vendredi 28 août 2015

La belle promeneuse solitaire

Définition du mot Désespérance :
État d'une âme qui a perdu l'espérance. "Dans cet état de désespérance il ne tenait plus à la vie".

J'étais dans cet état mercredi en sortant de ma consultation ORL. L'autre oreille était maintenant, aussi, atteinte. J'apprenais qu'il y avait 3 canaux dans chaque oreille qui pouvaient perturber l'équilibre en se bouchant lorsque les cristaux se déplacent. Je sentais qu'il ne savait plus comment tenter de me rassurer, seulement me faire comprendre que je devais ACCEPTER de vivre avec ça : moments de rémission puis crises de vertiges.
Pendant qu'il "curait" et aspirait mes oreilles je regardais son étagère de tintinophile. Je lui avais apporté un petit cadeau, à cet instant, je n'étais pas sûre d'oser le lui remettre. L’apprécierait-il? Le trouverait-il incongru? Puéril? 
Puis nous sommes passés dans la pièce aux tests (je commence à radoter avec ça, c'est toujours le même protocole) : masque et manœuvre libératoire de Sémont, la sienne. Plus efficace, pour mon cas, que celle d'Eplay que la kiné m'avait faite 8 jours plus tôt et qui s'était avérée insuffisante, même si amélioration. Il est perplexe car il n'y a plus de vertige à gauche (ce qui était habituel) mais à droite, léger. Le vertige ne passe pas, il reste des séquelles. 
Nous repassons dans son bureau, explications scientifiques, trop pointues pour moi. Les cristaux ont changé de canal. Il va falloir changer le processus. Faire pendant une semaine, toute seule chez moi, le "barbecue" deux fois par jour. Je connais, je l'ai fait, souvent sans résultat. Mais allons-zi allons-zo! Il me propose un rendez-vous dans huit jours et si tout va bien de l'appeler pour l'annuler. Ben oui, faire une heure de route pour le voir, toute de même, si je peux m'abstenir hein...
Je l'écoute, religieusement, je voudrais le croire, je voudrais même qu'il me mente mais il ne ment pas et insiste au contraire pour me dire que ça ne guérira plus. Après les cristaux qui se déplacent il y a aussi les osselets qui, comme le reste, vieillissent et se pulvérisent (0_0), et il me montre une photo de gros cailloux, des lisses comme des galets et d'autres bien cabossés; pas besoin d'explications supplémentaires. Pfff! Tout devient fragile chez moi. Je ne lui dis pas ma désespérance. Au contraire, avec un sourire je luis dis en regardant son étagère :
-  une question indiscrète; vous êtes tintinophile? 
- Et il éclate d'un rire presque coupable et me répond : oui! 
- J'ose alors en riant à mon tour : je vous ai apporté un cadeau et je lui tends la pochette.
- (silence) il sort l'objet et me dit : Oh merci! c'est vraiment trop gentil. Là je vois qu'il est content, vraiment.
Il sort l'objet de sa boîte et va le placer tout de suite sur son étagère, avec les autres figurines de Tintin.
- C'est une scène de l'album L'Oreille cassée. C'est parfait dans votre bureau. Je n'ai pas trouvé le fétiche Arumbaya avec l'oreille cassée lui dis-je. (Je mentais, j'aurai pu l'acheter sur Internet mais je n'allais tout de même pas lui faire un cadeau de 165 euros!). Et puis cette figurine de Tintin dans son fauteuil avec Milou dormant à ses pieds est reposante. 


Je sortais de son cabinet à 15 heures. J'avais faim, je n'avais rien dans le ventre depuis mon petit déjeuner à 8 heures. J'avais prévu d'aller manger des crêpes dans un petit port que je ne connaissais pas et qui était sur ma route du retour; j'avais regardé sur Internet, il faisait le service continu.
Je passais aussi devant la maison de mon enfance, c'était plus fort moi, puis du coup j'étais à deux pas du cimetière; je n'avais pas prévu de m'y arrêter mais c'était une évidence, je devais le faire. Le tombe n'était pas trop sale; je mis à la poubelle un plant mort. Je n'avais rien acheté pour le remplacer. Tant pis, je savais qu'ils s'en fichaient ceux qui étaient dans la tombe, qu'ils auraient été contents de me voir... s'ils avaient été en vie. Tsss! J'allais chercher deux arrosoirs que je remplissais d'eau et les déversais sur la tombe, pour pousser les feuilles mortes. La dalle en ciment au pied de la tombe était encombrées de feuilles et de mauvaises herbes qui poussaient entre les interstices. Je n'avais rien pour les arracher. Et puis, je devais faire attention à ne pas baisser la tête, j'étais secouée après la manœuvre de l'ORL, je devais être prudente. Je prévoirais de quoi nettoyer cette dalle une prochaine fois.
Je commençais à avoir mal à l'estomac, il fallait que je mange.
Dans ma voiture je branche mon GPS pour me guider vers ce petit port à Plougastel. Une trouvaille tout de même le GPS. J'étais partie à midi et demie de Quimper sous des trombes d'eau et j'arrivais sous le soleil. Merveille! Vite une table, la carte, la crêpe. 
Sujet de bac philo : la désespérance empêche-t-elle de vivre? 
Je n'ai plus envie de vivre mais je suis toujours capable de savourer quelques moments de vie... comme celui-là.


(Cliquer pour lire et agrandir)

"Les passions sont les vents qui enflent les voiles du navire; 
elles le submergent quelquefois, 
mais sans elles il ne pourrait voguer."
Voltaire




En attendant ma crêpe andouille de Guéméné-œuf miroir, verre de cidre


Mon Dieu qu'elle est bonne cette crêpe. On ne devrait manger que quand on a faim, c'est tellement plus jouissif. Je n'ai pas pris de crêpe dessert au froment mais une deuxième crêpe de blé noir andouille-oeuf miroir (trop bonne). Une femme, très belle, est venue s'asseoir près de ma table pour manger une glace; c'est vrai qu'à cette heure-là se bâfrer de crêpes, c'est bizarre. Je la regardais discrètement et lui trouvais grand charme. Son visage était beau, son allure, ses geste étaient élégants. Elle avait des chaussures de marche; c"était le genre de femme que rien ne pouvait enlaidir. Quand elle a passé sa commande de glace, elle avait du mal à comprendre; à son accent elle était allemande. Nous nous sommes souris, j'enviais sa grâce. Sûr, ELLE N’ÉTAIT PAS TRANSPARENTE, elle. Elle ne s'est pas attardée, je me régalais autant des crêpes que de ce que j'avais sous les yeux.
Puis, je réglais ma note. Comment se fait-il que mon père ne m'aie jamais emmené dans ce havre de paix à dix minutes de Brest, lui qui aimait tant venir au Pont de Plougastel et au Passage le dimanche avec moi? 
Je fis le tour du port, allai jusqu'à la digue voir les pêcheurs, la vue était belle, on apercevait les rives de Logona en face. Un baigneuse courageuse sortait de l'eau, il ne faisait pas très chaud malgré le soleil; son compagnon, moins téméraire, l'attendait sur les rochers.  Je croisais la belle allemande et la photographiais rapidement de dos. Elle magnifiait le paysage. J'exagère? Peut-être que je l'auréolais d'une beauté visible que pour moi, parce que c'était une promeneuse solitaire.




 Gréement Le Général Leclerc à gauche sur la photo


Vendredi 28 août.

Noir c'est noir.



lundi 24 août 2015

Meryn, Marine, Marina, Voran?

J'avais besoin d'un bol d'air pour occulter mon état bancal, devenu mon état normal depuis un mois, vertigineux.
Je fus servie.
Un vent fort et bien frais soufflait sur le port. Il était 16 heures 30 et j'avais faim. Je n'avais pu avaler grand chose au déjeuner. A droite, le Café du Port était à l'ombre, je passais mon chemin et allais m'installer au soleil au Café de la Cale.

 Café de la Cale

J'avais très faim. La jeune fille vient prendre ma commande et je lui dis : je prendrai un thé; avez-vous un gâteau? Je peux vous proposer un thé gourmand me dit-elle et elle annonce : du far, un gâteau au chocolat..; je l'arrête tout de suite. Non merci. Elle m'apporte alors la carte. Terminé les cafés ou autres thés gourmands pour moi! A chaque fois c'est la déception, des mini portions de cake, de far ou autre gâteau "étouffe-chrétien" (pardon, c'est une expression familiale (0_0)) et une espèce de truc hyper sucré écœurant, des mini machins immangeables pour le prix exorbitant d'un excellent dessert. Je n'ai plus l'intention de me faire avoir. Non mais! Le seul café gourmand que j'ai apprécié fut celui-ci (dernière photo).
Sur la carte je vois un émincé de pommes au carmel beurre salé qui me fait saliver (j'en avais déjà mangé ici même et en gardais un bon souvenir). J'attends que la demoiselle revienne prendre ma commande. Elle passe devant moi sans me regarder, repasse une seconde fois en m'ignorant : coucou lui dis-je. Tsss! Elle ne m'entend pas ou fait comme si. Des clients viennent de s'installer derrière moi, elle arrive et prend leur commande. Je décide de ne pas la rappeler, espérant (sans conviction) qu'elle passerait prendre aussi la mienne. Que nenni! Cette fois, une chose est sûre : JE SUIS DEVENUE TRANSPARENTE.

" Renoncer à sa capacité de séduction, devenir transparente [aux yeux des hommes], c'est mourir à toute une part de soi-même, et c'est dur à vivre quand on a pris de mauvaises habitudes."
François Giroud, Arthur ou le bonheur de vivre.

Je contemplais la mer et les bateaux dans le petit port dont je ne me lasse pas. Je voulais à mon tour ignorer l'impudente.




Je me suis cependant lassée d'attendre. Hop! je plie bagage et vais voir ailleurs si la mer est plus bleue et le service plus avenant. Le ciel se couvrait et les tables de la terrasse au Café du Port étaient en plein vent. Tant pis, j'étais bien couverte, gros pull en laine. Je m'assois dans le fauteuil confortable, à une table de quatre fauteuils, et je suis seule! J'ose. Cette fois je mangerais n'importe quoi, j'ai trop faim. Un jeune homme arrive : un thé earl grey svp et, avez-vous un gâteau ou quelque chose à grignoter. - Non, je n'ai que des glaces. Désolé me dit-il avec un sourire. (Aïe! Zut! Flûte! Merdoum!, une glace quand il fait à peine 19°, non merci). Bon, seulement un thé svp. Je fouille au fond de mon sac, j'ai parfois des minis financiers. Évidemment, il n'y en a pas. Allez, occulte ta faim, regarde le paysage, si reposant. Ce que je fais, emmitouflée dans mon gros pull et l'écharpe en laine que j'avais prévue, heureusement. Il ne pleuvait pas, j'étais donc gâtée. Hum! J'ai sorti le bouquin offert par un ami, déjà bien entamé, lu quelques pages. Deux enfants jouaient aux dominos avec leur mère à côté de ma table. J'ai refermé le livre, bu mon thé, savouré l'instant malgré la faim et suis restée à méditer devant le petit port.


Puis, avant de reprendre la route ma méditation m'a conduite vers la chapelle Sainte Marine. Je n'étais pas seule à méditer devant la mer.



Chapelle du 15e siècle située à l'estuaire de l'Odet, face à Bénodet. La voute et les sablières (poutres) ont été rénovées et peintes en 2013/2014 ainsi que l'éclairage et le chaulage des murs.


Je ne crois pas en Dieu mais j'aime me recueillir dans les chapelles.


A gauche, Sainte Barbe avec sa tour en bois, du 16e
A droite, Sainte Marine, du 18e
 


Saint Pierre (patron des pêcheurs) avec sa clef et son livre, du 16e

"En breton, Sainte-Marine se dit Sant Voran et est donc du masculin! Comment expliquer cette transformation?
Selon le chanoine anglican G-H. Doble, à l'origine il s'agit de saint Meryn, toujours vénéré dans la paroisse voisine de Plomelin (Finistère) - dont le nom vient de plo-Meryn.
La statue de la chapelle représente une vierge de Bithynie (Asie Mineure) : Marina, du 8e siècle (fêtée ici le 20 juillet par confusion avec sainte Marine d'Antioche). Alors, Meryn, Marine, Marina, Voran?"
(Source de la chapelle).

Je venais de passer des semaines éprouvantes, tout le bienfait de mes vacances du mois de juin fut pulvérisé par un vertige rotatoire le 29 juillet qui ne laisse de m'épuiser. Dès que je me sens d'attaque pour conduire, je file au bord de la mer, dans des lieux calmes. Pas de randonnées mais de tranquilles promenades. Je sais que ces moments-là sont précieux et ne vont pas durer.
Je remets sans cesse ma vie en question, et plus précisément son inutilité, son poids, sa non-valeur, son non-intérêt. 
Je suis remontée dans ma voiture. J'avais respiré l'air marin et je n'avais plus faim.

samedi 15 août 2015

Samedi 15 août 2015

"Me voici donc seul sur la terre, n’ayant plus de frère, de prochain, d’ami, de société que moi-même."
Jean-Jacques Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire.

Cette après-midi de 15 août (Sainte Marie), je croisais sur le chemin de halage 
quelques solitaires. Ils ne gênaient pas ma rêverie, ils l'animaient.
Je pensais à toi, maman.







Au retour,  le jeune homme que j'avais croisé à l'aller avec sa guitare,
faisait ses gammes, très discrètement, sur ce banc.
Je le photographiais, discrètement.


"Le contentement se lit dans les yeux, dans le maintien, dans l'accent, dans la démarche, et semble se communiquer à celui qui l'aperçoit."
Jean-Jacques Rousseau, Rêveries du Promeneur solitaire.
 

vendredi 14 août 2015

Reproduction interdite




Ayant eu hier quelques 197 visiteurs je me dois d'indiquer pourquoi aujourd'hui ai-je dû retirer mon dernier billet "Les visiteurs du soi".
J'y relatais mes soucis de vertiges et ma fatigue pour l'écriture, nonobstant ma capacité à pouvoir lire le Philosophie Magazine. Et, pour alléger mon travail d'écriture et mes méninges très attigées (malmenées) par ces vertiges de Menière, au lieu de citer quelques extraits de ma lecture,  j'avais inséré trois (médiocres) photos capturées dans mon propre magazine afin que mes lecteurs puissent lire ce qui m'avait intéressé, disons plutôt ce qui avait attiré mon attention pour l'article Pourquoi partons-nous en vacances? Je précisais alors que j'étais rousseauiste.
Quant aux deux autres photos elles concernaient la rencontre  Pierre Bayard et le divin Clément Rosset, Les visiteurs du soi (la photo dans le magazine est bien plus belle que celle que j'avais capturée) dans le dossier spécial de l'été : Comment ne pas passer à côté de sa vie? Question que le délicieux Clément Rosset trouvait "un peu absurde", la retournant comme une crêpe par : "comment les gens font-ils pour si facilement passer à côté de leur vie?" Ensuite maître Rosset prenait un exemple des Dupond et Dupont dans Tintin, d'où ma question idiote ou rigolote (c'est comme vous voudrez) : Clément Rosset serait-il tintinophile? et là, je pensais à vrai dire à mon cher ORL et à mon "oreille cassée", ORL que je dois revoir à la fin du mois et je ne vais pas manquer de lui poser la même question, cette fois je vais oser, vu son étagère remplie de Tintin, Milou, Capitaine Haddock, Dupondt et autres figurines de tintinophiles.
Revenons à nos moutons. Hier je reçois un mail (lu ce matin) de la rédaction du Philosophie Magazine me demandant, très gentiment et même avec délicatesse, "de bien vouloir remplacer les reproductions intégrales de nos contenus par des citations.", ainsi que "Vous êtes autorisée à citer un bref passage à condition d'en spécifier la source et en incluant un lien." Je signale tout de même concernant l'article Les visiteurs du soi que je n'avais pas photographié l'article intégral faisant 5 pages mais seulement une page... en guise de mise en bouche pour mes lecteurs, afin qu'ils aient envie d'en savoir plus en achetant le magazine. On m'indiquait également que je n'avais pas le droit de reproduire des articles du Philosophie Magazine "sans l'accord de l'éditeur." Quant à spécifier la source de mes photos, je pensais sincèrement que ce que j'écrivais dans ce billet suffisait à clarifier l'eau de la source :

"Six mois de répit; j'avais presque oublié cette sensation, monstrueuse, diabolique, d'être sur un manège qui tournerait à la vitesse du son (340 mètres par seconde) : vertigineux.
Pas le courage d'écrire, peux pas fixer l'écran longtemps, mais je peux lire le Philosophie Magazine.
[...]

Dans ce numéro de l'été du Philomag, j'ai particulièrement aimé un article : Les visiteurs du soi. Une rencontre Pierre Bayard et Clément Rosset. Je ne vais pas vous faire le résumé. Tsss! (Allez l'acheter lecteurs radins! Mais non, je rigole - ce sont les médicaments qui me déboussolent). Photos et idem pour les clics... qui agrandissent les images. Début de l'article. Non mais! J'ai des vertiges...
[...]
 Clément Rosset serait-il tintinophile (0_0)? 

"Nous restons des personnalités en souffrance car coïncider avec son "vrai moi" est une tâche impossible".
(Clément Rosset)


La rectification est faite, par la suppression de mon billet tel qu'il l'était, je reproduis tout de même ci-dessus ce que j'écrivais, parce que hein, c'est du boulot de faire tout ça. Non mais!
Après avoir répondu au mail de mon correspondant de guerre charmant que j'allais supprimer mon billet (par manque de courage pour le remanier; finalement ce nouveau billet est encore plus long à faire et j'ai du linge à étendre, pfff!), j'ai reçu en retour une réponse pas du tout guerrière, très bienveillante et je répète, délicate. Donc :

 http://pmcdn.priceminister.com/photo/dupont-et-dupond-tout-va-bien-herge-carte-postale-1992-935082496_ML.jpg



mardi 11 août 2015

Les visiteurs du soi

Six mois de répit; j'avais presque oublié cette sensation, monstrueuse, diabolique, d'être sur un manège qui tournerait à la vitesse du son (340 mètres par seconde) : vertigineux.
Pas le courage d'écrire, peux pas fixer l'écran longtemps, mais je peux lire le Philosophie Magazine.


(Cliquer puis clic droit pour afficher l'image... et pouvoir lire,
lecteurs fainéants. Non mais!)

Mes vacances furent donc rousseauistes! 

Dans ce numéro de l'été du Philomag, j'ai particulièrement aimé un article : Les visiteurs du soi. Une rencontre Pierre Bayard et Clément Rosset. Je ne vais pas vous faire le résumé. Tsss! (Allez l'acheter lecteurs radins! Mais non, je rigole - ce sont les médicaments qui me déboussolent). Photos et idem pour les clics... qui agrandissent les images. Début de l'article. Non mais! J'ai des vertiges...



 Clément Rosset serait-il tintinophile (0_0)? 

"Nous restons des personnalités en souffrance car coïncider avec son "vrai moi" est une tâche impossible".
(Clément Rosset)

jeudi 6 août 2015

***

Pour CEUX, CELLE, CELUI qui ne connaissent pas JLK (s'il en reste) je vous recommande son blog : ses Carnets mais aussi ses percutants et décapants CELUI QUI, CELLE QUI, CEUX QUI

Pour donner le ton, mon sourire de ce matin :

"Celui qui te traite de crise climatique au motif que tu les lui chauffes."

lundi 3 août 2015

Mes lectures de vacances 5



(Cliquer pour agrandir)



JOURNAL
COMMENCE LE 14 NOVEMBRE 1813


Si j’avais commencé ce journal il y a dix ans, et que je l’eusse fidèlement tenu ! eh !... oh !... Il n’y a que trop de choses que je voudrais ne pas me rappeler. Après tout, j’ai eu ma part de ce qu’on appelle les plaisirs de cette vie, et j’ai vu du monde européen et asiatique, plus qu’il n’a été utile à mon bonheur. On dit que la vertu est à elle-même sa propre récompense. Certes, elle doit bien se payer pour la peine qu’elle nous donne. A vingt-cinq ans, lorsque la meilleure partie de la vie est déjà écoulée, on devrait être quelque chose ; et que suis-je moi ? Rien, qu’un homme de vingt-cinq ans et quelques mois. Qu’ai-je vu ? Le même homme partout ; oui : et partout la même femme. Qu’on me donne un mahométan qui ne fasse jamais de questions, et une femelle de la même race qui nous épargne la peine d’en faire. […]

[…] 

17 novembre. 

Point de lettre de *** ; mais je ne dois pas me plaindre. Le vénérable Job a dit : « Pourquoi l’homme vivant se plaindrait-il ? » Réellement, je n’en sais rien, si ce n’est par la raison que l’homme mort ne peut se plaindre. Et lui, le dit patriarche, se plaignait pourtant, et même au point de fatiguer ses amis et d’amener sa femme à faire cette pieuse exhortation : « maudis ! et meurs ! » Le seul moment, à ce que je suppose, où l’on ne trouve pas un peu de soulagement à jurer.

[…]

J’ai passé la soirée d’hier chez lord H… ; Mackintosh et Puységur y étaient. Je tâchais de me rappeler une citation sur l’architecture, faite, je crois, par madame de Staël, et tirée de quelque sophiste teutonique. « L’architecture », dit ce Mocoronico tédescho, « me rappelle la musique gelée. » C’est quelque part, mais où ? Le démon de la perplexité doit le savoir et ne veut pas me le dire. Je demandais à M. ; il me répondit que ce n’était pas de madame de Staël; mais

Puységur dit que si, que ce devait être d’elle, parce que c’était trop dans son genre

H… rit, comme il le fait toujours quand il est question de « l’Allemagne » ; mais là-dessus je trouve qu’il va trop loin. On dit que B. en parle avec dédain. Il y a, cependant, de forts beaux passages. Et après tout, qu’est-ce qu’un livre (je n’en excepte aucun), sinon un désert où, dans un jour de marche, on rencontre çà et là quelques sources et peut-être un ou deux bocages ? […]

[…]

J’ai dîné aujourd’hui pour la première fois depuis dimanche dernier, et c’est encore aujourd’hui dimanche. Toute la semaine rien que du thé et des biscuits secs ; six per diem : Et plût au ciel que je n’eusse pas dîné encore ! Je suis abîmé de pesanteur, de stupeur et de mauvais rêves ; cependant je n’ai pris que du poisson et une vingtaine de bouchées. Jamais je ne mange de viande, et très rarement de légumes. Je me voudrais à la campagne pour faire de l’exercice, au lieu d’être forcé de me rafraîchir par l’abstinence. Une légère augmentation d’embonpoint ne m’inquièterait pas ; mes os la supporteraient fort bien. Malheureusement, le diable me talonnerait de nouveau ; je ne puis le chasser que par famine, et je ne veux être l’esclave d’aucun appétit. Si je m’égare, du moins sera-ce mon cœur qui me fraiera la route. Oh ! ma tête ! qu’elle me fait mal ! toutes les horreurs de la digestion ! Je m’étonne  comment Bonaparte digère son dîner.

[…]

[…] Aïe ! aïe ! ma tête ! je crois qu’elle ne m’a été donnée que pour me faire souffrir.

Bon soir.



Dimanche, 6 décembre. 

[…]
Ce journal est un soulagement. Quand je suis fatigué (ce qui m’arrive en général), tout passe ici, et je balaie de mon âme peines et ennuis. Mais je ne puis le relire ; et Dieu sait combien il doit renfermer de contradictions ? Si je suis sincère avec moi-même (car je crains qu’on ne se mente à soi-même autant qu’aux autres), chaque page doit contredire, réfuter, renier celle qui la précède.

[…] 

Mardi, 7 décembre. 

Dormi sans rêves, mais d’une façon agitée et peu rafraîchissante. J’étais levé une heure avant qu’on vînt m’éveiller ; et j’ai traîné trois heures à m’habiller. Quand on retranche de la vie l’enfance, qui n’est qu’un état de végétation, le sommeil, les repas, le temps passé à vider les bouteilles, à se boutonner, se déboutonner, que reste-t-il de véritable existence ? l’été d’une marmotte..

[…]
Ce matin, un très joli billet de madame de Staël, au sujet de notre entrevue de demain chez lord H. Je gagnerais qu’elle en a écrit vingt, tous également flatteurs, à différentes personnes. Tant mieux pour elle, et pour ceux qui la croient, ou qui souhaite croire tout ce qu’elle leur dit. Il lui a plu d’être satisfaite de mon léger éloge dans la note annexée à la Fiancée. Cela s’explique de plusieurs façons. 1° Toute femme aime la louange, telle quelle ; 2° elle ne s’y attendait pas, parce que jamais je ne lui ai fait ma cour ; 3° comme dit Scrub, les personnes qui ont été, pendant toute leur vie, régulièrement louangées par des critiques de profession, aiment un peu de variété, et sont bien aises quelqu’un se détourne de son chemin pour leur adresser une parole civile ; et 4° c’est au fond, une très bonne créature ; ce qui après tout est la meilleure raison, et peut-être la seule.

[…] 

Dimanche, 12 décembre. 
[…]

J’ai envoyé mes excuses à madame de Staël. Je ne me sens pas assez sociable pour dîner dehors aujourd’hui. […] Je ne sors que pour reprendre goût à la solitude.

[…] 

14, 15, 16 décembre. 

Fait beaucoup de choses, mais rien à enregistrer. C’est bien assez de noter mes pensées ; mes actions sont rarement de nature à ce que j’y revienne. 

18 février. 

Neuf heures. 
[…]
J’ai lu un peu ; j’ai écrit des billets et des lettres ; et me voilà seul, ce que Locke appelle être en mauvaise compagnie. « Ne soyez pas isolé ; ne restez pas oisif. » Hem ! L’oisiveté sans doute est à charge ; mais la solitude pourquoi la blâmer ? Plus je vois les hommes, moins je les aime. Si seulement je pouvais en dire autant des femmes, tout irait bien. Pourquoi ne le puis-je pas ? j’ai 26 ans, et mes passions ont eu de quoi se calmer, mes affections plus qu’il n’en fallait pour se flétrir, et cependant… - Toujours cependant – toujours mais. « Nous sommes tous au fond des misérables : va, va, retire-toi au couvent. Ils m’ont rendu fou ! » 

10 avril. 

Je ne trouve pas que je sois plus heureux dans l’isolement ; mais, ce dont je suis sûr, c’est que jamais je ne reste longtemps dans la société, même de la femme que j’aime, sans bientôt (j’en prends Dieu à témoin, lui qui ne le sait que trop, et l’esprit infernal qui probablement ne l’ignore pas), sans dis-je, soupirer après ma lampe et ma bibliothèque sans ordre et toute bouleversée. […] 

19 avril 1814. 
[…]
Et tous les jours qui ont eu

un lendemain ont éclairé des dupes

dans leur route vers la mort. »

J’abjure dès aujourd’hui la continuation de ce journal, qui porte la lumière d’une touche sur mes actions de la veille et, de crainte d’être tenté de retourner comme un chien à ce que ma mémoire a vomi, j’arrache le reste des feuilles de ce cahier, et j’écris en ipécacuanha « qu’il y a eu restauration ! » Pends-toi, philosophie ! assurément depuis longtemps j’étais plein de mépris pour moi et pour la race humaine ; mais jusqu’ici, jamais je n’avais craché à la face de mon espèce.
O insensé ! j’y perdrai la raison !*

* Le Roi Lear (Shakespeare).





JOURNAL DE 1821

Ravenne, 4 janvier 1821. 

Une pensée soudaine me frappe. Je veux commencer un nouveau journal. J’ai tenu le dernier en Suisse ; c’était le récit d’une excursion dans les Alpes bernoises : je le fis en 1816 pour l’envoyer à ma sœur, car elle m’a écrit qu’il lui avait fait plaisir. Dans la même année, j’en donnai un autre, plus long, à Thomas Moore ; je l’avais tenu entre 1813 et 1814.

[…]





JOURNAL SANS DATE 

Plutarque dit que, selon Aristote, les grands génies sont généralement mélancoliques, et il donne pour exemple Socrate, Platon, etc. je ne sais si je suis un génie, quoique appelé ainsi par amis et par ennemis ; de mon génie je ne puis rien dire ; mais quant à ma mélancolie, elle croît et devrait diminuer ; mais comment ?... je pense que la plupart des hommes sont au fond ainsi, mais que cela est remarqué seulement dans les remarquables…

[…]



 *

*    *



Aucun homme ne voudrait revivre sa vie ; c’est un vieux et vrai dicton que chacun peut résoudre pour soi ; mais il y a probablement dans l’existence de la plupart des hommes des moments pour lesquels ils recommenceraient à vivre. Autrement, pourquoi vivrait-on ? L’espérance se retrempe dans la mémoire, toutes deux fausses, - mais – mais… et ce mais nous traîne jusqu’à… Quoi ? Je ne sais ! et qui le sait ?... celui qui mourut mercredi.
[…] 

Journaux intimes de Byron, Mémoires révélateurs, éditions Gallimard, 1930.




George Gordon Byron, 6e baron Byron, généralement appelé Lord Byron, est un poète britannique, né le à Londres et mort le à Missolonghi, en Grèce, alors sous domination ottomane. Il est l'un des plus illustres poètes de l'histoire littéraire de langue anglaise. Bien que classique par le goût, il représente l'une des grandes figures du romantisme avec Robert Southey, Wordsworth, Coleridge, Shelley et Keats.



J’avais donc décidé durant ces trois semaines de vacances à Saint-Palais-sur-Mer de consacrer mes lectures aux Journaux intimes d’écrivains. Celui-ci n’était pas dans la petite bibliothèque de l’appartement ; je l’ai déniché près du marché chez un bouquiniste. La couverture était un peu tachée et le livre recouvert de plastique transparent. Les pages jaunies étaient intactes; il n’avait jamais été lu car j’ai dû les trancher pour les lire. Un petit plus jouissif pour moi.

J’ai aimé lire ce quotidien du poète et j’ai préféré la deuxième partie : Journal de 1821 et Journal sans date. C’est étrange : lorsque je l’ai lu, en vacances, je n’ai pas ressenti cette profonde mélancolie de Byron que je ressens aujourd’hui en retranscrivant ces quelques extraits. J’écrivais même à un ami : « je lis en ce moment les journaux intimes de Byron. Beaucoup d’ironie. Je m’amuse bien à cette lecture. »

Sans doute me sentais-je plus légère, là-bas, que de retour dans mon quotidien et, ma propre mélancolie. Et puis, savoir aujourd'hui qu'il est mort à 36 ans, plombe un tantinet ma légèreté. Mais je ne devrais pas... car je lis ceci (j'ai donc bien senti son ironie) : 
"Pour toute une génération d’auteurs français, on ne retint de Lord Byron que le côté sombre, oubliant la gaieté railleuse de son Don Juan." (Source : Wikipédia, Lord Byron).