mercredi 29 mai 2013

Prendre la route...


Crédit Photo : Fayçal A. Bentahar

"J'ai pris le volant un jour d'été, à treize heures trente. J'avais une bonne voiture et assez d'essence pour atteindre la rase campagne. C'est après que les questions se sont posées. Après le plein, j'entends. En même temps, c'était assez simple. Comme j'avais pris la direction du sud, je me suis contenté de poursuivre. Je voulais juste éviter Lyon, de sorte que je me suis perdu quelque part dans le Massif Central.
Perdu n'est pas le mot. J'avais échoué à Riom. Je ne sais pas si c'est une ville triste. Le temps était maussade. Aux environs de vingt et une heures, j'ai dû chercher un hôtel. Une fois dans la chambre, je l'ai quittée pour trouver le sommeil. Riom vers vingt-deux heures, donc. Par chance, j'avais dîné tôt d'un sandwich sur la route. Il y avait un café ouvert, je me suis assis dehors. La terrasse était déserte, il s'est mis à pleuvoir. Le peu de gens qui passaient ont pressé l'allure. Ils ont disparu. Personne ne les a remplacés. J'ai regardé la pluie exploser sur le trottoir. La température avait changé, je n'y avais pas prêté attention. C'était une pluie d'orage, il faisait anormalement chaud, et tout de suite après, il y a eu des éclairs. D'abord quelques-uns, isolés, suivis de roulements encore lointains, puis le ciel s'est illuminé, parcouru d'arcs électriques. On avait le temps de les voir, comme imprimés, leurs lignes brisées se détachant sur le fond noir, puis plus tellement noir, plus tellement le temps de virer au noir, les zébrures se succédant bientôt au point de se superposer et se figeant dans ce qui était devenu une blancheur. La pluie a grossi, elle tombait en gouttes laiteuses, qui s'écrasaient en laissant de l'écume. Je l'entendais, aussi, frapper la banne à l'abri de laquelle je me tenais encore, son crépitement gras dominait les roulements, et je me suis dit que la vie devenait violente, j'ai rentré légèrement la tête dans les épaules.
Je suis resté là à attendre que ça passe, mais ça ne passait pas, la banne s'incurvait sous l'averse et commençait à dégoutter au-dessus de moi, j'ai senti de l'eau me couler dans le dos, j'ai déplacé ma chaise. Puis j'ai préféré rentrer. Je suis arrivé à l'hôtel trempé. Dans la chambre, j'ai enlevé mes vêtements, je les ai essorés et je les ai mis à sécher sur des cintres. J'étais entièrement nu, il faisait toujours très lourd, et j'ai déplié sur le lit la carte routière que j'avais rapportée de la voiture."

Christian Oster, in Rouler, éditions de l'Olivier 2011, collection Points 2012.

Premières pages de cet ouvrage, l'un de ceux que j'emporte avec moi dans ma valise. Départ dans trois jours. Mon premier jour de route ne sera pas un remake de ce que décrit l'auteur, je ne prends que les autoroutes, par peur de me perdre. Mon inquiétude est de rouler sous la pluie... comme l'année dernière. La vidéo, c'était il y a deux ans, sous le soleil.
Christian Oster est le romancier que j'ai découvert depuis peu. 

Rouler
Sur un coup de tête, Jean s'en va. Il prend la route. Le sud de la France lui apparaît comme une promesse, ou peut-être pas. Il choisit des itinéraires peu fréquentés, ne croise que des silhouettes. Il veut atteindre la mer, Marseille peut-être. Rouler. partir en cavale, fuir une vie monotone. Vivre au hasard des rencontres et attendre, attendre de voir de quoi demain sera fait.
4e de couverture.

"Avec ce livre rempli d'échos et de réverbérations, de craquements et de soupirs retenus, Christian Oster poursuit en finesse sa quête du vide."
Télérama.

Je n'ai pas besoin de lire les (bonnes) critiques, je sais que je ne serai pas déçue.