette confiance en moi - qui me rendait heureuse - que je n'ai jamais retrouvée depuis ta mort. Le bonheur d'être soi, pour moi, passe par celui d'être aimé(e).


vendredi 29 juin 2012

Rêverie

Je retrouvais mon quotidien sans enthousiasme : faire les courses, mes repas, ménage et autres corvées pour lesquelles je devenais de plus en plus paresseuse. Je décidais d'aller déjeuner en ville malgré le temps couvert et un ciel laiteux. Je m'asseyais à cette terrasse, le store était baissé au maximum, en cas de pluie. L'air était chaud, le temps orageux. Je commandais une "assiette nordique" et une demi bouteille d'Evian. Ils n'avaient que du Vittel. Tant pis pour eux, je n'en voulais pas et demandais une carafe d'eau. J'avais la migraine depuis vingt-quatre heures.


J'apercevais le manège, lumineux quand il y a du soleil mais terne sous la grisaille.


J'avais envie de retomber en enfance, de me faire dorloter et même d'être malade, pour qu'on s'occupe de moi.


Je regardais autour de moi, il y avait peu de monde sur la terrasse, le serveur débarrassait les tables, les gens viennent déjeuner de bonne heure et puis, ils reprennent le boulot; j'étais arrivée à 13 h 20.
En quittant la terrasse je m'étais attardée sur ce manège. Il n'y avait personne, pas d'enfants, pas de cris de joie, de peur, d'excitation. Ca manquait, comme le soleil.





Antoine de Saint Exupéry, Jules Verne... Le Petit Prince, Le Tour du Monde en 80 jours... J'avais des envies d'enfance... et de voyages, de monter dans l'avion Le Petit Prince. C'était hier.

mercredi 27 juin 2012

Le retour, fin de vacances

Ce matin à l'aéroport.
En voilà une qui saura se débrouiller dans la vie!
Oh mon Dieu qu'elle est mignonne!



Pas de panique!
Le sac à dos est un poids plume rempli d'un vieux chiffon :
son Doudou!


 Maman est bien chargée!

Ouf! Une hôtesse lui prend son gros sac
(je ne pouvais même pas le soulever)!


Pauvres chéries, elles ne sont pas encore arrivées!
Du Finistère à Grande-Terre, c'est un long voyage,
deux décollages, deux atterrissages,
mais elles sont habituées.
Le petit bout de chou a fait son premier vol long courrier à trois mois.
Elle a deux ans et c'est son troisième aller-retour.
Ce sont mes nièce et petite-nièce.
De fortes personnalités, comme leur tante, non mais!
Vivement l'arrivée tout de même, le papa sera là.

lundi 25 juin 2012

***

Quand le tendre est craquant...

dimanche 24 juin 2012

S'il suffisait de voir le soleil et la mer pour aller bien...

Samedi 24 juin.

On s'est donné rendez-vous en bas de chez moi à 13h45.
Je l'attends et j'en profite pour regarder les vieilles pierres de l'abbatiale.



Je me demandais si elle serait dans un bon jour. La voilà qui arrive. Elle va se garer sur ma place de parking, elle prend ses affaires et vient me rejoindre à ma voiture. On s'embrasse. Non, ce n'est pas un bon jour, je le vois tout de suite quand elle me dit :
- Je suis sûre que j'ai oublié quelque chose, j'avais plein de choses à faire que je n'ai pas eu le temps de faire.
Elle fronce les sourcils, elle a l'air perturbé.
- Ne t'inquiète pas, le peignoir et la serviette sont fournis, ton maillot de bain et tes tongs tu les as?
- Oui.
Elle n'a pas besoin de bonnet de bain, elle ne va pas dans la piscine; elle préfère le jacuzzi, le sauna et le hammam pendant que moi je nage ou barbote dans la piscine d'eau de mer.
Nous partons. On ne s'est pas vues depuis plusieurs semaines. Je lui dis que mes vacances m'ont fait du bien mais je n'insiste pas trop. Je culpabilise un peu de dire quand j'ai été heureuse, donc privilégiée, surtout quand elle a l'air triste.
Pendant la route je la laisse parler. Elle ne sourit pas. Peut-être tout à l'heure? J'étais en vacances pour son anniversaire alors je lui offre la thalasso cet après-midi.

Nous y voilà.
Hop, les peignoirs, le vestiaire (quelle chaleur là-dedans). Maillot, tongs, direction la piscine. Elle va dans le jacuzzi où il y a deux jeunes femmes. Je rentre dans la piscine, mmm! elle est trop bonne. Je l'aperçois dans le jacuzzi, je lui fait coucou; elle me regarde sans sourire, elle a même l'air crispé. Bon, je l'oublie un peu, je pense à moi, je me sens bien dans cette eau à 31°. Je trouve un petit canard dans la piscine, je lève le bras et le lui montre, elle est vraiment ailleurs aujourd'hui. Je le montre au maître nageur qui me le prend en me disant : c'est celui du bébé nageur qui est venu avec sa maman tout à l'heure. Un peu plus tard je la vois sortir du jacuzzi et rentrer dans le hammam puis douche puis sauna puis douche. Quand elle a fini je sors de l'eau et la rejoins. Elle a les pommettes rouges, ça lui redonne vie.
Je lui demande si tout va bien :
- On se touchait les pieds dans le jacuzzi me dit-elle, c'est énervant.
Elle n'a pas tort, ils sont petits leurs jacuzzis, je n'aime pas non plus, je n'y vais plus.
- Allons mettre des maillots secs, on se retrouve à la tisanière.
Nous avons un soin toutes les deux une heure plus tard.
Il fait beau, profitons-en pour aller boire notre tisane au solarium.
On s'installe sur les transats.


Je sens qu'elle n'a pas envie de parler. Je lui demande si elle est contente d'aller voir son fiston à la fin du mois?
- Je ne suis plus sûre d'y aller me dit-elle.
Elle se redresse, s'assoit sur le côté, la tête dans ses mains.
- Regarde comme il fait beau, la mer est calme comme un lac. Allonge-toi, regarde.
- Je ne sais pas me détendre.
- Tu t'allonges, tu fermes les yeux, on se tait et tu écoutes le bruit de la mer qui monte et descend. Tu vas voir comme on est bien.
Elle le fait, je l'observe, je garde les yeux ouverts pour voir la baie magnifique. Je pense à Evian, au lac. Je me lève pour faire quelques photos.


Et je la prends de dos, enfin (d)étendue, les yeux fermés.



Je tente sans bruit d'aller la prendre de face mais elle m'a vue et cache son visage. Tout de même elle a souri. Mon transat est derrière, je me planque à l'ombre,  mon dermato m'a interdit le soleil.


Je la prends une dernière fois de dos, elle a ouvert les yeux, s'est étirée, regarde la mer, semble enfin avoir lâché prise.


Elle me dit, sans sourire : on est bien quand même, je te remercie.

Il est l'heure de notre soin.

Au retour, en voiture, je savais que cet après-midi à la thalasso était loin d'être suffisant pour qu'elle aille mieux. Elle m'a parlé du dernier film qu'elle a vu et de ceux qu'elle a envie de voir, de son job où elle a de plus en plus de responsabilités; elle a peur parfois de ne pas être à la hauteur. Son travail lui plaît, elle appréhende d'être un jour à la retraite. Le retour fut moins silencieux mais je ne sais pas pourquoi elle était si lointaine, si indifférente à tout aujourd'hui. C'était une belle après-midi ensoleillée et sombre


Le bonheur est en soi... ou pas.


Dimanche 24 juin.

Pluie toute la journée.
Lecture : Entre Fantoine et Agapa de Robert Pinget (Editions de Minuit). Pas du tout aimé. Je ne resterai pas sur cette déception, j'en lirai un autre.
Commencé une biographie de Paul Gadenne par Didier Sarrou (Collection Silhouettes Littéraires).

jeudi 21 juin 2012

Aux urnes citoyens

En fait, je n'ai pas vraiment parlé de moi ces derniers temps car parler des autres, de ce que je lis, de mes escapades, cela n'est pas parler de mon moi; c'est bien plus gai de parler de ce que je fais plutôt que de ce que je suis.
Mais je vais m'y remettre, tant pis.
En ce moment je vis, du moins j'essaie, comme si je devais vivre encore longtemps, comme si j'en avais envie. D'ailleurs hier,  j'ai envoyé paître au téléphone ma conseillère financière, l'impudente m'appelait pour me proposer un rendez-vous "pour une extension de mon assurance santé pour prévoir mes obsèques".  Oui, je sais, certains y pensent à l'avance à prendre des dispositions. Chère madame, je n'ai pas l'habitude de faire ce qu'on me demande mais de faire ce qui me plaît et en ce moment, il me plaît de croire que j'en ai encore pour pas mal d'années avant d'y aller les pieds devant dans le sapin, euh! dans l'urne. Non mais! J'ai peut-être dépassé l'âge limite de la séduction mais je n'ai pas encore atteint - loin s'en faut - celui de prévoir si mon urne sera en plastique ou en ébène. Tiens, une urne en ébène, ça se fait ça, ça tient chaud l'ébène? Faudra que je me renseigne. Et si on mettait mes cendres dans une coiffe de bigoudène en dentelle. Pfuitt, aussitôt versées, aussitôt envolées.
Ça c'est ce que j'invente lui avoir dit car si je fais comme si... j'espère toujours autant ne pas vivre longtemps, disons pas plus de temps qu'il faut pour me dém...brouiller toute seule!
En fait, pour couper court, je lui ai répondu :
- C'est déjà fait.
- Ah? Vous êtes prévoyante m'a-t-elle dit.

Je lis (suis morte... de rire) :

L'urne peut être faite dans n'importe quelle matière. Pour une immersion dans la mer, elle doit être biodégradable (0_0).

Une urne funéraire peut être de différentes formes, tailles et matières. Il faut savoir que les cendres ne sont pas directement déposées dans celle-ci mais sont d'abord mises dans un récipient appelé "cendrier" qui est ensuite scellé. Ce "cendrier" est ensuite placé dans l'urne à proprement parlé. Tout comme le cercueil, l'urne se choisit en fonction de son emplacement futur.

Généralement, les urnes cinéraires sont faites en porcelaine, céramique, marbre ou albâtre qui sont des matières résistantes au temps mais elles peuvent aussi être métalliques (étain, aluminium, cuivre, acier...)

Conseils

L'urne doit être à l'image de la personne défunte, elle doit lui ressembler. (Hum! Bécassine c'est ma cousine).


C'est à la famille que revient ce choix difficile. Vous pouvez aussi faire appel à votre créativité (¤_¤) ou à celle d'un artiste qui réalisera une urne personnalisée pour le défunt. Il est aussi possible d'ajouter des compositions de fleurs de deuil pour accompagner les urnes. (Oh non, siouplaît, pas de fleurs de deuil).

Tiens, celles-ci sont chouettes,
ce sont presque des coiffes de bigoudènes à l'envers.
 J'hésite entre les trois...
Que propose-t-on à Zurich?

Jenna Kaes, urnes funéraires (sable, sel, terre)

Boudiou! Je vais recevoir plein de pubs des pompes funèbres!

mercredi 20 juin 2012

"Tout ce qui est partiel est une trahison"

J'ai terminé Lettres Choisies de D.H. Lawrence. C'est cru, violent, passionnant, ça secoue et ne laisse pas indifférent. Il m'a amusée, agacée, révoltée parfois. Cependant j'adhère à certains de ses sarcasmes, comme la lettre (ci-dessous) à Dorothy Brett du 8 mars.

"Trop souvent réduit à un livre sulfureux, D.H. Lawrence reste un inconnu célèbre. La lecture de sa correspondance devrait l'arracher aux images toutes faites :
puritain scandaleux, prophète apocalyptique, apôtre préfasciste de la violence ou mystique du sexe, autant d'étiquettes qui ont souvent brouillé son message. A la différence de celles de Joyce ou de Virginia Woolf, ses lettres ont une rare qualité de jaillissement dans leur violence même. Chez un être qui mena toujours une vie de nomade, elles sont l'équivalent du journal qu'il était incapable de tenir et donnent à entendre une voix dans toutes ses dissonances. Que ce soit l'imprécateur féroce qui traite Joyce de "cochonnerie journalistique", le visionnaire aux accents à la fois bibliques et nietzschéens, fasciné par le primitif et hanté par la barbarie, l'utopiste social qui veut construire " une grande architecture d'êtres vivants ", ou le poète de la " conscience phallique ", Lawrence parle ici tout entier dans la moindre de ses phrases, faisant fi des ruses et stratégies, appliquant à lui-même la règle qu'il recommande à Dorothy Brett : "Tout ce qui est partiel est une trahison"."
 
 
A la baronne Anna von Richthofen, 23 février 1924

Hôtel de Versailles, 60 boulevard Montparnasse, Paris
Samedi

[...] Nous étions hier à Versailles. Mais c'est un lieu stupide, si épouvantablement grand et plat, beaucoup trop grand pour le paysage. Non, une telle grandeur - ou taille - ressemble tout simplement à la grenouille enflée, enflée par elle-même, qui veut se faire plus grosse qu'elle n'est, et naturellement elle éclate : Pouf! C'est ainsi qu'était le Roi Soleil* : une lumière bien artificielle. Frieda est terriblement déçue du Petit Trianon de Marie-Antoinette : un palais de poupée, un village suisse de poupée pour opérette. Cette pauvre Marie-Antoinette voulait être si simple et devenir une pauvre paysanne avec son village suisse de poupée et son gentil visage de blonde autrichienne, un peu ordinaire. Finalement, elle est devenue trop simple, sans tête. - Sur le Grand Canal les gens patinaient, deux ou trois personnes, minuscules, transis, sans gaieté, entre ces arbres bien peignés qui se dressent là comme des cheveux, les avenues en guise de raies. Et c'est ça, la grandeur! L'homme est stupide. Naturellement, la grenouille éclate : Pouf! [...]
* En français dans le texte original en anglais.


A Dorothy Brett, 8 mars 1927

Villa Mirenda, Scandicci (Florence)

[...] J'ai terminé mon roman* - il me plaît - mais il est si inconvenant aux yeux des pauvres conformistes imbéciles qu'il ne sera jamais imprimé. Et je ne veux pas faire de coupures. Même mes tableaux, qui me paraissent totalement innocents, je m'aperçois que les gens ne peuvent même pas les regarder. Ils jettent un coup d'oeil et détournent vite les yeux. J'aimerais pouvoir imprimer un tableau qui tuerait tout simplement toute personne lâche et mesquine qui le regarderait. Ma parole, quel massacre! [...]

* L'Amant de lady Chatterley.


A Nancy Pearn, 12 avril 1927

Villa  mirenda, Scandicci, Florence

[...] Je suis dans l'embarras pour mon roman. L'Amant de lady Chatterley. Il est ce que le monde appellerait très inconvenant. Mais vous, vous savez qu'il n'est pas vraiment inconvenant. - Je travaille toujours la même chose : redonner à la relation sexuelle toute sa valeur et son prix, alors qu'elle est honteuse. Et c'est dans ce roman que j'ai été le plus loin. Moi, je le trouve beau, tendre, fragile, comme le moi dans sa nudité - et j'hésite même beaucoup à le faire taper. La dactylo voudrait certainement y faire des retouches. [...]


A Earl Brewster, 28 mai 1927

Villa Mirenda, Scandicci, Florence

[...] Il est inutile que je pense à faire retraite : je me réveille et je sens que je n'en ai pas envie. Je suis fait pour le combat et il faut que je continue. C'est ce que viennent me rappeler ces impudents comptes rendus de la mise en scène de David*. Ils disent que c'était tout simplement ennuyeux. Moi je dis que ce sont des eunuques et qu'ils n'ont pas de couilles. C'est un combat. Toujours le même vieux combat. Caro**, ne me demande pas de prier pour la paix. Je n'en veux pas. J'ai envie, subtilement, mais prodigieusement, de botter les fesses de ces êtres sans couilles. Il y en a tant. Il a pas de couilles***! avions-nous coutume de dire, quand j'étais gosse, de ceux qui avaient peur de dire ce qu'ils pensaient. Il faut leur botter les fesses - leur botter les fesses. [...]

* La pièce de Lawrence avait été montée au Regent Theatre à Londres les 22 et 23 mai 1927.
** "Mon cher" (italien).
*** En français dans le texte original.


A lady Ottoline Morrell, 3 avril 1929

Hôtel de Versailles, 60; boulevard Montparnasse,
Paris XVe.

Ma chère Ottoline,
Votre lettre me trouve ici, où je suis arrivé il y a juste trois semaines pour préparer une édition bon marché de Lady Chatterley afin d'empêcher les ventes d'éditions pirates produites aux États-Unis, et il y en a une autre ici - avec la mention imprimé en Allemagne. Aucune d'entre elles ne vend à moins de 300 frs l'exemplaire - je prépare donc une édition d'un format plus petit, brochée, à 60 frs, pour que tout le monde puisse l'acheter. Les responsables des éditions pirates ont déjà dû gagner deux ou trois milles livres - et moi il ne me reste rien. [...]
Je n'aime pas du tout Paris. Il y a maintenant un monde incroyable, un bruit incroyable, l'air est sale, ça pue vraiment l'essence, et les gens semblent avoir perdu toute vie. Ils ont l'air si fatigué. Les moulins de Dieu continuent à tourner et ils réduiront toutes ces grandes cités en poudre extrêmement fine* : dans la fatigue et l'effort. [...]
Je suis resté une semaine à Suresnes avec Aldous et Maria**, pendant que Frieda était avec sa mère à Baden-Baden. J'avais une petite grippe, attrapée dans cette ville sale, et ils ont été très gentils avec moi, m'ont soigné avec beaucoup de bonté. Humainement, je leur suis vraiment très attaché. Il y a aussi leur autre aspect, l'espèce de friction mentale et nerveuse destructrice que je ne peux supporter, mais ils laissent ça de côté avec moi. En vieillissant, je redoute de plus en plus cette friction nerveuse qui fait que les gens réagissent toujours l'un contre l'autre, en discorde, au lieu de réagir ensemble, en harmonie. C'est si agréable de se sentir tranquille et en paix avec les gens que l'on aime et à qui l'on peut faire confiance. Seulement quelques amis avec qui être en paix, c'est tout ce que je demande. Je ne veux pas d'excitation, d'exaltations ou d'extravagances. Je ne veux même pas qu'on m'aime - c'est si possessif. Mais quelques personnes qui soient vraiment attachées à moi et à qui je sois vraiment attaché, voilà ce que je voudrais. Et bien sûr j'en ai quelques-unes. - J'aimerais que nous vivions plus près les un des autres, vous Philip et nous, je crois que nous pourrions être vraiment amis, avec ce silence qui est ce qu'il y a de mieux dans l'amité. [...]

* Reprise d'un des Epigrammes (1653) du poète allemand Friedrich von Laugau (1604-1655)
** Aldous et Maria Huxley


D.H. Lawrence, in Lettres Choisies, éditions Gallimard, 2001.



lundi 18 juin 2012

***

Deux semaines que je suis rentrée et jour et nuit  j'y pense.
Je ne pense qu'à ça, y retourner et y rester plus longtemps.
Retrouver le quotidien et tout faire pour lui trouver du charme.
Me dire que là où je vis, c'est aussi beau.
De plus ça l'est, d'une beauté plus sauvage.
Tout est beau si l'on sait contempler.
C'est notre regard qui donne à notre environnement sa beauté.

dimanche 17 juin 2012

Le rite

Je sortais de l’école à midi.
Tu travaillais à deux pas.
J’allais t’attendre dans la voiture.
Tu arrivais souriant.
Tu posais un baiser sur mon front et t’installais au volant, direction la maison.
Tu me demandais, connaissant la réponse : c’est le jour de la tarte aux pommes ?
Je te répondais d’un oui gourmand.
C'était un rite.
Nous riions.
Nous étions heureux, d’un rien qui était tout.
Je t'aime papa.



samedi 16 juin 2012

Happy birthday


Lang Lang

"Le pianiste chinois fête ses 30 ans avec un concert géant en compagnie d’un vieil ami, Herbie Hancock.

Né en 1982 à Shenyang, Lang Lang fête cette année ses 30 ans. Et pour marquer ce chiffre rond, le pianiste qui fascine par la flamme et la maestria de son jeu a choisi d’offrir à quelque 10 000 spectateurs, réunis à Berlin au O2 World, un concert exceptionnel accompagné par l'orchestre du Schleswig-Holstein Festival sous la direction de Jahja Ling. Au programme, entre autres, le Concerto n° 1 pour piano en si bémol mineur de Tchaïkovski  (extrait ci-dessous)




et la Rhapsody in blue de Gershwin, adaptée pour deux pianos, et interprétée avec Herbie Hancock. Lang Lang et la légende du jazz sont unis par une vieille amitié et un même amour de la musique.




Autre temps fort : sur l’arrière-scène jusque-là cachée aux yeux du public apparaissent cinquante jeunes pianistes du monde entier, âgés de 7 à 14 ans, assis à vingt-cinq pianos de concert. Ils ont tous été sélectionnés lors du concours pour jeunes talents organisé par Lang Lang avec Telefónica Germany pour jouer ce soir-là avec la star planétaire du clavier. Lang Lang a voulu ainsi encourager ses successeurs potentiels, lui qui mesure la force morale, l’effort et l’abnégation nécessaires pour embrasser une carrière de musicien."

Les "poussins" interprètent La marche militaire pour piano à quatre mains de Schubert qui, du coup, devient à cent mains!





C'était hier soir en live sur Arte. N'en déplaise à ses détracteurs - ils sont légion -, j'écoute Lang Lang et je le regarde comme je croquerais une gourmandise, il est craquant! Il y a trois ans je m'étais déjà régalée de le voir et l'entendre sur la même chaîne, ce que j'en disais était sans doute un peu excessif (il avait dû m'enivrer - rires) mais je ne corrige pas. Hier soir je l'ai trouvé plus réservé, moins exubérant, mais toujours époustouflant. Pourquoi bouder mon plaisir. Pour terminer le concert, Lang Lang a interprété - avec émotion - une musique chinoise de Lu Wen-Cheng. C'est du moins le nom que j'ai compris, cité par le présentateur.




On peut revoir l'émission sur Arte vidéo pendant 40 jours, avec des images correctes!!!
Les  miennes, floues, ne disparaîtront pas, sauf bug!

Et au même moment, Johnny Halliday fêtait ses 69 ans au Stade de France!

Il est 22 h 30 et j'écoute France Culture.  Ce soir, Georges Bataille (50e anniversaire de sa mort). Des textes lus de poésie érotique (carré blanc) et d'autres, philosophiques (Dyonisos, encore lui - voir Nietzsche). En direct de l'Hôtel de Massa, siège de la société des Gens de Lettres!

vendredi 15 juin 2012

Plus je te vois et plus je t'aime, Ô bleu Léman

Vendredi 15 juin.

Météo à Quimper

15 °C
°F ven. sam. dim. lun.

Risques de pluie Risques de pluie Brouillard Brouillard
Nuageux dans l'ensemble
Vent : SO à 24 km/h
Humidité : 82% 16 ° 12 ° 16 ° 12 ° 16 ° 6 ° 18 ° 10 °



15.06.12.
 
Météo à Évian-les-Bains

25 °C
°F ven. sam. dim. lun.

Ensoleillé dans l'ensemble Temps clair Temps clair Temps clair
Couverture nuageuse partielle
Vent : S à 23 km/h
Humidité : 41% 26 ° 15 ° 28 ° 14 ° 27 ° 17 ° 25 ° 16 °


29.05.12.

J'ai envie de déménager!
J'ai ramené la carafe (cadeau de l'hôtel) mais pas le soleil!

Miroir de l'âme, berceau d'une civilisation, le Léman est le lac préféré des poètes romantiques.

«Notre Méditerranée à nous, petite mer intérieure avant la grande.» C.F. Ramuz.

«... la magnificence, la majesté de l'ensemble qui ravit les sens, émeut le coeur, élève l'âme.» J.J. Rousseau.

«Le Léman et sa nappe de cristal, miroir où les étoiles et les montagnes voient reproduire leur image tranquille dans la profondeur de cette eau limpide.» Byron.

 «Ô vieux Léman, toujours le même, Bleu miroir du bleu firmament, Plus on te voit et plus on t'aime, Ô vieux Léman.» Eugène Rambert.

«Ô bleu Léman, amours de tes rivages, Miroir du ciel où tremblent les nuages, De ma patrie ô suprême beauté.» Juste Olivier.

«Quant au Léman, c'est la mer de Naples, c'est son ciel bleu, ce sont ses eaux bleues, et plus encore ses montagnes sombres qui semblent superposées les unes aux autres, comme les marches d'un escalier du ciel.» Alexandre Dumas.

«Cette magnifique émeraude du Léman enchâssée dans des montagnes de neige comme dans une orfèvrerie d'argent.» Victor Hugo.




Mais on peut lire aussi :

"«Toujours les lacs, morceaux de ciel égarés, sur terre, exciteront l'idolâtrie dans les âmes sensibles. Il n'en est point, probablement, qui l'ait fait autant que le Léman, ni qui pût réciter, si les eaux avaient de la mémoire, autant d'hymnes, d'élégies et de romances qui se sont épanchées au bord de ses flots, dans tous les idiomes du monde», ironise Paul Budry dans un texte consacré aux peintres du Léman. L'écrivain vaudois observe que le peintre du lac balance entre deux pôles périlleux, le pittoresque et la féerie. Et estime que seul Bocion a su rendre la poésie du lieu."

(Source L'Hebdo).

Photos, collection particulière, reproduction interdite. Non mais!



François Bocion
Bocion et sa famille à la pêche, 1877
Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne (inv. 250)



mercredi 13 juin 2012

Le trio platonique

Quelques mots sur le film de Liliana Cavani que j'ai visionné le week-end dernier :
Au-delà du Bien et du Mal (Al di là del bene e del male); pour une analyse complète voir ici.
(Avec Dominique Sanda (Lou Andréas-Salomé), Erland Josephson (Fritz, Friedrich Nietzsche), Robert Powell (Paul Rée), Virna Lisi (Lisbeth Nietzsche).

"Résumé : Trois personnes, Paul Rée, un intellectuel allemand, Lou Salomé, sa maîtresse, et Nietzsche, un ami de Paul, tentent l'expérience de faire ménage à trois.
Mais les disputes font bientôt partie de leur quotidien. Lorsque Lou les quitte pour épouser un professeur, Paul se noie et Nietzsche sombre dans la folie."

"Le premier contact visuel avec Au-delà du bien et du mal est une vue panoramique de Rome et du Palais Farnèse. La mythologie classique: les Bacchanales et la représentation d'Apollon et Dionysos sont fondamentaux dans l'analyse du film.
"L'évolution progressive de l'art est le résultat du double caractère de l´ 'esprit apollinien' et de l´ 'esprit dionysien', de la même manière que la dualité des sexes engendre la vie au milieu de luttes perpétuelles et par rapprochements seulement périodiques" - F. Nietzsche, La naissance de la tragédie, p.23
L'idée d'une évolution de l'art chez Nietzsche se base sur la lutte entre deux concepts : l´Apollinien, signifiant l´ordre, l´équilibre, la symétrie, le rationnel, le statique, et le Dionysien associé au désordre, au déséquilibre, à l'irrationnel, au passionnel, à l'exaltation des sens sans le contrôle de la raison. Le premier, identifié avec les arts plastiques; l'autre, avec la musique dépourvue de forme.

Bien qu'opposés, les deux concepts se complètent et se requièrent mutuellement, comme le masculin a besoin du féminin pour engendrer quelque chose de nouveau.

Dans la séquence finale Lou, dans la voiture avec son amant, imagine qu'elle court dans les bois avec Fritz sur un fond musical de Strauss. Comme lors de la danse de la scène précédente, Dionysos a triomphé.

Capture d'écran

Premier plan de Lou fumant un havane et la voiture qui pénètre dans le fourré du bois se mélangeant avec la nature, où les forces primitives luttent, se complètent, se requièrent mutuellement au-delà du bien et du mal."

Scène sublime, l'imaginaire fantasmatique de Lou (et sublime encore Dominique Sanda) : images du couple, son regard et son sourire en disent long sur ses pensées intimes de femme libre et dominatrice. Elle jette un œil vers son nouvel amant, qui paraît insipide... au regard de la scène qu'elle "se joue" avec Fritz, à l'intellect plus séduisant que tout.



Lou et Friedrich par watnews
Vidéo capturée sur l'écran, donc floue comme d'habitude!

Au-delà du Bien et du Mal d´un point de vue deleuzien (extraits).

"Dans son livre "L'image-mouvement" Gilles Deleuze classifie l'image cinématographique dans quatre types différents [...]
Dans Au-delà du bien et du mal prédomine le quatrième type : l'image-pulsion, une image dans laquelle la pulsion de vie -Eros- et la pulsion de mort -Thanatos-, surgissent librement.
Les personnages "se comportent comme des animaux": "ils sont déjà inséparables des comportements pervers qu'ils produisent et encouragent, cannibalesques, sadomasochistes, nécrophiles, etc." (G. Deleuze, L'image-mouvement, p. 185).

Dans cet environnement il n'y a ni règles ni conventions,


Captures d'écran

Celle-ci, même scène, trouvée sur la Toile, sans références.
Moins "animale", plus tendre, cette tendresse du regard (perdu, éperdu) de Fritz (Nietzsche)
que l'on décèle souvent dans le film.

l'érotisme se manifeste dans une forme presque animale, tant dans l'acte sexuel comme dans la bataille entre les deux hommes qui se battent et se mordent (cannibalisme*) comme deux mâles combattant pour leur femelle, ce sont deux boucs dans le sens deleuzien. Ici la morale, les règles n'existent pas, ni les conventions sociales pour déterminer ce qu'est le Bien ou le Mal; ce que nous voyons est l'image pulsion : la pulsion de vie (Eros) et la pulsion de mort (Thanatos)."

* Je pense aussi à cette phrase de Claude Lévi-Strauss : "Nous sommes tous des cannibales. Le moyen le plus simple d’identifier autrui à soi-même, c’est encore de le manger".

"Deleuze fait aussi référence au type de décor naturel, au bois vierge. Quand Lou s'imagine courant dans le bois avec Fritz, les pulsions surgissent librement.
Plus tard Deleuze parle du rôle féminin dans l'image-pulsion: "ce sont elles qui tracent un chemin vers la sortie et qui conquièrent une liberté créatrice, artistique ou simplement pratique: elles n'ont ni honte, ni des sentiments de culpabilité, ni violence statique qui peut se retourner contre elles. " (G. Deleuze. L'image mouvement, p.200)

Dans le film, ce rôle est joué par Lou; elle n'a pas de honte, ni se laisse dominer par les règles de la société, elle vit simplement à sa manière; à une société qui détermine qu'une femme doit se marier et avoir des enfants, elle oppose une forme de vie libérée, de ménage à trois. Elle décide de ne se pas marier ni d´avoir des enfants. C'est le personnage dominant dans le film."

Dans la scène dans laquelle les trois personnages principaux se font prendre en photo, l'intention de L. Cavani est évidemment de placer le personnage féminin "au dessus" du masculin, lui octroyant une force vitale et créatrice supérieure." (Dans la photo originale, Lou est accroupie, moins dominatrice).

Capture d'écran
(La vraie photo ici).



"Dans la scène finale de la voiture, Lou est l'unique qui survit. La pulsion de mort n'apparaît pas en elle, tout en elle est la force d'Eros.

Capture d'écran

Lou apparaît dans la dernière scène avec son ami voyageant dans un chariot, connotant ainsi l'idée du "char triomphal", le triomphe final d'Eros - Femme.

Pour moi on y voit aussi une femme, Lou Andréas-Salomé, qui se veut totalement libre et indépendante,  dans une tentative de vie commune avec Paul Rée et Friedrich Nietzsche, laissant libre cours à ses fantasmes sexuels tout en ne se satisfaisant que de relations intellectuelles avec les deux écrivains-philosophes.  C'est un beau film, pour initiés. De magnifiques images, en clair-obscur, mais aussi quelques scènes très dures... Dominique Sanda excelle dans le rôle avec cette froide beauté.  J'aurais dû la rajouter dans mes stars.
 
 Al di la del bene e del male

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Le voyage en douce
Biographie Dominique Sanda

Erland Josephson, Fritz (Nietzsche) dans le film, acteur fétiche de Ingmar Bergman est décédé le 26 février 2012.