dimanche 25 novembre 2012

"Bien résolue à extraire tout le jus de mon orange" et de mon citron

Le citron est pressé, je n'ai plus rien à dire. Pourtant l'envie d'écrire est toujours là. Écrire quoi? "Il me faut aller fureter çà et là".

Ils sont venus tous les deux hier soir me souhaiter mon anniversaire avec quelques jours d'avance et illuminer mon salon de leur présence. Ce n'était pas une dizaine que nous fêtions et ce beau bouquet était inattendu. Aussi inattendue que cette carte postale arrivée la veille, elle aussi avec quelques jours d'avance et qui a fait boum (auraient-ils tous peur que je n'arrivasse pas jusqu'à la date? Tsss!). Leur impatience me réchauffe le coeur. Reçu aussi une lettre, non un courriel mais qui pour moi avait la saveur d'une lettre, d'un jeune et cher ami. Et pourtant, pourtant... je m'interroge chaque jour davantage sur... ce désir de vivre qui m'abandonne parfois. Chaque jour, se motiver, chaque jour occulter ses douleurs, chaque jour défier le miroir, chaque jour se raccrocher à quelque chose de beau et cela ne manque pas (en faisant un effort). Alors pourquoi tant de questions?

Qu'est-ce qui a marqué cette semaine passée?
. La pluie et le vent : lundi, mardi, mercredi.
. Mercredi soir au théâtre : Le Banquet ou l'éloge de l'amour d'après Platon.

C'est le récit d'une célèbre soirée qui a lieu chez le bel Agathon. Pris par le délire de la philosophie, l'hôte et ses invités décident de rendre hommage à Éros : chacun prononce un éloge de l'amour. Ils s'allongent sur des lits, boivent et parlent avec la plus grande liberté de l'amour et de la beauté. C'est alors qu'Alcibiade, ivre et épris de Socrate, vient troubler la soirée...

Je savais le penchant de Socrate pour la beauté des jeunes garçons mais je ne m'attendais pas à voir Agathon dans son entière nudité sur scène. J'avais bien fait de venir [rires], le jeune homme était fort beau! l'interprétation du texte (respecté) excellente. Bonne soirée donc. J'ai entendu en sortant deux messieurs en parler et l'un dire à l'autre : "j'ai été déçu" et l'autre de répondre : "ouais, à voir au second degré".
Pour ma part j'ai seulement envie d'occulter les quatre premières minutes et les quatre dernières où la mise en scène pour le coup était assez risible : les  deux adonis (Agathon et Alcibiade) enlacés torse nu dansant un slow, Phèdre et Pausanias de l'autre côté s'envoyant en l'air; le comique Aristophane esseulé, le tout sur une musique de discothèque! Laissant Socrate à sa réflexion contemplative. Ce sont les seules minutes étranges avec cette musique incongrue.  Le spectacle dure deux heures, donc oublions ces minutes-là. 

. Jeudi : golf parce qu'il faut bouger. Et là c'était plutôt : comment tenir sur mes jambes pendant le swing avec un vent déco...rnant! Épuisant.

. Vendredi : épreuve de l'attente d'un bus trente minutes quand on sort de chez l'ophtalmo - où on a passé son après-midi -, qu'on ne voit plus clair, qu'il pleut des cordes et qu'à 17 heures trente impossible de trouver un taxi!

. Samedi, hier (voir au début).

Après la soirée où je ne sentais pas vraiment le poids d'une année supplémentaire - je n'ai plus besoin d'attendre les dates pour me sentir des semelles de plomb -, après les bulles de champagne,  Virginia Woolf ne pouvait pas me faire de mal :

Dimanche 29 décembre 1940

Il y a des moments où les voiles tombent. Alors, étant grand amateur d’art de vivre et bien résolue à extraire tout le jus de mon orange, hop ! je m’envole, telle une guêpe, si la fleur sur laquelle je suis posée se fane ; ce qui s’est produit hier. Je suis allée à vélo à travers les collines jusqu’aux falaises. Des rouleaux de fils barbelés courent tout le long. Après cette bonne friction, mon esprit a retrouvé sa vigueur sur la route de Newhaven. De vieilles demoiselles chichement vêtues faisaient leurs achats d’épicerie sur cette route déserte bordée de petites maisons, sous la pluie. Newhaven est mutilé. Mais fatiguez le corps, et aussitôt l’esprit se met en sommeil. Tout mon désir d’écrire ce journal est retombé. Quel est le bon antidote ? Il me faut aller fureter çà et là. Je songe à Mme de Sévigné. Faire en sorte qu’écrire soit un plaisir quotidien. Chesterton reste muet. Leslie fait entendre sa voix. Avons eu les Anrep à déjeuner. Je déteste l’âpreté de la vieillesse ; que je sens en moi. Je grince. Je suis aigre.

Le pied moins prompt à fouler la rosée du matin,
Le cœur moins sensible aux émotions nouvelles,
Et l’espoir, un soir piétiné, moins vite ne renaît.

Je viens en fait, d’ouvrir Matthew Arnold d’où j’ai recopié ces vers [tirés de « Thyrsis »]. Ce faisant, il m'est apparu que si j'aime ou si je déteste tant de choses aujourd'hui d'une façon fantaisiste, cela tient au fait que je me sens de plus en plus détachée de la hiérarchie, du patriarcat. Lorsque Desmond fait l'éloge d'East Coker et que je suis jalouse, je vais me promener dans le marais en me disant : moi, c'est moi, et je dois suivre ce sillon sans en copier un autre. Voilà quelle est l'unique justification de mon travail et de ma vie.
Comme nous apprécierons tout ce que nous mangeons maintenant! Je compose dans ma tête des menus imaginaires.

Virginia Woolf, in Journal intégral 1915-1941.

Ben voilà! J'ai écrit; il reste encore du jus dans le citron. Hum!

jeudi 22 novembre 2012

***

Dites, quand tout sera terminé,
Pensez quelquefois à cet amour qui m'étouffait,
Et s'il m'arrivait une lettre
Venez vite me l'apporter :
Je l'ai attendue toute ma vie.

Marc Alyn, Liberté de voir, éd. Terre de Feu. Extrait de Je dois mourir.

mardi 20 novembre 2012

***

Photographie dans les musées

Résolution

• Considérant que le plaisir de la visite d'un musée passe par l'appropriation de l'oeuvre éventuellement par la photographie personnelle et que celle-ci participe de la démocratisation culturelle,

• Considérant que c'est une totale méconnaissance de l'expérience de la visite et de ses évaluations pédagogiques que de la priver de la capture d'un souvenir,

• Considérant que la photo sans flash n'altère en aucune façon scientifiquement prouvée la qualité des oeuvres d'art,

• Considérant que la jurisprudence et les meilleures analyses juridiques démontrent qu'on ne peut interdire au citoyen de photographier des oeuvres appartenant à la domanialité publique pour un usage privé,

La Fédération Française des Sociétés d'Amis de Musées demande, au nom de ses adhérents, que l'interdiction de photographier les collections dans les musées soit abandonnée.

Votée à l’unanimité en Assemblée Générale Aix-en-Provence - 2 avril 2011

__________________________________

FFSAM – 16-18, rue de Cambrai – 75019 Paris

T. 01 42 09 66 10 / info@amis-musees.fr / www.amis-musees.fr

lundi 19 novembre 2012

Le réel, le désir


"Le réel n’a jamais intéressé personne dit Baudrillard. Ce qui est sûr c’est que, si un objet réel peut être tenu momentanément pour intéressant ou désirable, il perd tout intérêt et tout attrait dès lors qu’il a la bonne, ou plutôt la mauvaise fortune de tomber dans votre épuisette. Devenu vôtre et concret, on en a plus rien à faire. Il serait évidemment erroné de considérer cette allergie au réel, cette déception à l’égard de ce qui devient banalement réel, comme une constante nécessairement attachée à la condition humaine. Car il arrive que certains se satisfassent du fruit qu’ils mangent, lui découvrent même parfois davantage de goût auquel ils s’attendaient ; mais ce sont là dit-on des inconscients ou des malades. Il existe néanmoins – et pour tous les hommes – des désirs dont la satisfaction est impossible. Mais la satisfaction ne manque véritablement à l’appel que lorsque le désir se porte sur un objet lui-même manquant, comme dans le cas de la passion amoureuse, et d’ailleurs de toute passion."

Clément Rosset, in L’invisible, éditions de Minuit, 2012.

J'écoutais ce texte la semaine dernière, puis les quelques mots de Raphaël Enthoven à ce sujet :

"La déception n’existe, face au réel, que pour celui qui, parce qu’il prend ses désirs pour des réalités, demande à la réalité de correspondre au désir qu’il en a. Or, elle n’y parvient jamais tout à fait. C’est le grand paradoxe schopenhauerien : vouloir ne plus vouloir, désirer ne plus désirer. C’est un désir qui ne trouve la paix que dans la suppression de lui-même. C’est un désir métaphysique. Le désir se suffit à lui-même, le désir est une pulsion, le désir nous porte plus qu’il ne nous tire."

Je pensais ensuite approfondir le sujet mais je n'en ai pas eu l'envie? le désir? le courage? Écouter suffisait à mon plaisir alors pourquoi rajouter mes pensées, ma réflexion à ce que j'avais entendu. Je n'aspire moi aussi qu'à "une vie de sensation" (cf. John Keats) pour les années qui me restent à vivre et laisser ma pensée en vacance (=vacante). Je sais pourtant que je n'y arriverai pas; une vie contemplative ne me suffirait pas ou seulement quelques heures : comme cette mouette, juste regarder la mer,  sentir son odeur, le bruit des vagues sur les rochers, face à l'île de Sein sur la falaise de la Pointe du Raz, hier, éprouver une jouissance à ce spectacle.


Clap 2e : La publicité est un viol.



Quelques photos de la Pointe du Raz, plus belle sous la tempête (on peut en découvrir  sur la Toile) mais hier c'était le calme plat sous un ciel bleu. La météo annonçait - comme d'habitude pour le Finistère - un dimanche pluvieux. Ah ah! Tsss!





 Une oeuvre d'une grande beauté, en marbre de Carrare,
du sculpteur Cyprien Godebski (1835-1909), réalisée à la fin de sa vie en 1904
(à la suite de la mort de son fils au Tonkin).
La mouette a posé pour moi, évidemment!


Et au retour, le port d'Audierne au soleil déclinant.
C'est cette lumière que j'avais sous les yeux en écoutant dans ma voiture
des extraits de l'Ethique de Spinoza, à l'heure du Gai Savoir.
Oui, les "pensées" reprenaient le dessus sur les "sensations".



Pourtant plus loin, sur la route, les couleurs de l'automne sous le soleil rasant continuaient de m'éblouir, je devais rester vigilante et ne pas attarder mon regard sur un vol d'étourneaux qui traversaient le ciel. Plus de pensées, enfin, mais une sensation forte, un frisson... de bonheur? Je n'avais - à ce moment-là - aucun désir de vivre autre chose que la réalité exaltante de cette journée.

samedi 17 novembre 2012

***


« Ô qu'on me donne une vie de sensation
plutôt qu'une vie de pensée! »
John Keats



mercredi 14 novembre 2012

Tendresse, Silence, Désarroi

Hier matin j'écoutais un auteur,  Aliocha Wald Lasowskiparler de son livre Les larmes musicales. Il racontait pourquoi telle musique le faisait pleurer et donnait l'exemple de Scènes d'enfant de Schumann. Pour Philippe Sollers c'est en écoutant Haydn que les larmes lui vinrent "celui qui fait signe au moment du plus grand silence"

"Dans Les larmes musicales, Aliocha Wald Lasowski se demande : quel est ce ravissement qui dépossède l'auditeur ? Où naît la vague qui le submerge, le touche, l'emporte ? Pourquoi pleurer ? A quel état d'abandon cède le sujet à qui les larmes viennent aux yeux ? Le livre raconte l'histoire des larmes musicales, à travers les philosophes qui pensent avec l'oreille (Nietzsche, Gide, Lévi-Strauss, Barthes et Derrida)"

Il arrive que les larmes me viennent aussi en écoutant telle musique mais cela dépend beaucoup de mes états d'âme, de mes pensées à ce moment-là. La même musique peut m'arracher des larmes si mes pensées sont tournées vers des êtres chers et une autre fois - non pas me laisser insensible - simplement apaisée.

Hier soir j'ai regardé un film merveilleux, d'une poésie rare. Je suis plutôt heureuse en ce moment, donc vulnérable - disons que rien ne m'attriste - et pourtant je n'ai cessé de pleurer en le regardant, peut-être parce que je sais que le bonheur est fragile et parce que le moindre effleurement de tendresse - comme dans ce film à travers des regards et dans le silence - me chavire. Je ne me suis pas encore remise de la dernière image où l'on voit l'enfant dans la forêt au pied d'un arbre où il se réfugie pour vivre son chagrin. La caméra reste longtemps sur ce plan : silence et désarroi de l'enfant.




Le film : Miel, film turc de Semih Kaplanogdu.

Aujourd'hui c'est ce ciel qui m'a éblouie. J'aurais pu l'appeler le ciel d'Alcyon de Nietzsche.

L'Odet et le mont Frugy, Quimper



samedi 10 novembre 2012

Solitude et Silence

Je reviens donc sur ce que j'avais noté mardi en écoutant les NCC dans l'émission consacrée à Henry David Thoreau et à son ouvrage Walden ou la Vie dans les bois.

"Le roman raconte la vie que Thoreau a passée dans une cabane pendant deux ans, deux mois et deux jours, dans la forêt appartenant à son ami et mentor Ralph Waldo Emerson, jouxtant l'étang de Walden (Walden Pond), non loin de ses amis et de sa famille qui résidaient à Concord, dans le Massachusetts."

L'étang de Walden

"Un lac est le trait le plus beau et le plus expressif du paysage.
C'est l'œil de la terre, où le spectateur, en y plongeant le sien,
sonde la profondeur de sa propre nature. »

— Chapitre IX, "Les étangs"


 Reconstitution de la maisonnette de Thoreau



« Je possède ainsi une maison recouverte étroitement de bardeaux et de plâtre,
de dix pieds de large sur quinze de long, aux jambages de huit pieds,
pourvue d'un grenier et d'un appentis, d'une grande fenêtre de chaque côté,
de deux trappes, d'une porte à l'extrémité, et d'une cheminée de briques en face. »

— Chapitre I, "Économie"

Crédit photos et légendes : Wikipédia.

"Je pense qu’il est salutaire d’être seul la plupart du temps. Être en compagnie même avec les meilleurs des hommes est bientôt lassant et dégradant. J’aime être seul. Je n’ai jamais trouvé de compagnon qui fut d’aussi agréable compagnie que la solitude. La plupart d’entre nous se sentent plus solitaires quand ils sortent pour se mêler aux autres que lorsqu’ils restent dans leur logis. Un homme qui pense ou qui travaille est toujours seul, où qu’il soit. La solitude ne se mesure pas par miles de ce qui sépare un homme de ses frères. L’étudiant vraiment diligent dans l’une de ces rues surpeuplées du Collège de Cambridge est aussi solitaire qu’un derviche dans le désert. Le fermier peut travailler seul dans les champs ou dans les bois tout le jour, sarclant ou coupant son bois, il ne se sentira pas solitaire parce qu’il est occupé ; mais lorsqu’il rentre chez lui le soir, il ne peut rester assis seul dans une pièce livré à ses pensées, il a besoin de s’en aller là où il peut, voir des gens et trouver récréation et récompense – selon lui – pour sa journée solitaire. Aussi, il se demande comment l’étudiant peut rester assis seul dans sa maison toute la nuit, et presque tout le jour, sans s’ennuyer, sans mélancolie ; mais il ne se rend pas compte que l’étudiant, quoique dans sa maison, est toujours au travail dans son champ à lui, il taille son bois comme le fermier dans le sien ; et à son tour cherche à se divertir en société comme l’autre, bien que ce soit peut-être sous une forme plus condensée."

Henry D. Thoreau, in Walden ou la Vie dans les bois. (Texte lu dans l'émission).

Walden ou la Vie dans les bois n'est ni un roman ni une véritable autobiographie mais une critique du monde occidental, le récit d'un "voyageur immobile" narrant sa "révolte solitaire".
Thoreau prône un art de vivre fondé sur l'écoute de soi, ce qu'il nomme le  "matin intérieur", proche d'un état d'innocence.
Le sujet m'intéressait vivement, évidemment.

Thoreau évoque les effets positifs de la vie solitaire et proche de la nature. Il aime être seul : "Je n'ai jamais trouvé de compagnon qui fut d'aussi agréable compagnie que la solitude", expliquant qu'il n'est jamais seul tant qu'il est proche de la nature. Il estime qu'il est inutile de rechercher en permanence le contact avec le reste de l'humanité.

Au cours de l'émission j'entends une musique étrange de John Cage : Song Book. Un inconnu pour moi. J'ai eu envie d'en savoir plus sur cet artiste qui considérait Thoreau comme son Maître.

"Si la musique, reste son mode premier d’expression, Cage la rejette en tant que langage syntaxiquement et harmoniquement constitué. Il replace la pratique de l’art musical, support de toute activité humaine et de toute discipline artistique, dans la position originelle, primitive de l’écoute du Silence, ou plutôt des « bruits du Silence ». Car le Silence, au sens de négativité n’existe pas plus pour Cage qu’il n’existe pour ses deux Maîtres, Henry David Thoreau ou Mallarmé. Le Silence est un continuum sonore, « creux néant musicien », dont l’écoute doit permettre l’avènement d’une « happy new ear », régénération de l’oreille moderne, assourdie par « le bruit et la fureur » du monde, et présider au surgissement des sons fondateurs d’une nouvelle musique."

Étonnante son approche du silence en musique : 4'33''

"Le morceau a été interprété par David Tudor le 29 août 1952, au Maverick Concert Hall de Woodstock dans l'État de New York, en tant que partition de musique contemporaine pour piano. Le public l'a vu s'asseoir au piano, et fermer le couvercle. Après un moment, il l'ouvrit, marquant ainsi la fin du premier mouvement. Il réitéra cela pour le deuxième et le troisième mouvement. Le morceau avait été joué et pourtant aucun son n’était sorti. Ce que voulait son auteur, c’est que quiconque qui aurait écouté attentivement aurait entendu du bruit involontaire. Ce sont ces bruits imprévisibles qui doivent être considérés comme étant la partition de musique dans ce morceau. Ce dernier demeure encore controversé à ce jour, et est vu en tant que provocation de la définition même de la musique :

« […] les gens ont commencé à chuchoter l’un à l’autre, et certains ont commencé à sortir. Ils n’ont pas ri – ils ont juste été irrités quand ils ont réalisé que rien n’allait se produire, et ils ne l’ont toujours pas oublié trente ans après : ils sont encore fâchés. »

La longueur de 4'33" est en fait désignée par pur hasard. Et c'est ce temps qui donne son titre à l'œuvre.

Cependant, bien qu’aucune preuve ne vienne avancer la théorie suivante, il semblerait que Cage ait choisi cette longueur de manière délibérée. En effet, la durée de quatre minutes et trente-trois secondes équivaut à 273 secondes. Cette valeur peut faire référence à - 273 degrés Celsius, soit le zéro absolu (température négative en degrés Celsius équivalent à 0 kelvin) où aucun mouvement ne peut se faire. Signe de la volonté d’atteindre le point mort d’où aucun son ne peut provenir.[réf. nécessaire]
Une autre théorie, provenant du philosophe et spécialiste de John Cage, Daniel Charles, indique que 4'33" pourrait être un ready-made à la Marcel Duchamp du fait que John Cage se trouvait en France lors de l'année de composition de l'œuvre et que sur les claviers de machines à écrire en AZERTY le 4 correspond au signe « ' » et le 3 au signe « " »."

Source Wikipédia.

On trouve sur You Tube de nombreuses "interprétations" de 4'33''.

Pour tenter de comprendre "la pensée" de John Cage quelques extraits d'une étude plus complète ici :

La pensée de John Cage : expérimentation et poésie.

Le silence fonctionnel

"Pour Cage, le silence est avant tout une recherche de la neutralité contre toute influence. Bien loin de se replier vers une forme de renoncement face à ses responsabilités, l'acte de se taire devient alors un atout pour le compositeur. Le silence possède alors une fonction : celle de laisser dire ce qui doit être dit. Comme une fenêtre ouverte sur la nature, il permet la prise de conscience de l'altérité. Le silence offre sa transparence à l'oreille de l'auditeur.

a - Silence générateur

Pour John Cage, aucune hiérarchie ne peut être faite entre la musique, le bruit et le silence. Ce dernier fait donc partie intégrante de l'œuvre d'art. Rien ne doit être négligé et tout phénomène donne lieu à l'épanouissement d'une forme de vie, même le silence.

Mais un silence n'est jamais parfait. Il est coloré par les bruits ambiants qui, puisque toute classification ordonnée est rejetée, ne sont pas moins intéressants pour le compositeur. La musique n'est-elle pas « un jeté de son dans le silence » ?

Pour les poètes orientalistes, la dualité silence-son semble s'inverser. Les civilisations occidentales définissent souvent le silence comme l'absence de son et non le contraire. La musique peut contenir des silences. Par contre, pour le monde oriental, le silence est une sphère et le son ne peut se comprendre que comme une bulle à sa surface.

Cette relation entre l'occident et l'orient dans la pensée de John Cage prend notamment sa source au XIXème siècle avec la découverte des recherches de Henry David Thoreau, poète et essayiste américain (1817-1862). Il fut l'inspirateur de Gandhi par son Essai sur la désobéissance civile (Essay on Civil Disobedience) datant de 1849. Redécouvert également par les contestataires des années 1960, les écrits de Thoreau représentent un élément important pour la compréhension de la pensée cagienne. Mais la fréquentation par Cage de la philosophie orientale et du mode d'appréhension du monde par l'orient ne résident pas seulement dans la lecture de Thoreau. Le compositeur a voulu aborder le Zen dans sa pratique quotidienne.

b - Zen

A la fin des années 40, John Cage s'initie au bouddhisme Zen avec le maître Daisetz Suzuki.

L'une des caractéristiques du bouddhisme est la recherche du silence. Préciser cette notion éclaire avec évidence l'attitude de Cage face à la musique. Le compositeur ne se définit pas comme un stoïcien qui suspendrait son jugement devant tout événement comme Marc Aurèle ou Epictète. Faire le silence à l'intérieur de soi, ce n'est pas se retirer du monde, mais, au contraire, c'est libérer son énergie dynamique dans le but d'avancer, de se transformer soi-même.

L'inactivité, le statisme extérieur ne constituent donc pas un retrait stérile, mais donnent lieu à un éveil de la conscience comme source d'élévation intérieure.

Toute considération d'élévation pourrait par ailleurs faire penser à une transformation de l'artiste en une sorte de génie romantique en-dehors de la norme, au-dessus de ses contemporains. Il n'en est rien. Avec fermeté, Cage se prononce contre la sacralisation de l'artiste et de l'œuvre d'art.

Poursuivant la recherche d'un art rejetant toute expressivité personnelle, toute subjectivité et tout sentiment, Cage invente un art qui n'implique pas, mais qui laisse les choses arriver, sans oublier le but de la philosophie Zen : permettre à chacun de se transformer de l'intérieur."

Et voilà comment en écoutant une émission sur Henry David Thoreau j'ai découvert John Cage, sans préméditation mais pas sans perplexité!

"La perplexité est le début de la connaissance"
Khalil Gibran.

jeudi 8 novembre 2012

Détritus inamovibles et amovibles

Règle 13.
Balle dans un obstacle : Actions interdites.
La balle doit être jouée où elle repose, sauf exceptions prévues par les règles.
Sauf exceptions prévues par les Règles, avant d'exécuter un coup sur une balle qui est dans un obstacle (bunker ou obstacle d'eau), le joueur ne doit pas :
a. Tester l'état de l'obstacle ou de tout autre obstacle similaire,
b. Toucher le sol dans l'obstacle avec sa main ou un club, ou
c. Toucher ou déplacer un détritus reposant dans l'obstacle ou le touchant.

Règle 14.
Frapper la balle.
La balle doit être frappée franchement avec la tête du club et non poussée ou cueillie.
Un joueur ne doit pas exécuter un coup en acceptant une aide ou une protection contre les éléments.




Donc là, si je veux sortir ma balle - en explosion - du bunker,
je vais m'en prendre plein la binette ou mon club va rester planter dans le caca! 
Le green est derrière le râteau!
Merci bien (je l'ai déplacée et je l'ai perdue au trou suivant).



Celle-là  n'a pas été facile à jouer non plus sans prendre de châtaignes!
J'avais le droit de déplacer les feuilles et châtaignes
mais sans toucher la balle ni la faire bouger.
(Balle orange).

Aujourd'hui pas de lapin mais un chat sur le green! Ce golf est très fréquenté...



... mais peu de joueurs, à l'heure du déjeuner.


mercredi 7 novembre 2012

La baraka

Entendu ce matin après l'élection de Barack Obama :
"C'est le Tiger Woods de la politique".
Cette fois pourtant il a préféré le basket au swing pour se détendre.



"A 16h (21h, heure française le 6.11.12) c’est l’heure du basket pour Barack ! Obama, qui passe la journée de l'élection dans son fief de Chicago (Illinois, nord), s'est rendu dans un complexe sportif de la ville, "Attack Athletics" pour jouer avec des collaborateurs et des amis. Le président sortant joue toujours au basket le jour d’une élection, pour évacuer le stress mais aussi par superstition."

Prêt pour un second mandat!



mardi 6 novembre 2012

"Montrez-moi une seule blessure sur terre guérie par l'amour"

9 h.
J'ouvre ma boîte mail. Rien, que des indésirables.
Ah si, la médiathèque m'avertit que c'est le dernier jour pour rendre les livres empruntés : Lettres à Louise Colet de Flaubert et L'usage de la photo de Annie Ernaux (et Marc Marie). Pas aimé du tout ce dernier; j'ai failli ne pas le terminer, j'ai voulu aller jusqu'au bout de ce livre écrit "à quatre mains". J'aime pourtant cet écrivain et tout ce que j'ai lu d'elle. Après lecture, j'ai lu quelques avis sur la Toile, tous positifs. Tant pis -ou tant mieux - je maintiens ma déception.
Par la fenêtre, un désirable : le ciel bleu.
Petit déj. Pas envie d'écouter les infos. Le silence.

10 h.
Les NCC, je prends quelques notes, on y parle justement du silence, de la solitude avec une analyse des textes de Thoreau. C'est passionnant, j'y reviendrai...

11 h.
Le ciel toujours aussi bleu, pas un nuage. Ce serait bien d'aller au golf à l'heure du déjeuner, il n'y aura personne. La pause déjeuner est sacrée en province; je suis restée parisienne. Allez, j'enfile un pull à col roulé, il ne fait que 10° et j'y vais.

11 h 45.
Personne au départ, personne à l'horizon. Le pied. Les fairways sont humides mais pas détrempés, les greens ne sont pas interdits donc pas gelés. Je porte mon sac avec seulement trois clubs et un putter. Après neuf trous j'enlève un pull, la marche, le soleil m'ont bien réchauffée, je redémarre un deuxième neuf trous.
Le golf m'appartient, il est 13 heures, je suis la seule joueuse. Bonheur. Je pense à Thoreau, au sauvage solitaire, au silence. Un parcours de golf est loin d'une nature sauvage mais tout de même, en longeant la forêt sur les trous 4 et 5 j'entends les oiseaux, je sens l'odeur de l'herbe, des feuilles, de la terre humide, je me tords les pieds sur les châtaignes. Je longe le talus, j'ai raté mon coup, je ne vois pas ma balle mais soudain je m'arrête : un jeune lièvre ou lapin (il avait de grandes oreilles) près du talus. Je ne bouge plus, je le vois de dos mais il semble me regarder de son oeil gauche. J'ouvre la fermeture éclair de mon sac tout doucement pour prendre mon appareil de photo et pfuitt, la peluche s'enfuit. Zut! C'est la seconde fois que je voie un lapin sur ce trou. Il ressemblait à celui-ci, en moins gros :


De retour à la maison à 14 heures, je meurs de faim. Je déjeune, j'allume la télé : je tombe sur une opération de la mâchoire. Au secours! Je l'éteins. Je repense au petit lapin. C'était divin ce non-déjeuner au golf.

Un peu de repos avant d'aller rendre mes bouquins.

17 h.
Médiathèque. Emprunté un Jim Harrison : Lettres à Essenine et un Romain Gary : Charge d'âme.
Colum McCann rend un bel hommage à Jim Harrison pour ces Lettres ici. Je crois avoir fait un bon choix pour mon premier ouvrage de Jim Harrison. Essenine, poète soviétique fut "le chantre de la révolution d'Octobre" et l'époux de la danseuse américaine Isadora Duncan. Pour Charge d'âme je ne sais pas si mon choix est bon : conte philosophique ou science fiction? De toute façon, le jour où je serais déçue par un ouvrage de Gary il fera nuit!
En attendant, la lumière sur l'Odet en cette fin d'après-midi était magique.

Il n'aura manqué qu'une chose à cette journée pour qu'elle fût merveilleuse. Elle fut seulement formidable, ce n'est pas si mal.

"Hier soir j'ai bu une flasque d'alcool à cent degrés en regardant une photo de ma soeur. Morte depuis dix ans. Montrez-moi une seule blessure sur terre guérie par l'amour. J'ai donné une livre de boeuf à ma chienne mourante et je l'ai enterrée heureuse dans la cour de la grange."
Jim Harrison, in Lettres à Essenine.

dimanche 4 novembre 2012

Sur votre tombe...

... je ne suis pas allée. Comme d'habitude. 

Samedi, en regardant ces chrysanthèmes éclatant de lumière, c'est à toi, à vous mes chers disparus, que je pensais. Je souriais. Je regardais le reflet des  bouquets dans la rivière et j'espérais une apparition : vos visages, une voix? Je n'ai rien entendu, rien vu d'autre que ce que j'avais sous les yeux : la beauté du ciel, la délicatesse des arcs sous le pont, le contraste des couleurs, tout cela me faisait jouir d'un bonheur fugace.
Je pensais aux morts, j'étais en vie et peut-être même : vivante.

Pont Max Jacob, Quimper

samedi 3 novembre 2012

***

Je jette un oeil sur les programmes de télé ce soir.

Sur France 3 :

Caroline Proust interprète Madeleine (°_°)
dans La République des enfants.

"Eat or die"

Cette parution lors de la rentrée littéraire 2012
a suscité de nombreux entretiens avec l'auteur
dans son fief du Montana.
(Lire l'article de Macha Séry dans Le Monde sur Grand Maître).
J'ai déjà dit ici ce que je ressens quand j'écoute cet homme.

Jim Harrison, un ours dans sa tanière


«Je suis un homme de l’aube et du crépuscule»

«A 40 ans, j’ai réalisé que ceux que j’aimais pouvaient mourir; il fallait que je devienne un écrivain, pas de compromis, avec rien, fuck tout le reste.».

«Quand j’avais 25 ans, mon père et ma sœur sont morts dans un accident de voiture; j’ai été très dépressif pendant de longues années et, quand vous êtes dans cet état, vous vous foutez de mourir. Maintenant, je ne pense pas trop à ça, parce que je suis vieux, tout le monde sait que les vieilles personnes meurent.»

«Sur mon lit de mort, je me moquerai de quoi j’aurai l’air dans le miroir ou devant les autres, mais je me remémorerai avec plaisir la petite cuillère plongeant sans bruit dans le kilo de béluga.»

«Eat or die» est devenu sa devise.

Il vient d’une «famille pauvre qui lisait beaucoup», et aime René Char, Camus, Dostoïevski, Faulkner, Joyce… Il a épinglé les portraits de certains de ces écrivains sur le mur de son bureau, dans sa grande maison de bois bleue. Il y a aussi des dessins de truites et des photos d’oiseaux. Ce passionné de chasse et de pêche ne peut plus se promener. Il lui reste son esprit errant, lui qui «n’a pas d’autre don que [son] imagination». Sur une étagère, une photo de lui et Linda. Lui, ventru, elle, les traits délicats, la quarantaine prospère, ils sont ivres et dansent. Voilà plus de cinquante ans qu’ils vivent ensemble. Il a écrit: «Dans le mariage, j’ai trouvé un ancrage sur terre. J’étais trop nu pour survivre autrement et j’ai découvert de quoi me vêtir dans ce rituel quotidien de l’amour.» Parfois, elle le recoiffe, lui glisse: «How are you?» d’une voix douce et voilée. «C’est un amour romantique. On est tombés amoureux quand on avait 19 et 20 ans, on s’est mariés, et on s’est fait une vie agréable. Cela dure parce que l’on fait attention à l’étiquette, on est aimable [«kind»] l’un pour l’autre.» Est-ce suffisant? «Elle n’est pas autoritaire, moi non plus, on aime les mêmes choses, on est tous les deux obsédés par la bouffe, on cuisine ensemble.»

Plus il vieillit, plus il adore remplir ses romans de lubricité. Mais il croit «à un grand amour». «Je n’ai jamais imaginé vivre sans Linda.» Il a choisi d’habiter en pleine nature, d’abord dans le Michigan dont il est natif, aujourd’hui l’été dans le Montana et l’hiver en Arizona, avec elle. Pour la garder, aussi.

Extraits tirés de l’article de Charlotte Rotman, LE TEMPS, rubrique Culture.