jeudi 30 juillet 2015

Mes lectures de vacances 4





« Je sais bien ce que je fuis mais non pas ce que je cherche » Montaigne



Je retranscris ici des extraits du Journal de Voyage de Montaigne. C’est le dernier livre que j’ai emprunté dans cette bibliothèque de vacances. Voilà ce qu’est un vrai Journal intime. Je n'ai fait que "picorer" quelques pages de cet ouvrage, n'ayant pas eu le temps ni l'attention nécessaire pour une lecture complète, assez ardue. Il est noté en Introduction à propos de ce Journal :

« […] s’agissant de ce long voyage en Italie par la Suisse et l’Allemagne dont le Journal est le compte-rendu, Montaigne entendait avant tout soigner sa gravelle aux stations thermales de ces pays : aussi ce texte, qui n’était pas destiné à la publication et dont le manuscrit ne fut découvert qu’au XVIIIe siècle, relate pêle-mêle les impressions du touriste et celles du curiste, également assoiffés. »

De septembre 1580 à novembre 1581, Montaigne voyage en Europe : Allemagne, Suisse, Italie. Pour soigner sa gravelle aux eaux de Lucques, oublier « les épines domestiques », « les devoirs de l’amitié maritale » ou cette « mélancolie » qui lui est « mort et chagrin ». Mais surtout pour découvrir autrui dans sa différence et sa diversité : ce qu’on mange ne l’intéresse pas moins que ce que l’on pense, et à Rome il est aussi diligent à écouter les conversations des « femmes publiques » qu’à « ouïr des disputes de théologie » ou visiter les antiquités des vignes cardinalices. « Les rois de Perse, dit-il, qui s’obligeraient de ne boire jamais autre eau que celle du fleuve Choaspès, renonçaient par sottise à leur droit d’usage en toutes les autres eaux, et asséchaient pour leur regard le reste du monde. »
(4e de couverture) 

Quelques extraits (on remarquera que Montaigne parle parfois de lui à la troisième personne : M. de Montaigne). 

PLOMBIERES, quatre lieues. […]
Nous y arrivâmes le vendredi 16e de septembre 1580, à deux heures de l’après-midi. Ce lieu est assis aux confins de la Lorraine et de l’Allemagne, dans une fondrière, entre plusieurs collines hautes et coupées qui le serrent de tous côté. Au fond de cette vallée naissent plusieurs fontaines tant froides naturelles que chaudes. L’eau chaude n’a nulle senteur ni goût, et est chaude tout ce qui s’en peut souffrir au boire, de façon que M. de Montaigne était contraint  de la remuer de verre à autre. Il y en a deux seulement de quoi on boit. Celle qui tourne le cul à l’orient et qui produit le bain qu’ils appellent le Bain de la Reine, laisse en la bouche quelque goût doux comme de réglisse, sans autre déboire, si ce n’est que, si on n’en prend garde fort attentivement, il semblait à M. de Montaigne qu’elle rapportait je ne sais quel goût de fer. L’autre qui sourd du pied de la montagne opposite, de quoi M. de Montaigne ne but qu’un seul jour, a un peu plus d’âpreté, et y peut-on découvrir la saveur de l’alun.
[…]
Nous y vîmes des hommes guéris d’ulcères, et d’autres de rougeurs par le corps. La coutume est d’y être pour le moins un mois. Ils y louent beaucoup plus la saison du printemps, en mai.
[…]
[…] 

Vers Florence et Pise 
[…]
On est ici dans l’habitude  de mettre de la neige dans les verres avec le vin. J’en mettais un peu, parce que je ne me portais pas trop bien, ayant souvent des maux de reins, et rendant toujours une quantité incroyable  de sable ; outre cela, je ne pouvais recouvrer ma tête et la remettre en son premier état. J’éprouvais des étourdissements, et je ne sais quelle pesanteur sur les yeux, le front, les joues, les dents, le nez et tout le visage. Il me vient dans l’idée que ces douleurs étaient causées par les vins blancs doux et fumeux du pays, parce que la première fois que la migraine me reprit, tout échauffé que j’étais déjà, tant par le voyage que par la saison, j’avais bu grande quantité de trebbiano, mais si doux qu’il n’étanchait pas ma soif.
Après tout, je n’ai pu m’empêcher d’avouer que c’est avec raison que Florence est nommée la belle.
[…]
Le jeudi je ne me souciais pas de voir une autre course de chevaux. J’allais l’après-dînée à Pratolino, que je revis dans un grand détail.
[…]
Le vendredi j’achetai, à la librairie des Juntes, un paquet de onze comédies et quelques autres livres. J’y vis le testament de Boccace imprimé avec certains discours faits sur le Décaméron 

[…] 

De Pise à Lucques 
[…]
A dire vrai, j’ai toujours été non seulement bien, mais même agréablement logé dans tous les lieux où je me suis arrêté en Italie, excepté à Florence (où je ne sortis pas de l’auberge, malgré les incommodités qu’on y souffre, surtout quand il fait chaud) et à Venise, où nous étions logés dans une maison trop publique et assez malpropre, parce que nous ne devions pas y rester longtemps. La chambre ici [à Lucques] était écartée ; rien ne manquait ; je n’avais aucun embarras, nulle sorte d’incommodité. Les politesses même sont fatigantes et parfois ennuyeuses, mais j’étais rarement visité par les habitants. Je dormais, j’étudiais quand je voulais ; et lorsque la fantaisie me prenait de sortir, je trouvais partout compagnie de femmes et d’hommes avec qui je pouvais converser et m’amuser pendant quelques heures du jour ; puis les boutiques, les églises, les places et le changement de lieu, tout cela me fournissait assez de moyens de satisfaire ma curiosité.
Parmi ces dissipations, mon esprit était aussi tranquille que le comportaient mes infirmités et [les approches de] la vieillesse, et très peu d’occasions se présentaient de dehors pour le troubler. Je sentais seulement un peu le défaut de compagnie telle que je l’aurais désirée, étant forcé de jouir seul et sans communication des plaisirs que je goûtais.
[…] 

Bain della Villa, deuxième séjour 
[…]
J’y reçus de tout le monde le meilleur accueil et des caresses infinies. Il semblait en vérité que je fusse de retour chez moi. […]
Le mardi 15 août, j’allai de bon matin me baigner ; je restai un peu moins d’une heure dans le bain, et je le retrouvai plus froid que chaud. Il ne me provoqua point de sueur. J’arrivai à ces bains non seulement en bonne santé, mais je puis dire encore fort allègre de toute façon. Après m’être baigné, je rendis des urines troubles ; le soir, ayant marché quelque temps par des chemins montueux et difficiles, elles furent tout à fait sanguinolentes, et je sentais dans le lit je ne sais  quel embarras dans les reins.
Le 16, je continuai le bain, et, pour être seul à l’écart, je choisis celui des femmes, où je n’avais pas encore été. Il me parut trop chaud, soit qu’il le fût réellement, soit qu’ayant déjà les pores ouvertes par le bain que j’avais pris la veille, je fusse plus prompt à m’échauffer ; cependant, j’y restai plus d’une heure. Je suai médiocrement : les urines étaient naturelles, point de sable. Après dîner, les urines revinrent encore troubles et rousses, et vers le coucher du soleil elles étaient sanguinolentes.
Le 17 je trouvai le même bain plus tempéré. Je suai très peu ; les urines étaient un peu troubles avec un peu de sable ; j’avais le teint jaune pâle.
[…]
[…]
La nuit je sentis au côté gauche un commencement de colique assez fort et même poignant, qui me tourmenta pendant un bon espace de temps, et ne fit pas néanmoins les progrès ordinaires ; car le mal ne s’étendit pas jusqu’au bas-ventre, et il finit de façon à me faire croire que c’étaient des vents.

Montaigne, in Journal de voyage, Édition de Fausta Garavini Professeur à l’Université de Florence, Gallimard collection Folio, 1983. 

Allez, pour se détendre un peu et faire passer "les vents", vidéos de ce pêcheur que j'observais en lisant le Journal de voyage de Montaigne. Il semblait indifférent à la montée de la mer et aux vagues qui commençaient à s'éclater par-dessus la jetée.





mercredi 29 juillet 2015

***

Demain matin Le Fou de Proust est invité à France Inter dans l'émission de Ali Ribeihi "Ça va pas la tête" (de 9 h à 10 h).

mardi 28 juillet 2015

Mes lectures de vacances 3






I. LA BLESSURE 

30 octobre 1961 

[…]
Faut-il que j’espace les visites ? Certains jours la tête me tourne. Quand la douleur survient, j’apprends à la dissimuler mais il m’en reste ensuite quelque chose. De plus, cette position horizontale, qui me rend passif, paraît susciter chez les autres (chez certains opportuns) un bavardage complaisant.
Exemple : cette femme que j’ai trouvée naguère si brillante. La surprise devant le bruit qu’a fait ma blessure a réveillé chez elle une amitié somnolente et une compassion mondaine. Elle ne gagne rien à être naturelle ; tout à être méconnue. Aujourd’hui, pourvu qu’elle parle et qu’elle parle d’elle, elle est prête à s’accuser, s’excuser, se diminuer. Pendant qu’elle se met au plus bas, elle règne : « Ne trouvez-vous pas que, dans cette affaire, j’ai été plutôt garce ? » Penser au célèbre mot de Custine sur le Français : « Il préfère se peindre laid que de s’oublier. »
Autre exemple : je partage souvent le plaisir que A.Z. a de s’écouter parler et même je ne suis pas loin d’approuver l’idée avantageuse qu’il se fait de lui-même. Mais si, en gidien, je comprends qu’on écrive sur soi (on n’oblige personne à vous lire), je ne supporte pas que l’on ne parle que de soi (s’imposer à l’autre, c’est le nier). J’ai heureusement avec mon état un for alibi et une grande capacité d’inattention.
En revanche, bouleversante visite de Jean Bonneterre, mon ami d’enfance. Il avait rompu avec moi dès mes premiers articles sur l’Algérie. Il paraît bénir cette blessure qui permet nos retrouvailles. Il parle de ma famille comme s’il en était. Il en est. 

Narcissisme

On écrit souvent sur soi quand on ne sait pas parler de soi de vive voix, qu’on a peur d’entendre sa propre voix, quand on est paralysé par le regard, le jugement, la présence d’autrui. Alors on est gagné par une pudeur particulière qui fait qu’on n’arrive même plus à entendre parler de soi, cependant que seul devant la page vide on se prélasse à se décrire et à se raconter. Ce qui fait qu’en définitive personne n’est plus discret  en société que ceux qui sont prolixes en solitude. Et personne n’est plus curieux des autres ni spectateur plus attentif que ceux qui savent pouvoir se retrouver en tête-à-tête avec l’interlocuteur intime dans l’écriture. On a dit de Montaigne, d’Amiel, de Jules Renard, de Gide et même de Jean-Jacques l’atrabilaire qu’ils savent écouter. Ce n’est pas un paradoxe. Ils se sont délestés dans leurs écrits de tout ce qui fait obstacle à l’écoute, à l’accueil, au regard. Les plus obsédés d’eux-mêmes ne sont pas des écrivains qui ont écrit sur eux. Malraux qui déteste les confidences, l’introspection et les « petits tas de secrets », n’a jamais su écouter.

[…] 

21 janvier 1963 

J’ai toujours aimé des plaisirs ou des sports qui m’ont fait vivre dans des milieux où je ne pouvais être à l’aise : le tennis, la danse, le ski, la natation. Adolescent, je voyais ces activités (sauf la natation) confisquées par la riche bourgeoisie, ou des fils de colons qui s’organisaient en clubs comme les Sudistes américains. Plus tard, en France, tout était ouvert, accueillant et possible à la condition de payer et de supporter un état d’esprit très particulier. En général, anti-culturel, si on peut dire.
J’ai écrit ces lignes ce matin dans le brouillard lugubre qui s’engouffrait dans le chalet. A midi, nous sommes montés au-dessus de la mer de nuages et nous avons fait en téléphérique ce que l’on fait souvent en avion : émerger dans la pureté glorieuse des glaciers tout baignés d’un bleu implacable. Devant la qualité d’émerveillement de cette société de danseurs, de skieurs, de pilotes d’avion, bateau, auto de course etc., et dont je voulais m’éloigner, tout à l’heure, je me suis dit qu’il n’y avait peut-être de barrières qu’entre ceux qui ont eu leur enfance nourrie de livres et les autres. Pourtant, en général, devant la beauté, je n’apprécie que le silence.
[…] Le silence est souvent aussi une drogue pour entrer en soi-même, s’y installer, fermer les portes. Et interdire l’entrée.
[…]
[…]
[…]

II LE TEMPS QUI VIENT


TRENTE ANS APRÈS

Contracté en clinique, le vice du carnet intime ne devait plus me quitter vraiment. La blessure m’avait fait en somme retrouver la pernicieuse influence exercée par Gide sur mon adolescence. Mais, dès après la naissance du journal, à l’automne 1964, je n’ai plus rien noté qu’en voyage, surtout dans les avions, ou en vacances. Celui qui, de ce fait, écrit ici en 1991 ne peut être le même que l’auteur du Carnet. Il a changé. Il prend sa place. Il vit le présent. C’est à cette lumière qu’il revisite le passé. Là où le premier témoignait, l’autre reconstitue. Je ne pensais pas au lecteur : je me chuchotais des aveux. Là je m’adresse à lui.
[……………………………………………]

Jean Daniel, in LA BLESSURE suivi de Le Temps qui vient, éditions Grasset, 1992.

Je lisais ce livre (toujours emprunté dans cette bibliothèque de l'appartement, petite mais intéressante) en entendant la mer et les oiseaux et je pensais à Jean Daniel qui aimait tant se baigner dans la mer. Il y a un passage dans ce journal où il dit sa stupéfaction de voir des gens se baigner dans une piscine quand ils ont une propriété au bord de la mer. Aujourd'hui, il a 95 ans... "S'arrime-t-il toujours à la vie" comme dans ma petite vidéo?

Au retour de vacances j'ai trouvé cette introduction écrite par Jean Daniel à propos de La Blessure :


"J'ai dit comment me sont venus l'idée et le besoin de tenir les Carnets que l'on va lire ici1. Alité pendant plus d'un an dans une chambre d'hôpital, du fait d'une blessure, j'ai découvert que la maladie finit par éloigner des plus proches, suscitant ainsi une étrange solitude. Entre les « horizontaux » (ou les « allongés », selon un mot de Thomas Mann) et les verticaux, les mots finissent par n'avoir plus les mêmes connotations. Il y a deux vies parallèles. Tenir un carnet, c'est alors et d'abord s'inventer un interlocuteur dans la même position, donc capable d'une écoute plus complice. Un confesseur attentif avec lequel on pense qu'il ne pourra plus y avoir ni malentendu, ni distance.
La partie de ces carnets que j'ai déjà publiée sous le titre la Blessure avait un atout : l'unité de lieu. Tout se passait à l'intérieur de ma chambre. Le monde venait à moi et je prétendais le réfléchir dans un journal. Dès ma guérison, tout, aussitôt, a changé. J'ai eu alors des responsabilités qui m'empêchaient d'écrire, tandis que parfois des rites itinérants m'y incitaient. Si bien que je n'ai jamais écrit qu'en voyage et en vacances. En voyage, c'est-à-dire en avion, que j'ai utilisé comme Mme de Sévigné usait de sa fameuse calèche. En vacances, c'est-à-dire presque tous les ans, juillet jadis en Tunisie, aujourd'hui en Toscane; fin octobre aux États-Unis; dix jours de janvier au Sénégal, avec, tout au long de l'année, des incursions au Portugal, en Espagne. En France, pendant longtemps, j'ai choisi d'écrire chez des amis en Saône-et-Loire, dans le Brionnais, à Mailly.
Je ne me suis jamais imposé de livrer à ces carnets autre chose que mes humeurs. Rien n'est plus irrégulier et plus capricieux que ces notations. Et l'on ne devra pas s'étonner de découvrir que certains grands événements ont été passés sous silence et que quelques êtres, parmi les plus proches, soient absents. J'avais, pour m'exprimer de manière systématique, mes éditoriaux, mes livres. Cela ne m'a pas empêché de consigner des réflexions ou des descriptions qui auraient pu être publiées ailleurs. On trouvera aussi des notations dont je ne savais avec certitude, en les rédigeant si elles pourraient me servir pour un récit ou pour un essai. En dépit de l'utilisation que j'en ai faite plus tard, j'ai cru devoir et pouvoir les maintenir dans ce livre.
Mais ces carnets se veulent surtout des contrepoints, des pensées en coulisses souvent suscités par le sentiment d'en avoir trop dit ailleurs, ou pas assez. Ce qui m'a conduit parfois à des indiscrétions et à des aveux. J'ai ainsi réservé à ces pages des embarras et des remords, tel un peintre qui, au lieu d'inscrire ses repentirs sur un tableau, les réunirait à part dans un album spécial.
Un mot encore. Si les circonstances de mes premiers carnets sont accidentelles — « la Blessure » —, le besoin que j'ai eu de les tenir par la suite ne l'est aucunement. Je revendique un faible pour le passé. J'aime me souvenir. C'est pour moi une façon de reconstruire et de vérifier une identité. Le passé est tout. Sans lui, le présent est absent et l'avenir, abstrait. Vivre, c'est fabriquer à chaque instant du passé. C'est donner une dimension positive au temps qui s'écoule et qui est notre seule réalité, comme notre seule vérité.
Un mot enfin. Un carnet devient vite une entité autonome, un alter ego très alter. Au point qu'il arrive que l'on s'en méfie et que l'on se découvre parfois en train de doser les confidences qu'on lui abandonne. Sa mémoire est si redoutable, que l'on craint de relire ensuite dans le désaveu ce que l'on avait d'abord confié dans le soulagement. Alors s'infléchit le fleuve qui paraissait tout naturellement « couler de source ». Depuis que je sais cela, je me méfie plus encore de moi-même que de mon alter ego, mais aussi je lis les journaux intimes des autres en décrypteur expert. Reste qu'à la fin des fins, malgré tout, si « je » est un autre, il fait bien partie du moi."
J.D.

1 La Blessure, Grasset, 1992. 

Je n'ai pas eu le temps à Saint-Palais de retranscrire tous les passages que j'ai aimés dans ce livre. Il y avait des pages passionnantes sur Camus, Sartre (sans complaisance), Françoise Giroud, Mendès France, Gide et j'en passe... 


« La haine du bourgeois n’est ni de droite ni de gauche, c’est la respiration habituelle de l’artiste. » Jean Daniel.

 

samedi 25 juillet 2015

Mes lectures de vacances 2




 Anne Frank (1929-1945)

Samedi 20 juin 1942. 

Il y a plusieurs jours que je n’ai plus écrit ; il me fallait réfléchir une fois pour toutes à ce que signifie un Journal. C’est pour moi une sensation bien singulière que d’exprimer mes pensées, non seulement parce que je n’ai jamais écrit encore, mais qu’il me semble que, plus tard, ni moi, ni qui que ce soit d’autre ne s’intéresserait aux confidences d’une écolière de treize ans. Enfin, cela n’a aucune importance. J’ai envie d’écrire, et bien plus encore de sonder mon cœur à propos de toutes sortes de choses.
« Le papier est plus patient que les hommes. » Ce dicton me traversa l’esprit alors qu’un jour de légère mélancolie je m’ennuyais à cent sous l’heure, la tête appuyée sur les mains, trop cafardeuse pour me décider à sortir ou à rester chez moi. Oui, en effet, le papier est patient, et, comme je présume que personne ne se souciera de ce cahier cartonné dignement intitulé Journal, je n’ai aucune intention de jamais le faire lire, à moins que je ne rencontre dans ma vie l’Ami ou l’Amie à qui le montrer. Me voilà arrivée au point de départ, à l’idée de commencer un Journal : je n’ai pas d’amie.
Afin d’être plus claire, je m’explique encore. Personne ne voudra croire qu’une fillette de treize ans se trouve seule au monde. D’ailleurs, ce n’est pas tout à fait vrai : j’ai des parents que j’aime beaucoup et une sœur de seize ans ; j’ai, tout compte fait, une trentaine de camarades parmi lesquelles de soi-disant amies ; j’ai des admirateurs à la pelle qui me suivent du regard, tandis que ceux qui, en classe, sont mal placés pour me voir, tentent de saisir mon image à l’aide d’une petite glace de poche. J’ai de la famille, d’aimables oncles et tantes, un foyer agréable, non, il ne me manque rien apparemment, sauf l’Amie. Avec mes camarades, je ne puis que m’amuser, rien de plus. Je ne parviens jamais à parler avec eux d’autre chose que de banalités, même avec une de mes amies, car il nous est impossible de devenir plus intimes, c’est là le hic. Ce manque de confiance est peut-être mon défaut à moi. En tout cas, je me trouve devant un fait accompli et c’est assez dommage de ne pas pouvoir l’ignorer.
C’est la raison d’être de ce Journal. Afin de mieux évoquer l’image que je me fais d’une amie longuement attendue, je ne veux pas me limiter à de simples faits, comme le font tant d’autres, mais je désire que ce Journal personnifie l’Amie. Et cette amie s’appellera Kitty.
[…]

[…]

[…] 

Mardi 1er août 1944. 

Chère Kitty,

« Un fatras de contradictions » sont les derniers mots de ma lettre précédente, et les premiers de celle-ci. « Fatras de contradictions », peux-tu m’expliquer ce que c’est au juste ? Que signifie contradiction ? Comme tant d’autres mots, il a deux sens : contradiction extérieure, et contradiction intérieure.

Le premier sens s’explique simplement : ne pas se plier aux opinions d’autrui, savoir mieux que l’autre, avoir le dernier mot, enfin toutes les caractéristiques désagréables pour lesquelles je suis bien connue. Mais en ce qui concerne le second, je ne suis pas connue, c’est là mon secret.
Je te l’ai déjà dit, mon âme est, pour ainsi dire divisée en deux. La première partie héberge mon hilarité, mes moqueries à propos de tout, ma joie de vivre et, surtout, ma tendance à prendre tout à la légère. J’entends par là : ne pas me choquer des flirts, d’un baiser, d’une embrassade ou d’une histoire inconvenante. Cette première partie est toujours aux aguets, repoussant l’autre, qui est plus belle, plus pure et plus profonde. Le beau côté de la petite Anne, personne ne le connaît, pas vrai ? C’est pourquoi si peu de gens m’aiment vraiment.
Bien sûr, je puis être un clown amusant pour un après-midi, après quoi tout le monde m’a assez vue pour un mois au moins. […] Ce côté de la vie à la légère, le côté superficiel aura toujours le pas sur le côté profond, et sera par conséquent toujours vainqueur. Tu ne peux t’imaginer combien de fois j’ai essayé de la repousser, de la rouer de coups, de la cacher, celle qui, en réalité, n’est qu’une moitié de tout ce qui s’appelle Anne. Ça ne sert à rien, et je ne sais pourquoi.
Je tremble de peur que tous ceux qui me connaissent telle que je me montre ne découvrent que j’ai un autre côté, le plus beau et le meilleur. J’ai peur qu’ils ne se moquent de moi, ne me trouvent ridicule et sentimentale, ne me prennent pas au sérieux. J’ai l’habitude de ne pas être prise au sérieux, mais c’est « Anne la superficielle » qui y est habituée et qui peut le supporter : l’autre, celle qui est « grave et tendre » n’y résisterait pas. […]
Anne la Tendre n’a donc jamais fait une apparition en compagnie, pas une seule fois, mais dans la solitude, sa voix domine presque toujours. Je sais exactement comment j’aimerais être, puisque je le suis… intérieurement, mais hélas ! je reste seule à le savoir. Et c’est peut-être, non, c’est certainement la raison pour laquelle j’appelle ma nature intérieure : heureuse, alors que les autres trouvent justement heureuse ma nature extérieure. A l’intérieur de moi, Anne la Pure m’indique le chemin ; extérieurement,  je ne suis rien d’autre qu’une biquette détachée de sa corde, folle et pétulante.

[…]
Celle que l’on n’entend pas sanglote en moi : « Voilà, voilà où tu en es : mauvaises opinions, visages moqueurs ou consternés, antipathies, et tout ça parce que tu n’écoutes pas les bons conseils de ton propre bon côté. » Ah ! j’aimerais bien l’écouter, mais ça ne sert à rien. Lorsque je suis grave et calme, je donne l’impression à tout le monde de jouer une autre comédie, et vite j’ai recours à une petite blague pour m’en sortir ; je ne parle même pas de ma propre famille qui, persuadée alors que je suis malade, me fait avaler des cachets contre les maux de tête et les nerfs, regarde ma gorge, me tâte le front pour voir si j’ai de la fièvre, me demande si je ne suis pas constipée et finit par critiquer ma mauvaise humeur. Je ne peux plus le supporter ; quand on s’occupe trop de moi, je deviens d’abord hargneuse, puis triste, retournant mon cœur une fois de plus de façon à montrer le côté mauvais et à cacher le côté bon, et je continue à chercher le moyen de devenir celle que j’aimerais tant être, celle que je serais capable d’être, si… il n’y avait pas d’autres gens dans le monde.

A toi,

ANNE 

(Ce sont les derniers mots de son Journal, le 1er août 1944. Trois jours plus tard, le 4 août 1944, Anne Frank fut envoyée dans un camp de concentration et elle mourut sept mois plus tard).



Journal de Anne Frank, traduit du Hollandais par Tylia Caren et Suzanne Lombard, éditions Calmann-Lévy, 1950. 

(Pour ne pas oublier la Grave, la Tendre, la Pure Anne Frank... et les autres). J'avais lu son Journal il y a si longtemps. En le découvrant dans cette bibliothèque de l'appartement, j'ai eu envie de le relire. Émotion.

mardi 21 juillet 2015

Mes lectures de vacances 1








DAY OF GENIUS.- C’est aujourd’hui le Day of Genius, le jour de 1822 devenu légendaire où Stendhal conçoit De l’amour, qui se salue en anglais comme on le fait désormais de happy few, et je me le rappelle tout en annotant à la fois le Journal du jeune Beyle et le Trésor d’amour de Philippe Sollers tout plein de Stendhal mais aussi le Stendhal de Claude Roy qui se force un peu pour nous faire croire que l’écrivain sans la politique se réduit à peu de chose – avant de nuancer pas mal -, et du même coup je me rappelle le Journal littéraire de Léautaud luttant également contre la double tendance au vague et à l’hypocrisie qui rapproche ces deux écrivains à la sincérité sèche et sensible à la fois.

J’avais déjà lu des fragments du Journal de Stendhal, mais c’est la première fois que j’en aborde la version intégrale de quelques 1266 pages, avec une préface de Dominique Fernandez qui dégage bien la complète originalité de l’entreprise que constitue un journal de bonheur et non de contrition ou de compulsion (par contraste avec ceux d’Amiel, de Constant, de Kafka ou de Pavese), et son paradoxe considérable, puisque Stendhal parvient à dépasser cette contradiction ordinaire entre la vie vécue et notée (« instant noté, instant perdu », me disait un jour Jean Dutourd) par sa rapidité ou plus exactement : l’immédiateté constante d’un exercice qui s’interrompra, cependant, au seuil des romans, puisque H.B. tient son journal en 1801 (il a dix-huit ans et toutes ses dents) et 1823 (il en a quarante), dans la foulée du Day of Genius.

Philippe Sollers cite en passant l’abréviation cryptée SFCDT, très dans la manière de Stendhal, qu’on trouve souvent en marge de ses manuscrits et qui signifie Se Foutre Complètement de Tout, laquelle ne contredit en rien l’extrême souci que depuis tout jeune il voue à ce qui lui importe, et à cela seulement, c’est à savoir l’essentiel pour un garçon qui veut se consacrer sérieusement à la saisie de la sensation juste et à son expression appropriée, telle qu’on la relève très tôt dans les pointes de son journal…

(A La Désirade, ce vendredi 29 décembre [2010])


[…]

THE BEST ? – En lisant parallèlement le Journal de Stendhal et le dernier roman de Philippe Sollers, je me demande pourquoi j’aime tellement ce pauvre Beyle et tellement moins son brillant commentateur, que j’apprécie certes et admire, mais dont la froideur arrogante, même suffisante, exclut à peu près la sympathie naturelle. Beyle est naturel, direct et spontané, sincère, ému et émouvant, sans jamais se forcer, tandis que Sollers pose à tout moment en happy few, en connaisseur, en élu s’identifiant à Stendhal comme il s’est identifié à Nietzsche, non sans grâce évidemment et avec de multiples digressions intéressantes, mais pour dire finalement quoi ? sinon que dans la lignée de Stendhal il est The Best, le plus agile, le plus brillant, le plus jouissif, et qu’il nous emmerde…

[…] 

LE MUFLE.- Une scène m’a captivé ce matin, à l’étage panoramique du palace où se prend le petit déjeuner, quand s’y est pointé un Américain au visage batracien flapi, style brasseur d’affaires, que tout visiblement mettait en fureur. Il a commencé par invectiver la très accorte préposée à l’accueil, en désignant la fucking music de fond, à vrai dire très feutrée, affirmant qu’il détestait ça. Puis il s’est fait placer au fond de l’arrière-salle dont il a bientôt resurgi en continuant de pester sur le service, s’est ensuite rendu au buffet – absolument somptueux, voire pléthorique -, dont il est revenu en affirmant que c’était un very bad buffet, comme tout était bad dans ce fucking hotel. Enfin, je l’ai encore entendu vitupérer le pauvre serveur qui n’en pouvait plus d’encaisser ses fuck you en se retenant visiblement  de lui envoyer la cafetière à la gueule, ce que j’eusse fait avec moins de patience.

Hélas on ne se rappelle pas assez, à l’ordinaire, que de tels types existent, et c’est peut-être l’avantage, de temps à autre, de passer une nuit dans un hôtel de grand luxe, pour voir se déployer la méchanceté prétentieuse de ceux qui s’imaginent avoir tous les droits du seul fait de leur compte en banque.

[…] 

REBOND. – Une chance nous est donnée chaque matin de se refaire une jeunesse, et c’est vrai au moment où le jour se lève, on est frais et dispos, on fait de beaux projets, on en oublie les heures et c’est midi, on devient un peu plus lourd, et l’après-midi passe et on se tasse, on n’a plus vingt ans maintenant et ce qu’on voit se voit de moins de moins vu qu’on a la vue qui baisse, et de fait on baisse aussi et ce sera bientôt la fin du jour et la vieillesse mais on trouve que c’est trop tôt pour se coucher, donc on couche encore ça sur le papier…

[…]

Vladimir Dimitrijevic : « La somme des instants où l’on sent les choses devenir sans poids et de la vie émaner un parfum constitue pour la preuve de la communion avec Dieu. » 

VIE ET DESTIN.- Il est six heures du matin et je pense à Dimitri. J’imagine son corps gisant là-bas, Dieu sait où. Je pense à tout ce qu’il a été et à tout ce qui fut par lui et avec lui. Je pense à tout ce qu’il nous a apporté. Ma pensée entière est remplie par la présence de son absence. Je pressens que j’aurai beaucoup à écrire et à dire (à me dire). Cette mort si brutale, si violente est plus à mes yeux que l’expression d’une aveugle fatalité : elle figure à mes  yeux une conclusion qui, sous couvert d’absurde, comme celle d’Albert Camus, ressemble en somme à Dimitri.
[…]

(A La Désirade, ce jeudi 30 juin) 

[…] 

TENDRESSE.- On n’ose plus se regarder, mais il le faut pourtant. Il faut regarder, en face, sa face de plus de soixante ans. Et ce que je te dis, d’ailleurs, n’a pas pris une de nos rides depuis plus de trente ans.

Jean-Louis Kuffer, in L’Échappée libre, Lectures du monde (2008-2013), éditions L’Age d’Homme, 2014.

J'ai terminé cet ouvrage en arrivant à Saint-Palais, je l'ai savouré, j'avais un peu fait durer le plaisir, en l'annotant, en prenant mon temps. Je craignais des "redites" après avoir lu L'Ambassade du Papillon mais non, Jean-Louis Kuffer est bouillonnant, à l'écoute du monde et pas seulement du sien. C'est d'une richesse incroyable et sur la vie et sur la littérature et sur les écrivains. Sur cette photo on voit le livre de Jean-François Deniau que je n'ai pas eu le temps de lire (je m'en suis tenue il est vrai à la lecture de Journaux intimes), qui était dans la bibliothèque de l'appartement où je passais  mes divines vacances. Le titre La Désirade était une étrange coïncidence avec le livre de Jean-Louis Kuffer et ce qu'il nomme sa "Désirade" dans son Journal, c'est son "domicile", "son nid d'aigle lémanique". Appeler son lieu de vie et d'écriture "La Désirade" a pour moi une sonorité très intime, voire sensuelle, je ne sais pourquoi, enfin si, il y a du désir là-dedans. Rien à voir évidemment avec La Désirade de Jean-François Deniau. 

Ces Lectures du monde 2008-2013 me donnent bien envie de lire les précédentes et tant pis si je ne suis pas l'ordre chronologique de leurs parutions.




samedi 18 juillet 2015

Proust à Royan

Depuis mon retour de vacances je ne fais rien, j'ai pourtant mille choses à faire et je n'y arrive pas. Si je me mets devant mon écran d'ordi, je pique du nez, effet normalement réservé à l'écran du téléviseur. "Kesskisspass"?  Je passe mon temps sur les greens, qui me pompent toute mon énergie... pour mon plus grand plaisir. Est-ce du temps perdu ou du temps retrouvé?
Me revient en mémoire cette fin d'après-midi à Royan au très BCBG Garden Tennis. Je m'étais précipitée au Syndicat d'initiative de Saint-Palais dès mon arrivée pour prendre quelques brochures des lieux et des expositions à voir dans le coin et, ce Rendez-vous Littéraire à Royan  sur le thème des Bains de mer, en compagnie d'un Fou de Proust m'a tentée. Je n'ai pas regretté. J'ai tout de même vu deux personnes piquer du nez pendant la lecture; on dira que c'était la chaleur de la salle, sans climatisation - étouffante - qui les a assommées. Complètement habité en effet le sieur Patrice Louis par l’œuvre romanesque de Proust, au point d'aller s'installer définitivement à Illiers-Combray.
J'avais craint une suite de lectures un peu ardue d'extraits de La Recherche mais le Fou de Proust a su agrémenter d'anecdotes très amusantes sa conférence en projetant quelques photos anciennes. On voyait même Marcel jouer du bilboquet! et de la guitare avec une raquette de tennis.



Il s'en est suivi une belle balade sur la côte en sa compagnie, et toujours avec quelques textes faisant référence aux bains de mer. Nous n'étions pas à Balbec ni à Cabourg mais à Royan, notre plaisir n'en fut pas diminué. Nous avons eu la surprise d'une petite dégustation de... madeleines.



Le Grand Hôtel de Balbec, inspiré par celui de Cabourg en 1900 ©
(A récouter pour les Fous de Proust)

J'avais profité de cette rencontre littéraire pour me promener à Royan avant la conférence et prendre un thé, à l'ombre, il faisait très chaud.

 L'immense plage de Royan

 Parc près du port de Royan... clin d’œil à Mondrian


 Ce n'était qu'une mini-madeleine, pas encore celle de Proust


A l'Art Thé Café
Pas bête ces trois sabliers correspondant au temps d'infusion souhaité.

Ainsi commençaient des vacances hors des sentiers battus du tourisme; il n'y avait que les adhérents Royannais du club littéraire qui assistaient à cette fin d'après-midi proustienne. J'étais une étrangère (ma voisine était très sympathique)... mais le lendemain, je respirais l'air océanique A l'ombre des jeunes filles en fleurs :



mercredi 1 juillet 2015

R.A.S. - T.V.B.




Vendredi 12 juin.

Après des jours d’angoisse en préparant mes bagages et l’obsession de déclencher une crise de vertiges je prends la route à 13 h 15 – voiture chargée et pleine comme si je partais pour trois mois – pensant faire étape à mi-chemin.
Que nenni, je suis très en avance, 15h45, alors que je ne suis attendue qu’à 18h et impossible d’avoir la chambre avant. Je décide donc, en accord avec la propriétaire, de continuer ma route. Pour dire la vérité, j’en suis ravie, l’endroit n’était guère avenant.
Arrivée à Saint-Palais à 21 h après deux arrêts sur l’autoroute. Je ne suis attendue que le lendemain pour prendre possession des clefs de l’appartement. Chercher un hôtel à 21 heures, ça ne va pas être de la tarte, dans cette petite station balnéaire.

Comme convenu j’appelle la personne qui devra me remettre les clefs pour lui dire que je pourrai être à l’appartement le lendemain, à l’heure qui lui conviendra.
-          Où êtes-vous me demande-t-elle.
-          J’ose à peine vous le dire. Je suis à Saint-Palais (je lui explique pourquoi) et lui dis que je vais chercher un hôtel.
-          A quelle heure voulez-vous venir demain ?
-          A l’heure qui vous conviendra. (Il était prévu que j’arrive vers 17 heures (0_0).
-          Venez vers 11 heures.
-          Entendu, je vous remercie. 
Je me dirige vers le centre, je connais bien la station et, trois minutes plus tard, coup de fil de la personne:
-          Ça vous arrangerait de venir ce soir à l’appartement ?
-          Je ne voudrais pas vous déranger, c’est très gentil à vous de me le proposer.
-          Je peux venir mais pas avant 22 heures, ça vous laisse le temps d’aller dîner. (Elle est très gentille mais je ne vais tout de même pas lui dire, que j’ai mangé un sandwich sur l’autoroute).
-          Vous êtes bien aimable ; je suis confuse de ce contretemps. Évidemment cela m’arrangerait.
-          Pas de problème mais vous devrez alors quitter l’appartement le vendredi au lieu du samedi.
-          Aucun problème, j'avais d’ailleurs dit à Monsieur*** que je rentrerai peut-être le vendredi.
-          Entendu, rendez-vous sur place vers 22 heures, j’ai une réunion avec des Allemands, je vous appelle dès qu’elle se termine.
-          Merci beaucoup Madame. (Je suis certaine qu'elle avait appelé le propriétaire pour lui faire part de mon arrivée "avancée" et que c'est lui qui a fait cette proposition car c'est un homme on ne peut plus aimable et charmant; nos échanges ont été très cordiaux.(

Je me sens tout à coup soulagée, je me gare, je regarde ma tête dans le miroir du rétroviseur ; pas terrible après la route. Impossible de me « refaire une beauté » de toute façon. Je me dirige vers la plage, je vais aller manger une glace et prendre un café. Les vacances commencent.


 

Mercredi 1er juillet.

Pas eu le courage de tenir mon Journal. Tout était parfait, voire idyllique. RAS.
Retour vendredi, avec la canicule.
Farniente, balades, golf et, beaucoup de lecture grâce à Internet qui m'a fait défaut et ne m'a guère manqué. Trois semaines de calme, luxe, silence, solitude. Ai dû prononcer ces seuls mots en trois semaines : un thé à la menthe avec une corne de gazelle s'il vous plaît et, ailleurs, un café serré. Rien d'autre. Solitude, mon amour.