jeudi 28 février 2013

Coup de coeur




Che Guevara le 5 mars 1960, photo Alberto Korda

"Korda raconta ainsi l'instant historique. Il était photographe pour le journal cubain Revolución le 5 mars 1960 quand il prit le fameux cliché lors des funérailles des victimes du sabotage du bateau La Coubre  :

« Je me trouvais à quelque huit-dix mètres de la tribune où Fidel prononçait un discours et je tenais à la main un appareil muni d'un court téléobjectif, lorsque je vis le Che s'approcher de la balustrade près de laquelle se tenaient Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. »
« Moi, je mitraille systématiquement tous ceux qui entourent Fidel. J'ai l'œil vissé sur le viseur de mon vieux Leica. Soudain surgit du fond de la tribune, dans un espace vide, le Che. Il a une expression farouche. Quand il est apparu, au bout de mon objectif de 90 mm, j'ai eu presque peur en voyant la rage qu'il exprimait. Il était peut-être ému, furieux, je ne sais pas. J'ai appuyé aussitôt sur le déclic, presque par réflexe. Et j'ai "doublé" la prise mais, comme toujours, c'est la première qui était la meilleure. Il n'est resté que quelques instants et je n'ai pris que ces deux uniques photos. Elles ne sont d'ailleurs pas d'une netteté extraordinaire parce que je n'ai pas eu le temps de faire une bonne mise au point. »
(Wikipédia).


Le Musée d’art et d’histoire du judaïsme à Paris expose la fameuse "valise mexicaine" de négatifs de la Guerre d’Espagne de Robert Capa, David Seymour dit Chim, et Gerda Taro. Ces films ont disparu pendant 70 ans et ont été retrouvées au Mexique il y a 5 ans, bien après le décès de leurs auteurs, tous les trois morts sur des champs de bataille. Lire la suite ici.




La « valise mexicaine » a déjà été exposée à l’ICP de New York, à Arles, à Bilbao, à Madrid et à Barcelone.

La Valise mexicaine, Capa, Taro, Chim, Musée d’art et d’histoire du judaïsme,
Hôtel de Saint-Aignan, 71 rue du Temple, Paris 3e
Ouvert du lundi au vendredi de 11h à 18h et le dimanche de 10h à 18h (le mercredi jusqu’à 21h)

mardi 26 février 2013

Misogyne et pingre


Pierre-Auguste Renoir, Jeune fille pensive...


Chère mademoiselle,

J’ai bien reçu vos deux lettres de mars où vous vous plaignez de mon silence, et vos deux lettres d’avril où vous vous offrez à moi. Vous voyez que je vous ai lue et si j’ai bien compris vous souhaitez de vous donner à moi.
Laissez-moi vous dire chère mademoiselle que cette idée ne me paraît pas heureuse. J’ai une physiologie un peu particulière. Je ne désire :
a) Que des filles âgées de moins de vingt deux ans.
b) Que des filles passives, végétales.
c) Que des personnes longues et minces, avec le cheveu couleur aile de corbeau.

Vous voyez que vous n’êtes pas du tout dans les conditions requises et qui sont absolument sine qua non. Quels que soient vos attraits sur lesquels je ne m’étendrai pas, vous les connaissez trop bien, je ne me sens pas capable de répondre à un désir pourtant si honorable pour moi. La nature, la misérable, resterait sourde à mes appels et comme on dit : on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. Je vous mets en garde aussi contre votre croyance au pouvoir du désir et de la volonté, vous savez mon opinion sur la maladresse des femmes, une de ces maladresses me paraît être leur foi dans l’efficacité de l’insistance. Je ne doute pas qu’il y ait des hommes avec lesquels cela réussisse, mais je suis de l’espèce opposée et je vous dis : non, jamais !

Allons, courage, croyez bien que je suis de grand cœur avec vous dans votre épreuve mais, aussi pourquoi vous acharner sur moi quand le monde est plein de messieurs à multiples avantages dont vous feriez le bonheur. Vous battez contre moi comme un oiseau contre la vitre d’un phare. Vous ne briserez pas cette vitre, vous vous briserez contre elle et vous tomberez au pied du phare.

Au revoir chère mademoiselle. Vous me conserverez votre amitié n’est-ce pas, sans rancune, vous savez que je suis voué à ce qu’on me pardonne tout.

Bien à vous.

P.S.- Vous n’avez pas affranchi suffisamment votre dernière lettre, c’est la quatrième fois au moins que ça vous arrive et cela est fatal, avec les feuillets compacts que vous m’envoyez. Ainsi je dois payer une surtaxe exorbitante, vous devriez acheter un pèse-lettre.

Henry de Montherlant, in Les Jeunes Filles. (Lettre de Pierre Costals à Andrée Hacquebaut)

Lettre lue par Philippe Petit au cours de l'émission les NCC la semaine dernière consacrée à Simone de Beauvoir et, ce jour-là, à son essai : Le deuxième sexe. Dans cet ouvrage Simone de Beauvoir s'en délecte de cette lettre.  C'est à mourir de rire. Quelle femme n'a jamais rencontré un Pierre Costals? A fuir de toute urgence! J'étais une très jeune fille lorsque j'ai lu  Les Jeunes Filles de Montherlant, je m'en suis régalée, c'est jubilatoire, comme cette lettre!

"Montherlant et les femmes.

On a aussi montré que d’innombrables femmes s’éprirent passionnément de cet « ennemi des femmes », qualifié de misogyne affichant un « goût pour les valeurs viriles et fraternelles » par l'Académie française. Force est de constater que s'il les avait réellement détestées, il aurait coupé court au plus vite. Au contraire, toutes ces femmes restèrent en contact avec lui durant vingt, trente ans. Il recevait d’elles de nombreux courriers, sortait avec elles, les aidait à rencontrer éditeurs et imprimeurs, allait au concert, au restaurant ou se promenait en leur compagnie dans Paris ou en province telles que Elisabeth Zehrfuss, Jeanne Sandelion, Alice Poirier, la Comtesse Govone et Banin. Il ne faut pas oublier ses voyages avec la poétesse Mathilde Pomès et avec la professeur et critique Marguerite Lauze. C’est cette dernière, qui fut sa compagne durant trente ans, qui fut désignée comme son unique héritière (avec son fils J-C Barat) depuis 1952. Il existe également des témoignages selon lesquels Montherlant aurait eu deux fils.

Montherlant analysera la psychologie féminine dans les quatre romans qui forment le cycle romanesque des Jeunes Filles et qui seront vendus à des millions d'exemplaires, grâce au public féminin."

(Source Wikipédia)



lundi 25 février 2013

Des mots... et des êtres

J'écris, je raconte ici ce que je fais, ce que je lis, ce que j'écoute, avec de moins en moins de mots, de plus en plus d'images, de vidéos. Les mots restent de plus en plus enfouis. Mon Je est trop narcissique m'a écrit ce matin un "ami". Je l'ai toujours su. Oser dire Je sans l'être me paraît difficile. J'écris, non je raconte et de manière boulimique en ce moment. J'évacue ainsi le temps de la pensée... et de la solitude. Mais je sais aussi traverser le miroir et aller voir ailleurs ce qui se passe. 

Vendredi dernier j'ai vécu quelques minutes - presqu'une heure - de bonheur. Je prenais vers 16 h 30 un thé dans un café (l'inverse serait curieux). Une jolie femme, la belle cinquantaine, à deux tables de la mienne, buvait une bière de belle couleur ambrée dans un beau verre. Est arrivé un homme, grand, cheveux blancs, de fière allure, d'un âge certain mais je n'aurais pas eu l'idée de dire : un vieil homme et encore moins un vieillard. Il s'est assis près de ma table, il a commandé un jus de tomate. Le garçon revient avec son jus de tomate et l'homme lui dit : j'attends ma femme, nous étions chez le coiffeur mais pour les femmes c'est plus long... En effet, il venait de se faire rafraîchir. Il me regarde et me dit : vous n'avez pas besoin d'aller chez le coiffeur madame. Je ne savais pas si c'était un compliment ou pas, je penche plutôt pour le "pas" et je lui ai répondu en souriant : je n'y vais pas souvent. La conversation était entamée, il était très bavard. J'ai posé mon journal, j'aurais dû le cacher, un gratuit, quelle horreur, lui, a posé sur la table le Monde qu'il avait sous le bras. La jolie femme le regardait aussi en souriant comme une invite à converser, ce qui n'a pas tardé. Le vieil (puisque maintenant je le sais) homme avait envie de parler et avait sans doute senti que nous serions des interlocutrices attentives et avenantes. Il avait 93 ans et était fier de nous le dire. Comme il avait raison! Nous avons commencé à parler de l'endroit où nous étions, de ce café historique, de l'hôtel Max Jacob au-dessus, du nouveau décor très kitch dont nous nous sommes moqués, des tableaux sur les murs. La jolie femme, parisienne (je l'aurai parié) de passage, était venue voir l'exposition sur les Estampes japonaises au Musée Départemental Breton. Cet homme était extrêmement vif d'esprit pour son grand âge et j'étais curieuse de savoir s'il était né ici pour connaître aussi savamment l'histoire de cet endroit mais aussi parce que je le trouvais bien plus ouvert que les gens que je croise habituellement dans cet établissement. Je lui pose la question, il n'en fallait pas plus pour qu'il se mette à nous raconter sa passionnante vie... professionnelle : il était journaliste. Curieuse et culottée (je savais bien que non, c'était une évidence) je dis : à Quimper? Non madame, à Paris à Combat. La jeune femme : c'était le journal de Camus? Oui madame. Moi je me souvenais de Maurice Clavel et de son "Messieurs les censeurs bonsoir!" lors d'un débat en 1968.


J'abrège un peu, la conversation s'est prolongée avec Camus qu'il aimait passionnément, Sartre et "la" Beauvoir (je riais dans ma barbe) qu'il détestait, j'osais lui dire que j'avais passé la semaine avec elle sur France Culture, avec les NCC. Il m'a regardé et un instant je me suis dit : ça y est, il ne va plus vouloir me parler, mais non. A vrai dire je n'avais pas envie de le contrarier, il était épatant.  Puis nous avons parlé de littérature, il nous citait des écrivains que nous ne connaissions ni elle ni moi, du journalisme d'aujourd'hui, des journalistes qui ne savent pas écrire, de leurs fautes de français, une honte, évidemment "ils n'ont fait ni grec ni latin", de la Une "racoleuse" du Nouvel Observateur de la semaine, qui le faisait frémir et de bien autre chose...
Puis son épouse est arrivée, un visage souriant : ah! tu as encore embêté avec ton bavardage lui dit-elle en nous voyant.
C'était un enchantement ai-je répondu.
Il était temps que je rentre, je les ai salués, il s'est levé de son siège élégamment pour me dire au revoir, avec un regard chaleureux, j'ai souhaité un bon retour à la parisienne - chaleureuse aussi - qui allait regagner sa maison de vacances à quelques kilomètres.

93 ans! Ça me réconciliait avec la vie, moi qui ai moins peur de mourir que de vieillir... mais je savais que cette réconciliation serait fugace. 

dimanche 24 février 2013

Quand tu aimes il faut partir

Matinée avec... L'humeur vagabonde 

(Freddy Sauser)

Quand tu aimes il faut partir
Quitte ta femme quitte ton enfant
Quitte ton ami quitte ton amie
Quitte ton amante quitte ton amant
Quand tu aimes il faut partir

Le monde est plein de nègres et de négresses
Des femmes des hommes des hommes des femmes
Regarde les beaux magasins
Ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre
Et toutes les belles marchandises

II y a l'air il y a le vent
Les montagnes l'eau le ciel la terre
Les enfants les animaux
Les plantes et le charbon de terre

Apprends à vendre à acheter à revendre
Donne prends donne prends

Quand tu aimes il faut savoir
Chanter courir manger boire
Siffler
Et apprendre à travailler

Quand tu aimes il faut partir
Ne larmoie pas en souriant
Ne te niche pas entre deux seins
Respire marche pars va-t'en

Je prends mon bain et je regarde
Je vois la bouche que je connais
La main la jambe l'œil
Je prends mon bain et je regarde

Le monde entier est toujours là
La vie pleine de choses surprenantes
Je sors de la pharmacie
Je descends juste de la bascule
Je pèse mes 80 kilos
Je t'aime

Blaise Cendrars, Feuilles de route, 1924




Blaise CENDRARS sur les traces d'Amédéo MODIGLIANI à Montmartre
- 17/12/1953 - 10min12s

"Blaise CENDRARS part à la recherche du souvenir de MODIGLIANI dans le quartier de Montmartre. Visite du Bateau Lavoir. Atelier d'Edmond HEUZE, ancien atelier de UTTER où a vécu MODIGLIANI. HEUZE et CENDRARS évoquant leurs souvenirs. Les deux hommes se promenant rue Cortot. Atelier de Suzanne VALADON (EXT) / Jardin en friche. Jean VERTEX se joint aux deux hommes pour parler de Modigliani et d'autres souvenirs. Façades restaurant de "La mère Catherine", "Le chalet de la Butte, "L'abreuvoir" et autres bistrots."

J. Vertex :
- Et quand on pense que des hommes comme Modigliani, comme Chaudois* surtout, se sont suicidés... car Chaudois s'est suicidé dit-on.
B. Cendrars :
- Suicidé? Il s'est peut-être suicidé.
J. Vertex :
- On l'a retrouvé au Barrage de Puteaux un jour, quant à son malheureux ami Modigliani, il s'est suicidé lui aussi, pas de la même manière**; on ne l'a pas retrouvé dans la Seine, mais...
B. Cendrars :
- Dans tous les bistrots des quais*,... (je n'ai pas réussi à comprendre les derniers mots de Cendrars dans la vidéo).
* 26.02 : un lecteur bienveillant vient de me préciser la fin de la phrase de Cendrars :
"Dans tous les bistrots des quais, et dans les flots d'alcool." (Il a l'ouïe plus fine que moi:)) et, je le crois).

* "Grièvement blessé en 1914 et atrocement défiguré, Chaudois fut une légende de Montmartre chez qui Leprin se réfugia en 1923. Leprin avait une absolue confiance en cet ancien chimiste doté d'une intelligence et de vivacité d'esprit."[...] Chaudois fut également protecteur de Maurice Utrillo".

** "D’une santé fragile dès sa jeunesse, Modigliani meurt de la tuberculose après avoir mené une vie tourmentée. En effet, le peintre était aussi connu pour ses tableaux que pour ses excès d’alcool et de drogue, qui l’ont fragilisé et conduit à cette fin prématurée. Il avait 35 ans."

"On dit que j'ai 30 ans, mais si j'ai vécu trois minutes en une, n'ai-je pas quatre vingt dix ans...?"
Amédéo Modigliani.
 


Portrait de Blaise Cendrars par Modigliani, 1917.

samedi 23 février 2013

QUELQU'UN... d'intransigeant

"J'écris comme je me parle.
Le ton est vital."
Robert Pinget

Robert Pinget présente son livre Quelqu'un
LECTURES POUR TOUS - 01/12/1965 - 08min05s
Samuel Beckett par Robert Pinget
LE CERCLE DE MINUIT - 23/06/1997 - 02min56s

"Robert Pinget parle de Samuel Beckett, avec beaucoup de chaleur, de leur amitié. Beckett, très amical, chaleureux, au coeur magnifique et d'une érudition extraordinaire, Robert Pinget a beaucoup admiré sa conscience professionnelle à trouver chaque mot, très exigeant. Beckett avait horreur du mensonge dans la vie et d'un caractère intransigeant, il est mort tout doucement comme ses personnages... dans cette pension, minable."

Parce qu'il aimait Samuel Beckett et Robert Pinget
parce qu'il les admirait, parce qu'il leur ressemblait,
 ces vidéos pour accompagner... "un coeur magnifique".

vendredi 22 février 2013

***




Pierre Rigal un régal

Hier soir au théâtre, elle était assise devant moi après avoir vérifié le numéro de son fauteuil. J'ai eu le temps d'apercevoir son visage, naturel, sans maquillage, ses cheveux retenus par une grosse pince lui donnait l'air sérieux. La salle se remplissait rapidement, en dix minutes elle fut comble. La lumière a commencé à décliner, le spectacle allait commencer. Alors elle a ouvert la pince de ses cheveux, a secoué légèrement la tête, l'a penchée sur le côté et la longue chevelure soyeuse s'est déployée. Ensuite elle a glissé ses doigts sur le dessus du crâne pour dégager son front. Quelques secondes ont transformé ce chignon sérieux en une masse de sensualité.

Place au spectacle!

"Etres étranges et futuristes, venus d’une planète hors du temps et de l’espace, ils vont se livrer - sous nos yeux et ceux des scientifiques à l’origine d’une mystérieuse expérience- à un ballet des relations humaines. S’aimer, se détester, se rapprocher, se détruire, se relever et reconstruire l’harmonie du groupe. Quelle est donc cette logique intrinsèque qui pousse les hommes à se faire la guerre pour ensuite se relever? Vaste sujet, question qui reste en suspens, sans autre réponse que les corps des danseurs engagés sur le plateau dans cette mécanique implacable, ce cycle absurde du vivre ensemble et de la haine."
(Claire Hazan)

Une pièce pour 9 danseurs coréens.
Crédit Photos : Sungjin Jun


Cliquer pour agrandir





C'était grandiose : mise en scène, chorégraphie et musique (j'en ai oublié mes acouphènes!). Les danseur(se)s coréens : grâce et énergie.


Je savais que je ne serai pas déçue, ma jubilation fut aussi vive que lors de mon premier spectacle de Pierre Rigal (presque trois ans déjà).


"Depuis plusieurs années, mon travail chorégraphique se situe à l'intersection de différentes formes comme le théâtre de mouvement, la danse, l'acrobatie, les arts plastiques et audiovisuels ainsi que la musique synthétique ou acoustique. Cette recherche d'intersection m'a conduit à mettre en scène des acteurs-danseurs au profil différent. [...] Mon passage à Séoul en Corée du Sud en 2010 et mon travail pédagogique au sein de la Korea National Contemporary Dance Company m'ont permis de découvrir la richesse technique et la créativité de nombreux danseurs coréens. L'énergie et la vitalité de ces personnes ont aiguisé mes désirs."
(Pierre Rigal).


En visionnant cette vidéo je me dis que l'écran ici est très réducteur de ce qu'on peut ressentir en voyant réellement les artistes sur scène, en chair et en sueur!

mercredi 20 février 2013

"Les jeux des enfants ne sont pas jeux" (Montaigne)

Photos du jour.

Enfance : histoire sans paroles.









mardi 19 février 2013

Les Las de vivre



Samedi j'écoutais une émission sur la RTS : deux heures sur la vie du peintre Ferdinand Hodler. Une exposition lui est consacrée en Suisse, à Bâle à la Fondation Beyeler. Après cette écoute j'ai eu envie de faire quelques recherches et j'ai trouvé intéressante cette vidéo :
Stéphanie Guerzoni témoigne de ses rapports avec le maître. Elle fut la seule femme parmi les élèves de Ferdinand Hodler, en 1914.  Elle revient notamment sur les relations difficiles entre Hodler et une certaine élite genevoise et sur l'attention méticuleuse qu'il portait à l'art du dessin.



Dans cette vidéo on voit deux plans sur Hodler. J'ai eu un choc, c'est fou comme tu lui ressemblais et tu aurais pu avoir ce visage si ta barbe avait eu le temps de blanchir et toi, de vieillir.



Captures d'écran




Et celle-ci, crédit photo ici 



Gertrud Müller posant dans le jardin de l’atelier de Ferdinand Hodler
Anonyme 28,5 x 31,5 cm Winterthour S.S.P © Fotostiftung Schweiz, Winterthur

Je me suis attardée sur ses autoportraits que je n'aime pas beaucoup. J'ai du mal avec les autoportraits de peintres, à part ceux de Rembrandt que je trouve sublimes... Cependant celui-ci me plaît; j'aurais envie d'écrire dans une bulle en voyant son regard : Foutez-moi la paix!

Ferdinand Hodler (1853-1918)
Autoportrait dit Autoportrait parisien, 1891
Huile sur panneau - 29 x 23 cm
Genève, Musée d’Art et d’Histoire,
dépôt de la Fondation Gottfried Keller en 1914
Photo : Musée d’Art et d’Histoire /
Bettina Jacquot-Descombes


En fait ce qui m'a donné envie de faire des recherches sur Hodler c'est d'entendre, au cours de l'émission, parler de son oeuvre : Les Las de vivre qui font partie d'une trilogie (Les Ames déçues, Les Las de vivre, L'Eurythmie). Ce titre Las de vivre me parlait, terriblement. Je n'avais pourtant ce samedi pas encore appris la nouvelle reçue le dimanche :

"Madame, je suis au regret de vous faire part de la triste nouvelle du décès de notre ami commun, Dominique Chaussois.

Cordialement,"

("Notre ami commun". Mais non! Un ami au sens où je l'entends, on sait comment il va, on lui vient en aide s'il va mal, on va le voir, le toucher, l'embrasser, le serrer dans nos bras, et même si l'on ne peut rien faire pour changer le cours de son désespoir, on est là, présent, physiquement! Je ne savais rien de cet homme en dehors de son blog que je lisais chaque jour. Je pensais bien que derrière les commentaires, les siens, derrière son humour, il y avait une dérision, une mélancolie. D'ailleurs je ressentais tellement cette mélancolie dans ses billets que je ne commentais plus depuis longtemps, ne pouvant me complaire dans l'humour des commentaires qui ne correspondait pas à ce que je ressentais.  Mais je n'avais pas pensé qu'il y avait une détresse telle, qu'elle le mènerait à cela.**)



Les Ames déçues

Les Las de vivre

Eurythmie

Hodler a souvent peint des vieillards. Sa cote est aujourd'hui astronomique : plus de quatre millions de francs suisses pour l'un des paysages chez Christie's en 2002 !

Il est considéré essentiellement comme un peintre symboliste et il a inventé le parallélisme qu’il définit comme la répétition de formes, de couleurs semblables et qu’il considère comme étant une loi de la nature. Il s’agit en fait du parallélisme entre l’art et la nature.

Mais je n'avais et n'ai pas l'intention de faire un  cours sur Ferdinand Hodler, une idée d'en parler m'entraîne ailleurs. Ma propre lassitude sans doute m'a menée vers ce "tryptique". Chemin faisant j'ai découvert des oeuvres moins angoissantes et plus lumineuses comme  Bleu Léman, ou l'étonnant Regard dans l'infini.

Je termine avec ce tableau de Ferdinand Hodler, je l'aime particulièrement, qu'on ne me demande pas pourquoi. En peinture comme en musique, je déteste commenter.
Je l'aime./

Wetterhorn, 1912.
Huile sur toile 65 x 88,5 cm

** J'ai écrit ce passage ce matin en complément de ce billet commencé samedi.
Des hommages à Dominique Chaussois ont été rendus ici, pour ceux que je connais, et sans doute ailleurs :

(Celui-ci n'est plus d'actualité. Rajout du 30.04.2016)


(Celui-ci non plus).


lundi 18 février 2013

Respirer, oublier, vivre

Il faut que j'écrive rapidement ici, n'importe quoi, pour échapper à mes interrogations existentielles. Dérision des blogs et... de ce que j'écris. Derrière l'écran, des êtres de chair et de sang. L'écran comme bouée de sauvetage? Pour se noyer il n'y a pas mieux! Mes pensées se bousculent au portillon depuis hier et, cette tristesse d'une disparition.

La journée était ensoleillée, lumineuse, il ne fallait pas sombrer, cesser de cogiter, j'ai regardé le ciel au lieu de regarder ma balle, j'ai joué comme un pied mais je respirais... j'oubliais*... je vivais.

En rentrant, ces "fumées" dans le ciel qui me ramènent toujours vers toi, mon "fumeur de havanes".


Hier j'ai planté ces rouges-gorges en tôle dans un pot, ça c'est du concret. Vont-ils attirer les vrais piou-piou?


* On n'oublie jamais...

dimanche 17 février 2013

Hommage

C'est dimanche, un beau dimanche ensoleillé et je viens d'apprendre la nouvelle.
Je suis bouleversée.
Dominique Chaussois nous a quitté.
Je n'étais pas fidèle pour commenter ses billets mais j'étais une fidèle lectrice.  Le contenu de ses billets m'importait plus que les commentaires qu'ils suscitaient.
Je m'inquiétais ces dernières semaines, ces derniers jours de son absence, pressentant une mélancolie, mais pas un instant je n'ai pensé qu'il pouvait nous avoir définitivement quitté. Il y a dix jours il répondait encore à un commentaire...

Je récuse l'appellation de "virtuels" pour parler des relations , des échanges via les blogs. Nous choisissons nos blogs et par là leurs auteurs, parce que nous les aimons.

Mes sincères condoléances à sa famille, ses proches amis qui ne me connaissent pas.

Pour lui, là où il est, une phrase de cet auteur qu'il aimait :

« Les mots sont une vie indépendante de notre raison. Jouer avec eux nous révèle un monde étrange qui pourtant est le nôtre. »

Robert Pinget, Monsieur Songe.

On meurt donc aussi sur la Toile c'est bien la preuve que l'écran est vivant. Non? Naïve je suis, naïve je resterai! Il est de ceux dont j'aurais aimé croiser le chemin...

samedi 16 février 2013

"C'est quoi être naturel dans un monde d'artifices?"

Hier soir vu la deuxième partie du Regard Aveugle de Fayçal A. Bentahar.

La première partie m'avait touchée : beauté des images, des personnages et du regard généreux du cinéaste.
Moi aussi j'aime "le petit cinéma" surtout quand il est Grand.
Émotion, des séquences magnifiques : beauté du carreleur philosophe; la conversation sous l'arbre "aux oiseaux", la solitude de l'aveugle "musicien"... les couleurs de la terre marocaine... il y a tant à dire.

La seconde n'a fait que conforter mes premières impressions.
Je ne saurai pas en parler savamment et puis tout est simplement beau.
Mais c'est déjà trop dire que d'en parler. Le silence s'impose, place au regard... ouvert. Film lumineux.


(Cliquer pour agrandir)

"Un jeune vidéaste tangérois, traverse une période de spleen et manque d'inspiration, suite à une rupture sentimentale. Remettant en question son désir même de filmer sa propre ville, il va être poussé par des amis à retourner au Sud, plus précisément à Agdz, un village de la Vallée du Drâa, où jadis le tournage d'un premier film autour d'une fille aveugle, vira à l'échec.

Voyage incertain, ouvert, s'écrivant au fur et à mesure d'un devenir hasardeux, ce retour s'avère pourtant un cheminement où la rencontre avec sa propre solitude, la nature et l'amitié des autres devient, et pour son regard, et pour son désir de cinéma, rédemptrice, bien que sous un angle tout à fait imprévu..."


Fayçal A. Bentahar a mis en ligne gracieusement Le Regard Aveugle... pour le plus grand plaisir des yeux :

Fraction 1
Fraction 2

"La beauté est vérité, la vérité beauté" (Keats)

vendredi 15 février 2013

***

Plus envie de faire aucun effort, d'aucune sorte.
La coupe est pleine.

jeudi 14 février 2013

Lire aux cabinets (suite)

Bien vu Chevillard :

"Têtes grises ou blanches (rousses quelquefois, mais on ne me la fait pas) seules moutonnent désormais dans les rangs des théâtres et les auditoires des rencontres littéraires… Quelques marées encore et il n’y aura plus que des crânes qui tintent dans des gradins de catacombes."

Eric Chevillard, L'autofictif, post 1829.

Voilà l'auteur que je lis au waterre (0_0), je n'invente rien. Ben oui, il ne faut pas se prendre la tête ("grise ou blanche ou rousse") au Petit Coin. Tsss!

Vestiges...

... d'une Saint Valentin à Jersey, 14 février 1978!



You're Mine
To my Love
Love is Lovely


(Celle-ci sans flash pour voir les inscriptions)

Aujourd'hui, ils sont dans mes cabinets [Rires].

mercredi 13 février 2013

Il faut se laisser aller!

Hôtel
Cabinets avec vue...
... sur le lac!
Au petit-coin place à la méditation, à la rêverie, à l'introspection.



"Le fait que vous lisiez tel genre de littérature aux cabinets et tel autre ailleurs devrait être lourd de sens pour le psychiatre. Le fait même que vous lisiez ou que vous ne lisiez pas aux cabinets devrait être lourd de sens pour lui. On ne parle malheureusement pas assez de tels problèmes. On estime que ce que chacun fait aux cabinets ne regarde que lui. Il n'en est rien. Cela concerne l'univers tout entier."
4e de couverture.
Henry Miller, in Lire aux cabinets, éditions Allia.



J'ai emprunté ce charmant ouvrage - minuscule, 50 pages - à la bibliothèque. En note à la fin du livre :

"Lire aux cabinets ("Reading in the Toilet") constitue le chapitre 13 des Livres de ma vie (The Books in my life), publié originellement à New York (New Directions) en 1952 et traduit en 1957 aux éditions Gallimard. "Ce livre a été un échec en Amérique, mais je l'aime beaucoup. J'avais même l'intention d'écrire un deuxième tome", confia Miller (Flash-Back, Stock, 1976). Ce second volume, qui aurait rassemblé des textes sur Gilles de Rais, Céline, la pornographie, etc. ne vit jamais le jour."

Extraits :

" Il existe  un aspect de la lecture qui vaut, je crois, qu'on s'y étende un peu, car il s'agit d'une habitude très répandue et dont, à ma connaissance, on a dit bien peu de choses... je veux parler du fait de lire aux cabinets. Quand j'étais jeune garçon, et que je cherchais un endroit où dévorer en paix les classiques interdits, je me réfugiais parfois aux cabinets. Depuis ce temps de ma jeunesse, je n'ai plus jamais lu aux cabinets. Quand je cherche la paix et la tranquillité pour lire, je m'en vais dans les bois. Je ne connais pas de meilleur endroit pour lire un bon livre que dans les profondeurs d'une forêt. De préférence auprès d'un torrent.
[...]
D'après ce que j'ai pu glaner au cours de conversations avec mes amis intimes, ce qu'on lit aux cabinets,  c'est presque toujours de la lecture futile. Ce que les gens emmènent pour lire aux cabinets, ce sont des digests, les magazines illustrés, les feuilletons, les romans policiers ou les romans d'aventure, tout le rebut de la littérature. Il paraît qu'il y a des gens qui ont une étagère avec des livres dans leurs cabinets.
[...]
Je crois que c’est le moment de placer un conseil sûr. Si vos intestins refusent de fonctionner, allez consulter un médecin herboriste chinois ! Ne lisez pas pour distraire votre esprit de l’opération en cours. Ce qu’aime le système autonome, et ce à quoi il répond, c’est à une concentration profonde, que ce soit sur le fait de manger, de dormir, d’évacuer, ou de ce que l’on voudra. Si vous ne pouvez pas manger, ou si vous ne pouvez pas dormir, c’est parce que quelque chose vous préoccupe. Vous avez quelque chose « dans la tête », autrement dit, là où il ne faudrait pas. La même chose vaut pour la selle.  Débarrassez votre esprit de tout ce qui n’est pas l’affaire en cours. Quoi que vous fassiez, abordez-le avec un esprit libre et une conscience nette. C'est un conseil vieux comme le monde, mais sûr. La méthode moderne c'est d'essayer plusieurs choses à la fois, afin "d'utiliser son temps au maximum", comme on dit. C'est une méthode profondément malsaine, contraire à l'hygiène et inefficace. Il faut se laisser aller! "Occupez-vous des petites choses et les grandes se feront d'elles-mêmes."
[...]
Si chaque instant de la vie est tellement précieux à vos yeux, si vous tenez absolument à vous persuader que la portion de sa vie que l'on passe chaque jour aux cabinets n'est pas négligeable - certaines personnes préfèrent "w.-c." ou "Petit Coin" à cabinets - alors demandez-vous au moment où vous vous saisirez de votre lecture favorite : est-ce que j'ai besoin de ça? Pourquoi?
[...]
[...] recouvrir les murs du waterre comme disent les Français, avec des tableaux. Comme c'est agréable, reposant, calmant et instructif, tandis que l'on répond à l'appel de la nature, de laisser son oeil errer sur quelques chefs-d'oeuvre choisis de l'art!"

Un moment délicieux que cette lecture, trop brève et qui me donne envie d'aller lire les autres chapitres de son, Livres de ma vie, mais pas dans mes cabinets!



dimanche 10 février 2013

La saveur et le savoir

Le Gai Savoir.

Sujet du jour :

Noces d’Albert Camus.

« Ici même, je sais que jamais je ne m’approcherai assez du monde. Il me faut être nu et puis plonger dans la mer, encore tout parfumé des essences de la terre, laver celles-ci dans celle-là, et nouer sur ma peau l’étreinte pour laquelle soupirent lèvres à lèvres depuis si longtemps la terre et la mer. »
Albert Camus, in Noces.

"Noces est le plus beau texte de Camus, le plus léger, le plus dense, le plus chatoyant et le plus profond. Faut-il que cet homme ait du génie pour avoir commencé son oeuvre par un texte qui en est aussi le dernier mot ! Faut-il adorer la vie pour mêler à ce point la saveur et le savoir... Mais est-ce en nous le sage ou l’adolescent qui aime tant ces textes et leurs sanglots de soleil ? C’est indécidable, et quelle importance?
[...]L’amour est « difficultueux », l’amour ne va pas de soi, l’amour n’est pas un don du ciel, l’amour est un don de la terre, c’est un don difficile, c’est un apprentissage, ça passe par le silence, il faut aimer sa mère qui ne nous parle pas, il faut aimer le monde qui ne nous dit rien, il faut aimer les hommes dont l’existence pourtant peut être aisément sacrifiée au bien-être de mon égoïsme. L’amour c’est un effort mais c’est un effort qui culmine dans un oubli de soi, où l’on retrouve la gloire c’est-à-dire le droit d’aimer sans mesure."

Dixit Raphaël Enthoven.


Soixante minutes de soleil dans un dimanche au silence assourdissant.

***

Parvenir à apprivoiser le silence.
S'en faire un allié plutôt qu'un ennemi.
Se libérer de son poids quand il devient trop lourd.
L'évacuer, dans un cri.